La carrière du Grand Amiral Dönitz
A travers l'histoire des U-Boote
Partie 1
Surnommé Le Lion par ses hommes, contrôlant toujours ses réactions, les lèvres serrées, le sourire rare mais malicieux, ses grands yeux fixant calmement son vis-à-vis, il était aimé de ses officiers et des hommes d'équipage.
Karl Dönitz est né en 1891, à Grünau, près de Berlin. Sa famille était originaire de Saxe ; aucun de ses ancêtres n'avait été dans la marine. Son père était ingénieur chez Carl Zeiss (manufacture d'optique), à Iéna.
Après ses études dans un collège privé, il entra comme cadet dans la marine de guerre impériale, à Kiel, le 1er avril 1910. Après avoir passé un an sur un croiseur-école, il fut admis, en avril 1912, comme élève officier à l'école navale impériale de Flensburg-Mürwik. Le 1er octobre 1912, il était affecté au croiseur Brëslau, comme aspirant faisant fonction d'officier de transmission.
En 1914, quand la guerre éclata, il était enseigne de vaisseau, les croiseurs Göben et Brëslau furent dirigés vers les Dardanelles, sous les ordres de l'amiral Souchon, afin d'encourager le gouvernement turc, déjà favorable à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie, à entrer en guerre à leurs côtés.
Le 16 août 1914, les deux croiseurs passèrent au service des Turcs et le Brëslau fut rebaptisé Midilli, tandis que l'amiral Souchon devenait commandant en chef de la flotte turque . mais la Turquie restait encore neutre.
La guerre commença pour Dönitz le 27 octobre 1914 : attaque au canon de ports russes, escorte de convois en mer Noire. Pendant que le Brëslau / Midilli était en réparation, après avoir touché une mine, Dönitz, de juillet 1915 au 27 février 1916, fut affecté, sur un avion monomoteur Gotha faisant la chasse aux sous-marins anglais.
Le 1er octobre 1916, il fut rappelé en Allemagne pour être versé dans les sous-marins, et il fit son apprentissage comme officier de quart sur l'U-39. En février 1918, il reçut le commandement de l'UC-25, basé à Pola, port de guerre autrichien sur l'Adriatique ; ce sous-marin pouvait transporter 18 mines, il était équipé de 2 tubes lance-torpilles, avec 5 torpilles à bord ; l'équipage se composait de 3 officiers et 23 hommes ; la vitesse était de 11,5 nouds en surface et 6,9 en plongée.
Le 17 mars 1918, l'UC-25 coula un navire italien à l'intérieur du port de Porta Augusta, dans lequel il avait pu pénétrer en plongée par un étroit chenal non miné de 12 m de profondeur.
Pour ce fait d'armes, Dönitz fut cité au communiqué et Guillaume II le nomma Chevalier de l'Ordre de la Maison de Hohenzollern.
Dönitz commanda ensuite l'UB-68, sous-marin armé de 6 tubes lance-torpilles, avec 12 torpilles à bord, de vitesse élevée en surface (13,4 nouds, contre 7,8 en plongée), mais qui manquait de stabilité.
Les 3 et 4 octobre 1918, il était devant le cap Passero, au sud-est de la Sicile. Le 4, l'UB-68 coula un navire de convoi, mais eut ensuite des ennuis mécaniques dus à sa mauvaise stabilité. Après une plongée involontaire jusqu'à une profondeur de 92 m, qui aurait dû entraîner sa perte, il réussit à remonter en surface . pour se retrouver en plein milieu du convoi ennemi, sans possibilité de plonger à nouveau car il avait épuisé toutes ses réserves d'air comprimé pour refaire surface.
L'enseigne de vaisseau Dönitz fut obligé de donner l'ordre d'évacuation, sous le tir des navires d'escorte du convoi. Un coup au but coula l'UB-68, dont l'équipage fut recueilli par un destroyer anglais, à l'exception de l'ingénieur-mécanicien et de cinq hommes qui périrent dans le sous-marin.
Transféré à Malte, puis dans un camp de prisonniers en Angleterre, Dönitz ne fut libéré qu'en juillet 1919.
Le traité de Versailles ayant interdit à l'Allemagne de posséder des sous-marins, Dönitz pense, un temps, entrer dans la vie civile. Il en est dissuadé par son beau-père, le général Weber.
En 1920, il reçoit le commandement d'un torpilleur. En mars 1923, il devient conseiller à l'inspection des torpilles, des mines et des renseignements, à Kiel, où il est spécialement chargé d'étudier la défense contre les sous-marins. Ensuite, pendant trois ans, du 1er octobre 1924 au 1er octobre 1927, il est affecté à la direction de la marine à Berlin.
Après ces années de travail dans les bureaux, Dönitz reprit du service actif, comme officier de route sur le croiseur Nymphe, navire amiral du commandant des Forces Navales de la Baltique, pendant un an, puis à partir du 1er octobre 1928, comme commandant de la 4éme Flottille de torpilleurs composée de 4 bâtiments neufs.
Le 1er octobre 1930, il fut nommé premier officier d'état-major de l'Amirauté et chef d'état-major de l'amiral commandant les Forces Navales en mer du Nord.
Bénéficiaire d'une bourse de voyage offerte chaque année à un officier, il visite de février à juin 1933 les Indes néerlandaises, Ceylan et l'Inde orientale.
Du 1er octobre 1934 au 28 septembre 1935, il commande le croiseur Emden.
Le 18 juin 1935, l'Angleterre et l'Allemagne signent un accord naval par lequel le gouvernement allemand s'engage à limiter le tonnage de sa flotte de guerre à 35% de celui de la flotte anglaise ; pour les sous-marins, cette proportion, fixée à 45% pourrait par la suite être portée à 100%. Ces 45% ne représentaient que 24 000 tonnes seulement, car les Anglais, croyant que les sous-marins étaient périmés depuis l'invention de l'asdic, en avaient peu construit.
L'état-major de la marine allemande avait prévu, dès 1922, la reprise de la construction des sous-marins, et avait mis des plans à l'étude, si bien que, dès le début de 1935, les premières unités étaient mises en chantier (pendant que se déroulaient encore les pourparlers anglo-allemand) : c'étaient des bâtiments de 250 tonnes, dont les six premiers (U-1 à U-6) furent affectés à l'entraînement des élèves de l'Ecole de navigation sous-marine.
Le 28 septembre 1935 fut constituée la première flottille « Flottille Weddingen » (du nom d'un commandant de sous-marin de la guerre 1914-1918), placée sous le commandement du capitaine de frégate Dönitz : elle comprenait trois petits sous-marins du même type (U-7 à U-9), auxquels vinrent plus tard se joindre neuf autres unités (U-10 à U-18 .
Dönitz faisait subir à ses équipages un entraînement intensif. Il leur fixait la distance de 600 m pour les lancers de torpilles, en plongée comme en surface. L'expérience de la guerre de 14-18 lui avait montré que les sous-marins, qui alors opéraient seuls, étaient inefficaces contre les convois fortement protégés. Dès la fin de l'année 1935, il mit au point sa tactique de groupe, dit encore « tactique de meute » (inspirée des meutes de loups chassant leur proie) : l'attaque des convois se fera de nuit, en surface, car l'asdic n'est efficace que contre les sous-marins en plongée et la vitesse de déplacement des U-Boote est plus grande en surface. Ils manoeuvreront ainsi avec plus de succès. Des avions de reconnaissance devront collaborer avec la marine pour dépister les convois.
Malheureusement pour Dönitz, le grand maître de la Luftwaffe était Hermann Göring, qui proclamait fièrement : « Tout ce qui vole m'appartient ». Dönitz s'entendait fort mal avec lui, et sa demande d'avions de reconnaissance à long rayon d'action fut accueillie par un refus catégorique. Lorsque la guerre éclata et que les U-Boote eurent un besoin de plus en plus pressant d'informations détaillées, l'intervention personnelle du Führer fut nécessaire pour dénouer ce conflit.
Comme l'exposait Dönitz lui-même : « Simultanément le chef de la flottille posait les bases de la tactique à développer [.]. La concentration sur un but déterminé faisait naître la nécessité d'une collaboration tactique entre les sous-marins affectés à un secteur ou à une zone d'opérations [.]. Il s'agissait de découvrir l'ennemi, de le signaler et de l'attaquer avec un nombre de bâtiments aussi élevé que possible ».
Ainsi naquit, à la fin de 1935, la « tactique des meutes » qui devait, par la suite, toucher à la perfection.
Il fallut couvrir plusieurs étapes. Tout à l'origine, il y eu la tactique employée par les torpilleurs pour leurs missions d'éclairage et de protection. On commença par établir des barrages de guet ou de reconnaissance. En apercevant l'ennemi, un sous-marin lançait un message de contact et les autres manoeuvraient pour attaquer. Cette façon de faire s'appliquait seulement en face d'un adversaire naviguant à une vitesse inférieure. On la compléta donc en postant un ou plusieurs groupes en arrière des barrages de guet, chargés de l'attaque proprement dite. Les diverses situations furent étudiées dans toutes leurs variantes, au cours d'innombrables exercices. On aboutit ainsi à la formation en cercle. Le premier sous-marin apercevant un adversaire tenait le contact alors que les autres constituaient aussitôt des groupes d'attaque. Des ordres généraux, constamment améliorés en fonction des expériences, condensèrent les leçons ainsi obtenues.
Cette nouvelle tactique fut pour la première fois expérimentée dans la mer Baltique, aux grandes manouvres de l'automne de 1937. Dönitz était alors, depuis l'automne 1936, commandant en chef des sous-marins.
D'autres exercices eurent lieu en mer du Nord puis, en mai 1939, dans l'Atlantique, à l'ouest de l'Espagne et du golfe de Gascogne.
Quelques officiers casse coup s'étaient rendus compte qu'il était très difficile à un veilleur de repérer la silhouette basse d'un sous-marin par nuit noire.
Il semblait donc possible de pénétrer à l'intérieur d'un convoi sans être vu, de lâcher ses torpilles et de s'échapper à grande vitesse pour éviter les collisions. Les sous-marins du Type VIIA atteignaient 16 nouds sur leurs diesels. (la vitesse moyenne d'un convoi était de 7 à 8 nouds)
En plus d'une véritable « bible » destinée aux officiers sous-mariniers, le futur amiral Dönitz publia, en 1939, un livre exposant cette tactique, « L'arme sous-marine ». Les Anglais connaissaient les deux ouvrages mais ils ne prirent aucune des mesures de précaution élémentaires pour contrarier les attaques en surface et en meute ! Ils furent complètement pris au dépourvu parce qu'ils accordaient trop de confiance à l'asdic, inefficace en surface. D'autre part, la marine anglaise était traditionnellement une marine de surface et n'accordait pas d'importance à l'action des sous-marins, malgré les leçons qu'elle aurait dû tirer de la guerre 14-18.
Du côté allemand, le Grand Amiral Raeder, partageant le point de vue anglais, pensait surtout à accroître le nombre de ses navires de surface et en était resté, en ce qui concerne les rôles des sous-marins, à 1917. Or, dès le 2 décembre 1937, le Conseil de Défense Britannique prévoyait l'adoption du système des convois en cas de guerre, contre lesquels les sous-marins isolés restaient impuissants.
A la fin de 1938, le chancelier Hitler informa Raeder que l'Angleterre devait être considérée comme un adversaire éventuel mais qu'une guerre n'était pas imminente. Le Grand Amiral présenta au Führer un programme de constructions navales, le plan Z. Dans son esprit, les convois devaient être attaqués par des groupes de combat formés de cuirassés et de croiseurs ; il ne se rendait pas compte que ces navires étaient vulnérables aux attaques aériennes en mer comme au mouillage.
Le plan Z prévoyait certes la construction de 233 sous-marins, mais ce chiffre ne devait être atteint qu'en 1948 ! Cependant Dönitz, dès l'hiver 1938-1939, réclamait 300 sous-marins, ce qui permettrait d'en avoir 100 en action, tandis que 100 seraient dans les ports pour réparations ou pour permettre aux équipages de se reposer ; les 100 derniers partiraient en opérations ou seraient sur le chemin du retour.
La ligne de conduite des opérations sous-marines allemandes pendant tout le cours de la Seconde Guerre mondiale ne fut jamais ignorée du Haut Commandement allié : elle découlait du principe fondamental que l'amiral Dönitz avait clairement exposé et inculqué à ses commandants de U-Boote.
A travers l'histoire des U-Boote
Partie 1
Surnommé Le Lion par ses hommes, contrôlant toujours ses réactions, les lèvres serrées, le sourire rare mais malicieux, ses grands yeux fixant calmement son vis-à-vis, il était aimé de ses officiers et des hommes d'équipage.
Karl Dönitz est né en 1891, à Grünau, près de Berlin. Sa famille était originaire de Saxe ; aucun de ses ancêtres n'avait été dans la marine. Son père était ingénieur chez Carl Zeiss (manufacture d'optique), à Iéna.
Après ses études dans un collège privé, il entra comme cadet dans la marine de guerre impériale, à Kiel, le 1er avril 1910. Après avoir passé un an sur un croiseur-école, il fut admis, en avril 1912, comme élève officier à l'école navale impériale de Flensburg-Mürwik. Le 1er octobre 1912, il était affecté au croiseur Brëslau, comme aspirant faisant fonction d'officier de transmission.
En 1914, quand la guerre éclata, il était enseigne de vaisseau, les croiseurs Göben et Brëslau furent dirigés vers les Dardanelles, sous les ordres de l'amiral Souchon, afin d'encourager le gouvernement turc, déjà favorable à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie, à entrer en guerre à leurs côtés.
Le 16 août 1914, les deux croiseurs passèrent au service des Turcs et le Brëslau fut rebaptisé Midilli, tandis que l'amiral Souchon devenait commandant en chef de la flotte turque . mais la Turquie restait encore neutre.
La guerre commença pour Dönitz le 27 octobre 1914 : attaque au canon de ports russes, escorte de convois en mer Noire. Pendant que le Brëslau / Midilli était en réparation, après avoir touché une mine, Dönitz, de juillet 1915 au 27 février 1916, fut affecté, sur un avion monomoteur Gotha faisant la chasse aux sous-marins anglais.
Le 1er octobre 1916, il fut rappelé en Allemagne pour être versé dans les sous-marins, et il fit son apprentissage comme officier de quart sur l'U-39. En février 1918, il reçut le commandement de l'UC-25, basé à Pola, port de guerre autrichien sur l'Adriatique ; ce sous-marin pouvait transporter 18 mines, il était équipé de 2 tubes lance-torpilles, avec 5 torpilles à bord ; l'équipage se composait de 3 officiers et 23 hommes ; la vitesse était de 11,5 nouds en surface et 6,9 en plongée.
Le 17 mars 1918, l'UC-25 coula un navire italien à l'intérieur du port de Porta Augusta, dans lequel il avait pu pénétrer en plongée par un étroit chenal non miné de 12 m de profondeur.
Pour ce fait d'armes, Dönitz fut cité au communiqué et Guillaume II le nomma Chevalier de l'Ordre de la Maison de Hohenzollern.
Dönitz commanda ensuite l'UB-68, sous-marin armé de 6 tubes lance-torpilles, avec 12 torpilles à bord, de vitesse élevée en surface (13,4 nouds, contre 7,8 en plongée), mais qui manquait de stabilité.
Les 3 et 4 octobre 1918, il était devant le cap Passero, au sud-est de la Sicile. Le 4, l'UB-68 coula un navire de convoi, mais eut ensuite des ennuis mécaniques dus à sa mauvaise stabilité. Après une plongée involontaire jusqu'à une profondeur de 92 m, qui aurait dû entraîner sa perte, il réussit à remonter en surface . pour se retrouver en plein milieu du convoi ennemi, sans possibilité de plonger à nouveau car il avait épuisé toutes ses réserves d'air comprimé pour refaire surface.
L'enseigne de vaisseau Dönitz fut obligé de donner l'ordre d'évacuation, sous le tir des navires d'escorte du convoi. Un coup au but coula l'UB-68, dont l'équipage fut recueilli par un destroyer anglais, à l'exception de l'ingénieur-mécanicien et de cinq hommes qui périrent dans le sous-marin.
Transféré à Malte, puis dans un camp de prisonniers en Angleterre, Dönitz ne fut libéré qu'en juillet 1919.
Le traité de Versailles ayant interdit à l'Allemagne de posséder des sous-marins, Dönitz pense, un temps, entrer dans la vie civile. Il en est dissuadé par son beau-père, le général Weber.
En 1920, il reçoit le commandement d'un torpilleur. En mars 1923, il devient conseiller à l'inspection des torpilles, des mines et des renseignements, à Kiel, où il est spécialement chargé d'étudier la défense contre les sous-marins. Ensuite, pendant trois ans, du 1er octobre 1924 au 1er octobre 1927, il est affecté à la direction de la marine à Berlin.
Après ces années de travail dans les bureaux, Dönitz reprit du service actif, comme officier de route sur le croiseur Nymphe, navire amiral du commandant des Forces Navales de la Baltique, pendant un an, puis à partir du 1er octobre 1928, comme commandant de la 4éme Flottille de torpilleurs composée de 4 bâtiments neufs.
Le 1er octobre 1930, il fut nommé premier officier d'état-major de l'Amirauté et chef d'état-major de l'amiral commandant les Forces Navales en mer du Nord.
Bénéficiaire d'une bourse de voyage offerte chaque année à un officier, il visite de février à juin 1933 les Indes néerlandaises, Ceylan et l'Inde orientale.
Du 1er octobre 1934 au 28 septembre 1935, il commande le croiseur Emden.
Le 18 juin 1935, l'Angleterre et l'Allemagne signent un accord naval par lequel le gouvernement allemand s'engage à limiter le tonnage de sa flotte de guerre à 35% de celui de la flotte anglaise ; pour les sous-marins, cette proportion, fixée à 45% pourrait par la suite être portée à 100%. Ces 45% ne représentaient que 24 000 tonnes seulement, car les Anglais, croyant que les sous-marins étaient périmés depuis l'invention de l'asdic, en avaient peu construit.
L'état-major de la marine allemande avait prévu, dès 1922, la reprise de la construction des sous-marins, et avait mis des plans à l'étude, si bien que, dès le début de 1935, les premières unités étaient mises en chantier (pendant que se déroulaient encore les pourparlers anglo-allemand) : c'étaient des bâtiments de 250 tonnes, dont les six premiers (U-1 à U-6) furent affectés à l'entraînement des élèves de l'Ecole de navigation sous-marine.
Le 28 septembre 1935 fut constituée la première flottille « Flottille Weddingen » (du nom d'un commandant de sous-marin de la guerre 1914-1918), placée sous le commandement du capitaine de frégate Dönitz : elle comprenait trois petits sous-marins du même type (U-7 à U-9), auxquels vinrent plus tard se joindre neuf autres unités (U-10 à U-18 .
Dönitz faisait subir à ses équipages un entraînement intensif. Il leur fixait la distance de 600 m pour les lancers de torpilles, en plongée comme en surface. L'expérience de la guerre de 14-18 lui avait montré que les sous-marins, qui alors opéraient seuls, étaient inefficaces contre les convois fortement protégés. Dès la fin de l'année 1935, il mit au point sa tactique de groupe, dit encore « tactique de meute » (inspirée des meutes de loups chassant leur proie) : l'attaque des convois se fera de nuit, en surface, car l'asdic n'est efficace que contre les sous-marins en plongée et la vitesse de déplacement des U-Boote est plus grande en surface. Ils manoeuvreront ainsi avec plus de succès. Des avions de reconnaissance devront collaborer avec la marine pour dépister les convois.
Malheureusement pour Dönitz, le grand maître de la Luftwaffe était Hermann Göring, qui proclamait fièrement : « Tout ce qui vole m'appartient ». Dönitz s'entendait fort mal avec lui, et sa demande d'avions de reconnaissance à long rayon d'action fut accueillie par un refus catégorique. Lorsque la guerre éclata et que les U-Boote eurent un besoin de plus en plus pressant d'informations détaillées, l'intervention personnelle du Führer fut nécessaire pour dénouer ce conflit.
Comme l'exposait Dönitz lui-même : « Simultanément le chef de la flottille posait les bases de la tactique à développer [.]. La concentration sur un but déterminé faisait naître la nécessité d'une collaboration tactique entre les sous-marins affectés à un secteur ou à une zone d'opérations [.]. Il s'agissait de découvrir l'ennemi, de le signaler et de l'attaquer avec un nombre de bâtiments aussi élevé que possible ».
Ainsi naquit, à la fin de 1935, la « tactique des meutes » qui devait, par la suite, toucher à la perfection.
Il fallut couvrir plusieurs étapes. Tout à l'origine, il y eu la tactique employée par les torpilleurs pour leurs missions d'éclairage et de protection. On commença par établir des barrages de guet ou de reconnaissance. En apercevant l'ennemi, un sous-marin lançait un message de contact et les autres manoeuvraient pour attaquer. Cette façon de faire s'appliquait seulement en face d'un adversaire naviguant à une vitesse inférieure. On la compléta donc en postant un ou plusieurs groupes en arrière des barrages de guet, chargés de l'attaque proprement dite. Les diverses situations furent étudiées dans toutes leurs variantes, au cours d'innombrables exercices. On aboutit ainsi à la formation en cercle. Le premier sous-marin apercevant un adversaire tenait le contact alors que les autres constituaient aussitôt des groupes d'attaque. Des ordres généraux, constamment améliorés en fonction des expériences, condensèrent les leçons ainsi obtenues.
Cette nouvelle tactique fut pour la première fois expérimentée dans la mer Baltique, aux grandes manouvres de l'automne de 1937. Dönitz était alors, depuis l'automne 1936, commandant en chef des sous-marins.
D'autres exercices eurent lieu en mer du Nord puis, en mai 1939, dans l'Atlantique, à l'ouest de l'Espagne et du golfe de Gascogne.
Quelques officiers casse coup s'étaient rendus compte qu'il était très difficile à un veilleur de repérer la silhouette basse d'un sous-marin par nuit noire.
Il semblait donc possible de pénétrer à l'intérieur d'un convoi sans être vu, de lâcher ses torpilles et de s'échapper à grande vitesse pour éviter les collisions. Les sous-marins du Type VIIA atteignaient 16 nouds sur leurs diesels. (la vitesse moyenne d'un convoi était de 7 à 8 nouds)
En plus d'une véritable « bible » destinée aux officiers sous-mariniers, le futur amiral Dönitz publia, en 1939, un livre exposant cette tactique, « L'arme sous-marine ». Les Anglais connaissaient les deux ouvrages mais ils ne prirent aucune des mesures de précaution élémentaires pour contrarier les attaques en surface et en meute ! Ils furent complètement pris au dépourvu parce qu'ils accordaient trop de confiance à l'asdic, inefficace en surface. D'autre part, la marine anglaise était traditionnellement une marine de surface et n'accordait pas d'importance à l'action des sous-marins, malgré les leçons qu'elle aurait dû tirer de la guerre 14-18.
Du côté allemand, le Grand Amiral Raeder, partageant le point de vue anglais, pensait surtout à accroître le nombre de ses navires de surface et en était resté, en ce qui concerne les rôles des sous-marins, à 1917. Or, dès le 2 décembre 1937, le Conseil de Défense Britannique prévoyait l'adoption du système des convois en cas de guerre, contre lesquels les sous-marins isolés restaient impuissants.
A la fin de 1938, le chancelier Hitler informa Raeder que l'Angleterre devait être considérée comme un adversaire éventuel mais qu'une guerre n'était pas imminente. Le Grand Amiral présenta au Führer un programme de constructions navales, le plan Z. Dans son esprit, les convois devaient être attaqués par des groupes de combat formés de cuirassés et de croiseurs ; il ne se rendait pas compte que ces navires étaient vulnérables aux attaques aériennes en mer comme au mouillage.
Le plan Z prévoyait certes la construction de 233 sous-marins, mais ce chiffre ne devait être atteint qu'en 1948 ! Cependant Dönitz, dès l'hiver 1938-1939, réclamait 300 sous-marins, ce qui permettrait d'en avoir 100 en action, tandis que 100 seraient dans les ports pour réparations ou pour permettre aux équipages de se reposer ; les 100 derniers partiraient en opérations ou seraient sur le chemin du retour.
La ligne de conduite des opérations sous-marines allemandes pendant tout le cours de la Seconde Guerre mondiale ne fut jamais ignorée du Haut Commandement allié : elle découlait du principe fondamental que l'amiral Dönitz avait clairement exposé et inculqué à ses commandants de U-Boote.