Bonjour à tous
Après l'évocation de ce qu'était la vie heureuse à Agadir telle que nous l'avons connue,il est bon de rappeler les évènements vécus par tous ceux d'entre-nous, Pingouins et Marins d'Escadre, qui ne ménagèrent pas leur peine lors du séisme.
50 ans. Un anniversaire… le 29 février 1960 23H 40… Il semble indispensable avant tout de rendre un vibrant hommage aux premiers marins français qui sont sortis de leur Base d’Aéronautique navale alors qu’ils s’apprêtaient à se reposer pour plonger dans les ténèbres de la ville transformée en un vaste champ de ruines encore recouverte par un énorme nuage de poussière de ciment.
Ils étaient hébétés parce qu’ils venaient de subir et par l’ampleur du désastre qu’ils découvraient mais, leur obsession était de porter secours…
Dès qu’ils ont pris conscience de la gravité de la situation ils se sont en effet affairés au milieu des blocs et des gravats pour sauver des vies. Leur intervention a été salvatrice car ils étaient nombreux, jeunes, à proximité, équipés, organisés et imprégnés du devoir.
Leurs moyens de communication, leurs moyens logistiques, leurs moyens sanitaires,leurs réserves se trouvaient au cœur même de l’événement et leurs bâtiments n’avaient pas trop subis de dégâts.
Il n’en fut pas de même pour les trois compagnies des Forces Armées Royales qui ont du dans un premier temps se dégager eux-mêmes des décombres de leur cantonnement.Cela fut également le cas pour la Gendarmerie dont l’immeuble a été détruit.
La plupart des militaires français (1400 marins et 350 Zouaves) qui sont intervenus immédiatement étaient logés sur la Base d’Aéronautique navale située à 7 km du centre ville et de ce fait relativement épargnée.
Certains hélas vivaient en famille en ville ou dans les environs et c’est ainsi qu’une cinquantaine d’entre eux y laissèrent la vie. D’autres encore se trouvaient à bord de navires ancrés dans la baie.
Un important complément de matériel et un contingent supplémentaire de 2000 marins français furent transférés par la flotte française en cours d’exercice en Méditerranée.
Certains bâtiments devaient faire ensuite escale aux Canaries au moment
du séisme. Ces bâtiments français ont mis aussitôt le cap (à 30 nœuds) sur Agadir qu’ils atteignirent le 1er mars vers 23h sans d’ailleurs pouvoir accoster car le port était trop endommagé. Il s’agissait des escorteurs : Château Renault , Kersaint ,d’Estrées , Vauquelin , Maillé-Brézé , Chevalier Paul , La Bourdonnais .
Cette flotte avait à sa tête le croiseur Colbert commandé par le Capitaine de Vaisseau Salmon qui fit installé immédiatement un Etat Major sous les ordres du Capitaine de Frégate de Joybert, futur chef d’Etat Major de la Marine (Rapport du Capitaine de Vaisseau H.Bigot).
Les escorteurs rapides : Gascon , Basque , Lorrain , Picard ainsi que deux sous-marins arrivèrent peu après.
Grâce aux bâtiments français sur place, les marins ont pu nourrir
7 000 rescapés et distribuer 750 kg de pain chaque jour. Ils ont fourni immédiatement 150 tonnes de vivres et ont mis en place 200 tonnes de matériel de secours.
Les trois hélicoptères du porte avions La Fayette transféraient les vivres stockées surles différents bâtiments vers le PC d’Inezgane. L’un d’entre eux s’écrasa dans les dunes suite à un manque de visibilité du au brouillard. Ce fut le seul accident aérien qui ne fit d’ailleurs pas de victimes.
Au cours de la première semaine 1 850 blessés ont été soignés sur la BAN
par les équipes médicales de la Marine Nationale et 212 médecins détachés du contingent français stationné en Algérie. Au cours de cette même semaine infernale, les marins ont évacué pas moins de 3 232 rescapés. Dans la seule journée du 1er mars 1050 blessés ont également été évacués et600 le lendemain.
Le 2 mars à 19h 2440 corps avaient déjà été enterrés…
Les 18 avions de l’Aéronautique navale française (Lancaster, Junkers 52, SO30 P,SO 95, Bloch 161) entrèrent en action immédiatement. On a compté 35 rotations endeux jours avant l’arrivée massive de l’aide internationale qui fit monter en puissance letrafic aérien à Agadir etsur tout le territoire marocain.
Un Globemaster américain transporta des bulldozers tandis que des appareilsallemands ( 4 Nord 2500 ), Italiens ( 2 Nord 2500 ), Espagnols ( 6 C54 ), Portugais ( 2DC4 ), américains ( 6 avions de transport dont 2 Hercule C130 ) amenaient du matériel d’Europe.
Les Américains se posèrent avec du matériel lourd, 150 militaires, 10 médecins et des ingénieurs en déblaiement.
Du côté de la mer, pratiquement en même temps que les 20 bâtiments français, 5 navires Néerlandais dont le porte-avions Karel Dorman, le croiseur US Newport News et la frégate espagnole Maganalles rejoignaient la zone. Des cargos de commerce firent également route vers Agadir: le Zagora , le Tadla et le Mintaka .
La Grèce dépêcha le destroyer Argonaphtis, l’Italie le destroyer Indomito tandis que la Royal Navy envoyait sur zone le ravitailleur Ryne et le dragueur Darlaston .
D’autres bâtiments français rejoignirent Agadir : les escorteurs
Goumier et Malgache ainsi que les LST Laïta , Odet , Arzew .
Le porte avions La Fayette ssurait quant à lui le transfert de 2800 hommes des Forces Armées Royales Marocaines depuis Casablanca jusqu’à Agadir, tandis que 2Nord 2501 français effectuaient des rotations entre ces deux villes.
Ainsi, au Camp Cazes de Casablanca, on a dénombré plus de 132 mouvements aériens militaires français entre le 1er et le 3 mars.
Le vice amiral G.Cabanier commandant l’escadre a naturellement adressé de chaleureuses félicitations aux militaires français et a notamment ajouté :
« le PrinceMoulay Hassan m’a dit la reconnaissance que le peuple marocain vous devait. Il m’ademandé d’être son interprète et celui de Sa Majesté Mohammed V auprès de vous ».
Le Mérite Civique a été décerné aux marins sauveteurs un peu plus tard.
Le Premier Ministre français Monsieur Michel Debré adressait pour sa part le 6mars 1960 le message suivant aux marins français :
« Le Gouvernement de la République Française à vivement apprécié la promptitudeavec laquelle vous avez répondu à son appel en portant l'Escadre au secours despopulations sinistrées d'Agadir, ainsi que le dévouement et l'efficacité intelligente dontont fait preuve au cours des travaux de sauvetage, les Etats Majors et les Equipages.Mention spéciale doit être faite pour le service de Santé qui a réussi malgré lesconditions difficiles à sauver de nombreuses vies humaines. Je vous demande de transmettre ce témoignage de ma satisfaction à tous les Officiers, Officiers Mariniers,Quartiers maîtres et Marins sous vos ordres ».
Ces paragraphes sont extraits d’un récit publié en octobre 2009 par Jean Pinel(dont le frère avait péri sous les décombres de l'hôtel Saada)