HistoriqueSi la statue même du général Chanzy, qui domine le dernier carré des combattants du Mans, est l'œuvre d’un autre sculpteur, le valenciennois Crauk, tout le registre inférieur est dû au talent d’Aristide Croisy, qui n’a pas lésiné sur le nombre et la diversité des personnages de bronze de tous âges, fantassins, cavaliers, artilleurs, « mobiles » et marins, les uns blessés, les autres valides, et en tout cas bien déterminés à tirer jusqu’à la dernière cartouche de leurs armes (chassepots modèle 1866, ou à tabatière, c'est-à-dire anciens fusils à amorces transformés en armes à culasse, revolvers modèle 1870). On y voit aussi un cheval blessé à terre ainsi qu’un canon muet et divers gabions tressés d’osier déchirés par la mitraille. Un superbe officier chenu à la barbe fleurie, drapé dans les plis du drapeau tricolore, ne tient aucune arme, mais s’agrippe férocement au manche de l’étendard.
Cela représente en tout pas moins de 14 personnages, dont 2 officiers, celui au drapeau, l'autre muni d'une moderne paire de jumelles, 2 marins, l'un debout et l'autre à terre, 2 cavaliers, l'un blessé appuyé au canon, l'autre sur le cheval à terre, 1 zouave, et 7 mobiles et fantassins, dont 2 à terre. Sur 14, 2 seulement sont en train de tirer, deux autres rechargent leurs armes.
Dans le dernier carré du Mans, certains personnages caractéristiques ont été sélectionnés pour être dupliqués en fonte, et leurs figures se dressent toujours dans divers lieux publics de France. En premier lieu, le vieil officier barbu tenant farouchement son drapeau : ce n’est pas le général Chanzy, contrairement à ce qu'indique la remarquable fiche descriptive dressée par MM. Guiochon, Tournemire, et Mme Lajeunie, du service régional de l’inventaire de Toulouse, concernant Villefranche-de-Rouergue (qu’on retrouve donc à Villefranche-de-Rouergue, encadré de deux fantassins ou mobiles
[9] , et tout seul sur son socle à Alençon, à Quiévy, à Montoire, à Paray-le-Monial, à Biarritz, à Pont-Sainte-Maxence, àFauquembergues, à Charmes, etc.).
En second lieu, le « mobile » moustachu d’âge mûr avec son fusil à tabatière, fantassin des bataillons départementaux de la garde nationale mobile, à Arras, à Sainte-Anne-d'Auray, à Ceaucé, à Saint-Bomer, à Abbeville, à Rimogne, à Hesdin, àMontreuil, à Montauban, à Choisy-le-Roi, etc.
Enfin, le jeune marin imberbe, avec son chassepot, qu’on retrouve en modèle réduit au musée de Sedan, ou grandeur nature à Péronne (mémorial du marin Jean Delpas, tombé le 29 décembre 1870 en défendant son canon baptisé Fanny) et à Quimper, à Berck et peut-être encore ailleurs.
Ces statues « en série » ont été produites selon la technique du marcottage, dans les ateliers du fondeur parisien renommé Durenne et leur érection a parfois eu lieu des années après le décès de leur auteur. Ainsi le groupe de Villefranche-de-Rouergue a été érigé en 1909, la même année que les marins de Péronne et de Quimper...