Imprégnation.

9h00 du matin, je débarque, à moitié sourd, à cause de la sono, du truck qui fait la ligne Papenoo-Papeete au terminus du coté du marché.
J'ai profité du truck des permissionnaires qui redescendait de SuperMahina pour me faire déposer à Arue et de là reprendre un truck civil.
Vêtu d'un short de tennis et d'un polo Sergio Tachini que m'a envoyé ma mère par colis, midschips au pieds et pour seul bagage un baise-en-ville contenant chéquier de l'Indosuez, portefeuille, un paquet de Dunhill, un briquet et mes ray bans.
J'ai devant moi quelques heures à tuer.
Je n'ai pas pris mon appareil photo, préférant mémoriser les lieux, l'ambiance.
A vrai dire je ne sais pas où aller, longer le front de mer ?
Le marché ?
Je vais commencer par le front de mer.
Sortant de la rue, je passe devant les petits étals où des Tahitiennes vendent colliers de fleurs, de coquillages et divers souvenirs, je passe devant la rue qui mène à la cathédrale, puis au niveau du Centre Vaïma je traverse la route et me retrouve déja sur le Front de mer.
Là c'est le coté des bonnitiers, cannes en bambous ficelées sur le toit, un ou deux potimararas sont amarrés à coté d'eux.
La rade, comme bien souvent est d'un calme souverain.
En face, de l'autre coté, Motu Uta, l'industrielle.
Je poursuit mon cheminement et j'arrive à coté de la clé à molette, de l'autre coté de la rue, le Pitaté et non loin de moi la jonque.
Sur la route, voitures souvent brinquebalantes, scooters portant parfois une famille entière, trucks, la circulation est intense.
Papeete, en petite capitale n'échappe pas à la règle.
Je poursuis mon chemin et contemple les voiliers amarrés les uns à coté des autres, un petit appontement au bout duquel un homme accroupi, les fesses sur ses chevilles est en train de bricoler des morceaux de bois et de contreplaqué, c'est bien lui, l'ami Moitessier, réalisant un énième pilote automatique pour son nouveau voilier.
Bientôt sans doute repartira-t-il vers Ahé.
Qui sait peut être verrai je Banana Split et l’inénarrable Antoine, parti faire une tournée alimentaire en métropole ou Carlos l'amoureux de la pêche au gros.
Arrivé au bout, du coté de la nouvelle salle de spectacle de l'Otac, au départ de la RDO, je fais demi-tour et traverse de nouveau le boulevard.
Cela me fera passer devant l'église, l'OPT, l'Avenue Bruat je m'arrêterai devant chez Wan pour admirer les perles noires dont il est un des grands spécialiste
Finalement, je me décide et poursuit jusqu'au Zizou, j'y boirai une bonne Hinano, bien fraiche, avec cent sous de cacahuètes.
Avant d'y arriver je traverse l'Avenue du Prince Hinoï, et j'entends que j'arrive au sourd ronflement qui sort de l'usine d'EDT.
C'est décidé, aujourd'hui, après l'apéro, je me ferai un maa Tinto.
.../...

Attablé au Zizou, bière fraiche sur la table, je prends connaissance des nouvelles en lisant la Dépêche et les nouvelles de Tahiti.
La préparation des élections de tout types, les miss bien sur, les élections politiques dans lesquelles s'affrontent les candidats traditionnels affiliés au Iamana ou au Tahoeraa Huiraatira, Juventin, maire de Papeete, Émile Vernaudon, maire de Mahina, et l'éternel Monsieur 10%, Gaston Flosse, d'autres noms, comme Jacky Drollet ou le nouveau maire de Faaa, du coté des autonomistes Oscar Temaruu, bref, rien de bien nouveau de ce coté là, même depuis l'autonomie interne.
Les préparatifs du Tiuraï, bien évidemment, et quelques nouvelles de îles.
Cette impression de tourner en rond, c'est comme à la radio, cette musique tous les jours qui annonce la rubrique nécrologique ou la météo.
De là où je suis posté, je vois passer tantôt des marins sortant de Faré Uté, tantôt des gens qui se dirigent vers l'embarquement pour le Kéké qui part sur Mooréa, rares sont les touristes, il faut dire que vu le prix des billets que pratique UTA, la destination est encore trop onéreuse et bien souvent ils partent directement sur Bora ou Mooréa.
Ma bière dégustée, je reprends le chemin du marché, je boude le Don Camillo, je boude également les roulottes du Front de Mer, je crois me souvenir d'un bon chinois du coté du Boulevard d'Alsace, la parallèle de la rue des remparts, pour ça, il faut que je remonte la rue des écoles.
Voila, j'arrive à destination.
Je lis l'interminable carte du restaurant, rien à faire, je reviens toujours aux nouilles sautées, on ne se défait pas comme ça du souvenir des sautés de mines Réunionnais...
Dessert ?
Assez habituel aussi, beignets d'ananas.
Avec ça on sera calé !
Je prendrais le café ailleurs, pourquoi pas au centre Vaïma, chez Michel et Éliane, avec une pensée pour le pauvre Joe Dassin qui y a été foudroyé.
La déco du resto est assez habituelle, lampions ronds, rouges bien évidemment, du clinquant de partout où le doré et le rouge dominent, des dragons, des fleurs en plastique, rien d'original, sinon cette musique chinoise à laquelle, comme moi on peut être parfaitement imperméable, ah si, la clim un peu trop poussée sans doute.

.../...

Je reprends ma route, par la rue des remparts, tournant à droite je me dirige, par la rue Paul Gauguin, vers la belle mairie de Papeete, avec ses jardins fleuris, puis, poussant encore j'arrive à la rue Albert Leboucher, dans la zone commerçante.
Ah, les beaux magasins de tissus, du tissu d'ameublement aux Paréos aux couleurs chatoyantes, ornés d'hibiscus, de feuilles de Uru, de palmes, les sets complets pour la table, serviettes et nappes assortis, le choix est vaste.
De vieilles boutiques proposent des assortiments de vaisselle, de gamelles et bidons divers, d'électroménagers parfois inconnus en métropole comme ces appareils pour faire cuire le riz, des coupes-coupes, il y a de tout.
Les trucks encombrent les rues, les épiceries elles aussi proposent des produits inconnus chez nous, comme la marque Milo par exemple, ou d'autres marques américaines de conserves avec des légumes aux couleurs...
Petits pois verts fluo, carottes orange fluo, je préfère les légumes du marché.
Le marché, j'y arrive justement.
Le secteur des fruits et légumes, où les taros voisinent avec les tomates en tas, le prix n'est pas au kilo, mais au tas !
Bananes Feï, ananas de Mooréa, mangues, papayes, citrons verts.
Le secteur du poisson, odorant, propose des bonites fraiches, des darnes de Maï Maï, les mérous rouges à coté des Perroquets verts et bleu outre mer avec leur bec caractéristique pour croquer le corail.
Je ne m'attarderais pas aux curios, connaissant trop bien les sculptures en tout genre, Tiki, pirogues, pagaies, je ne ramènerais pas la série de Tiki ni de tapas.
Les nacres, les coquillages, les colliers, et tous ces souvenirs made in Taïwan ne m’intéressent pas, quand au ti faï faï, le patchwork tahitien, c'est beau, mais pas trop du style de nos intérieurs.
Je m'attarde un peu devant les échoppes de colliers de fleurs, dans lesquelles s'activent des vahinés enfilant les fleurs de frangipaniers roses ou blanc, les colliers et couronnes de Tiaré sont, bien sur, plus chers que les autres.
L'étalage de toutes ces fleurs, opuhis, oiseaux de paradis, bromélias, anthurium, voisinent avec les alamandas, hibiscus et impatientes, une féérie de couleurs et de fragrances.
Tahiti est une ile parfumée et dès l'arrivée ou tôt le matin elle embaume.
Tous les sens sont sollicités et je profite de cette journée pour m'imprégner de toute cet atmosphère si particulier, je mets en mémoire, je stocke, je profite...

Comme je suis du coté du marché, je continue à déambuler, mes pas me portent devant la cathédrale notre dame, tout à coté du centre Vaïma.
A cette heure et en ce jour de semaine, je ne verrai pas en sortir toutes ces vahinés, parfois un peu fortes portant robe missionnaire et grand chapeau tressé en s'éventant avec un éventail en pandanus tressé.
Point de himénés, mais la rumeur de la circulation.
Je poursuit mon bonhomme de chemin par l'avenue du Général De Gaulle, je fais quand même un stop chez Aline pour voir le matériel de plongée.
Les flamboyants bordant l'avenue ne sont pas en fleur, dommage, un marchand ambulant de gaufres me rappelle celles que j'avais ici offertes à mes filles il y a peu.
Je vais bientôt arrivé devant la toute nouvelle assemblée Territoriale.
Mais me retrouvant Avenue Bruat, j'hésite, la remonter et aller en direction de Sainte Amélie, bof, passer devant la Police et les mines (où j'ai passé mon permis moto et fait les démarches pour l'entrée de ma R5), non, je vais aller faire un tour à la librairie du Pacifique pour voir les ouvrages sur la Polynésie, je ferais d'ailleurs quelques emplettes.
En sortant de là je passe devant cette nouvelle boite de nuit, le Mayana, et finalement je reprends l'avenue Pomaré IV (le front de mer) pour revenir au centre, il est temps de reprendre un truck pour rentrer à Super Mahina, ce soir, diète, ou plutôt merguez-purée avec en dessert des pêches au sirop en boite...
Jeannot s'est pas foulé aujourd'hui, ou plutôt le commis fait des réserves.

Les derniers jours, avec le vague à l'âme, et le jour venu, avec une tristesse infinie.

A vrai dire, de temps à autre une odeur, celle de mon jasmin ou un monoï sur la plage, en corse réveille tous ces souvenirs, mais le forum avec ce sujet le rend encore plus prégnant, présent, vivant, indélébile.
Merci à tous.

Bien amicalement.
TUR2