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[ Histoires et histoire ] Pierre Loti
ALAIN 78- MATELOT
- Age : 72
- Message n°251
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
† Momo, Matelot, alain EGUERRE, Henri BASILE, KLETKE et Christian Suné aiment ce message
HèmBé43- MATELOT
- Age : 81
- Message n°252
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
KLETKE, Christian Suné et ALAIN 78 aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°253
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Comme c'était la coutume, on appelait souvent "oncle" un cousin plus âgé et c'est pourquoi Loti dit "mon oncle".
Il parle de ses vacances et de cette maison dans le Roman d'un enfant, chapitre 42 à 48.
Il dit avoir été immédiatement séduit par la région, alors qu'il a mis longtemps à aimer la Bretagne.
Pour ceux qui ne connaissent pas, le Roman d'un enfant est d'une lecture agréable, et permet de mieux comprendre Loti avec toutes ses contradictions.
Henri BASILE, KLETKE et ALAIN 78 aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°254
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Étude d'un groupe social : les officiers de marine à Toulon, 1870-1914 par Nelly Maître.
Cahiers de la Méditerranée, 1975, n° 10, p. 79-88.
Le fait que ce soit à Toulon ne change rien à l'affaire.
L'auteur donne le montant des soldes des différents grades, et rappelle que pour beaucoup d'officiers de marine, la solde ne représentait qu'une fraction des revenus.
Ils avaient soit par héritage soit par mariage, de la fortune personnelle.
Et il le fallait, car les soldes n'étaient pas très conséquentes, du moins pour les officiels subalternes, et ne permettaient pas de mener le train de vie que l'on attendait à cette époque d'un officier.
Il fallait qu'il soit à la hauteur du prestige de sa fonction.
Et souvenez vous, le Général de Gaule raconte que lorsqu'il était professeur à l'École de guerre à Paris, il prenait le métro en seconde classe s'il était en civil, mais en première lorsqu'il était en tenue, par respect pour son uniforme...
Pour en revenir à Julien Viaud, sa famille qui avait connu une certaine aisance, avait tout perdu.
Sa solde n'était pas bien grosse, et sa carrière avait été assez lente : aspirant en 1870, enseigne en 1873, il accède au grade de LV en 1882, mais doit attendre 1899 pour être nommé CF (le grade de CC avait été supprimé au milieu du XIXe siècle et ne sera rétabli qu'en 1917).
C'est donc bien par goût pour l'écriture, mais surtout pour améliorer ses revenus qu'il travaille en même temps pour le Figaro et divers journaux, fournissant articles et croquis.
Il doublait sa solde en 1883 avec ses piges au Figaro.
Mais c'est avec Pêcheur d'Islande qu'il tire par la suite des revenus substantiels de sa plume.
PS : l'article de N. Maître est en ligne.
† Momo, VENDEEN69, Henri BASILE, KLETKE, Roger Tanguy, Christian Suné, passe plat et ALAIN 78 aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°255
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
A cette époque, un employé de ministère au bas de l'échelle gagne entre 1500 et 1800 F/an. C'est par exemple le traitement de Maupassant, lorsqu'il est commis au Ministère de la marine. Et ce même Maupassant, qui connaît bien le monde des petits employés pour l'avoir été lui-même, attribue à Georges Duroy (dans Bel Ami), le salaire de 1500 F/an comme employé débutant dans les bureaux des Chemins de fer du Nord. Son ami Forestier lui parle de Jacques Rival, journaliste très en vue, qui gagne 30 000 F/an.
On voit bien que la solde des officiers de marine est assez modeste, surtout en regard de ce que l'on attend d'eux en termes de train de vie. Seuls ceux qui ont de la fortune personnelle peuvent tenir leur rang en France. Pour les autres, il faut aller aux colonies. Bien évidemment, cela n'explique pas tout, mais les colonies permettent aux jeunes militaires d'avoir les moyens de leurs aventures.
KLETKE et passe plat aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°256
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Loti parle de l'enthousiasme des fusiliers lorsqu'ils apprennent qu'ils vont aller au front : Et enfin le jour de joie et de la belle griserie arriva où on leur dit qu'ils allaient tous aller au feu. Je suis perplexe. Il est possible que les jeunes de l'école des fusiliers aient eu hâte d'en découdre, et de prouver qu'ils étaient des hommes - à 17 ans, on est un peu con, il faut le reconnaître. Mais pour les autres je n'y crois pas. Il y a du reste des études sérieuses qui montrent que les inscrits maritimes ont très souvent tenté d'échapper à l'incorporation dans des unités à terre. Ceux qui n'y ont pas échappé ont fait leur devoir, et largement plus que leur devoir, ils l'ont prouvé, mais pas dans la joie d'aller au feu !
Il me semble que chez Loti, la fascination pour la guerre - et dans le cas présent pour des combats au couteau et à la bayonnette, tient en partie au fait qu'il n'y est jamais allé lui-même. Observateur de loin, ou rapporteur des témoignages des combattants, il n'a à ma connaissance, jamais directement pris part à aucune action.
J'ai trouvé un article remarquable de Jean-Christophe Fichou, les Pompons rouges à Dixmude, l'envers d'une légende, que je peux envoyer à ceux qui le souhaitent.
Cette fascination de Loti pour la violence, on la retrouve aussi dans sa passion pour Salambo, de Flaubert, un livre qu'il a lu, et dont il fait, avec la Tentation de Saint Antoine, la lecture préférée de Jean Berny, le héros de Matelot. Car Salambo, c'est d'une violence, d'une cruauté hors du commun, il y a même des scènes de cannibalisme. Le doux, le gentil Loti aimait lire des horreurs !
alain EGUERRE, Henri BASILE, KLETKE et Roger Tanguy aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°257
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Or nous ne sommes pas en 1919, il n'y a pas de partisans des Bolchéviques. Les équipages sont composés en majorité d'inscrits maritimes, pêcheurs ou marins de commerce, et d'engagés volontaires, les appelés n'étant pas issus de l'inscription maritime étant marginaux. L'évolution technique a conduit à recruter des engagés issus du monde ouvrier, chez qui les idées disons "socialistes" se sont répandues, notamment à travers le syndicalisme. Ils sont fréquemment anticléricaux, pacifistes, mais rarement antimilitaristes. Quant aux inscrits maritimes, il me semble, mais je peux me tromper, qu'ils sont en général catholiques, conservateurs, et pas spécialement réceptifs aux "idées nouvelles". Ceci étant dit, il est vrai que l'on a observé en 1914, une conversion des gens "de gauche",à l'origine pacifistes convaincus, qui deviennent rapidement les plus acharnés des va-t-en guerre. Mais je me demande si ces mouvements ont véritablement affecté la marine, en 1914.
Henri BASILE et KLETKE aiment ce message
MILAN Patrick- SECOND MAITRE 1ère CLASSE
- Age : 69
- Message n°258
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Ce n’est pas un membre de son équipage qui l'a vendu, c’est l’interception, par la censure, d’un courrier écrit par un communard déporté.
Henri BASILE, KLETKE et phirou aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°259
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
MILAN Patrick, Henri BASILE et KLETKE aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°260
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
MILAN Patrick et KLETKE aiment ce message
phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°261
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
C'est charmant, du Loti pur jus, sauf le Post Scriptum ! Si j'en ai le courage, je ferai une petite recherche dans la presse locale de l'époque pour vérifier l'exactitude des faits.
- Spoiler:
- Le gai pèlerinage de saint-Martial
(1910)
HENDAYE, huit heures du matin, le 30 du beau mois de juin. Un peu tard pour me rendre dans la montagne espagnole, au gai pèlerinage du jour. Les autres pèlerins, j'en suis sûr, sont déjà en marche et j'arriverai le dernier.
Tant pis ! En voiture, afin de regagner le temps perdu, je pars pour Saint-Martial, espérant rattraper encore la procession qui m'a certainement beaucoup devancé.
Au sommet d'un coteau pointu, en avant de la grande chaîne pyrénéenne, la vieille chapelle de Saint-Martial est perchée, et, d'ici, des bords de la Bidassoa, on l'aperçoit en l'air, toute blanche et toute seule, se détachant sur le haut écran sombre des montagnes du fond. C'est là que, depuis quatre siècles à peu près, il est d'usage de se rendre tous les ans à même date, pour une messe en musique et en costumes, à la mémoire d'une ancienne bataille qui laissa sur cette petite cime nombre de morts couchés dans la fougère.
Il a plu toute cette nuit ; les campagnes mouillées sont vertes à l'infini, vertes de ce vert frais et printanier qui dure à peu près jusqu'à l'automne, en ce pays d'ombre et d'averses chaudes. Surtout cette montagne de Saint-Martial est verte particulièrement, à cause des fougères qui la recouvrent d'un tapis, et il y croît aussi des chênes, aux feuilles encore tendres, qui y sont clairsemés avec grâce comme, sur une pelouse, les arbres d'un parc. Puisque je suis en voiture cette fois, c'est par la nouvelle route carrossable que je monte vers la chapelle blanche de la cime. Mais d'autres chemins, - d'étroits sentiers, des raccourcis à peine tracés dans l'herbe et les fleurettes sauvages, - conduisent plus directement là-haut. Et tout cela qui, en dehors de ce jour consacré, reste d'un bout de l'année à l'autre solitaire, tout cela est plein de monde à cette heure, plein de pèlerins et de pèlerines en retard comme moi, qui se dépêchent, qui grimpent gaiement avec des rires. Oh ! les gentilles toilettes claires, les gentils corsages roses ou bleus des jeunes Basquaises, toujours si bien attifées et si bien peignées, qui aujourd'hui promènent des nuances de fleurs sur tout ce manteau vert de la montagne !
Par les sentiers ardus grimpent aussi des marchands de bonbons, de sucreries, de vins doux et de cocos, portant sur la tête leurs marchandises, en édifices extravagants. Et des bébés, des bébés innombrables, grimpent par troupes, par familles, allongeant leurs petites jambes, les plus jeunes d'entre eux à la remorque des plus grands, tous en béret basque, bien entendu, et empressés, affairés, comiques. On en voit qui montent à quatre pattes, avec des tournures de grenouilles, s'accrochant aux herbes. Ce sont du reste les seuls pèlerins un peu graves, ces petits-là, les seuls qui ne s'amusent pas : leurs yeux écarquillés expriment l'inquiétude de ne pas arriver à temps, la crainte que la montagne ne soit trop haute ; et ils se dépêchent, ils se dépêchent tant qu'ils peuvent, comme si leur présence à cette fête était de nécessité capitale.
La route carrossable, en grands lacets, où mes chevaux trottent malgré la montée roide, croise deux, trois, quatre, cinq fois les raccourcis des piétons, et à chaque tour je rencontre les mêmes gens, qui, à pied, arriveront aussi vite que moi avec ma bête de voiture. Il y a surtout une bande de petites jeunes filles de Fontarabie, en robes d'indienne rose, que je rencontre tout le temps. Nous nous connaissions vaguement déjà, nous étant vus à des fêtes, à des processions, à des courses de taureaux, à toutes ces réunions de plein air qui sont la vie du pays basque, et ce matin, après le deuxième tournant qui nous met l'un en face des autres, nous commençons de nous sourire. Au quatrième, nous nous disons bonjour. Et, amusées de cela, elles se hâtent davantage, pour que nos rencontres se renouvellent jusqu'en haut. Mon Dieu ! comme j'ai été naïf de prendre une voiture pour aller plus vite, sans songer que ces lacets n'en finiraient plus ! Aux points de croisement, elles arrivent toujours les premières, un peu moqueuses de ma lenteur, un peu essoufflées aussi, mais si peu ! la poitrine gentiment haletante sous l'étoffe légère et tendue, les joues rouges, les yeux vifs, le sang alerte des contrebandiers et des montagnards en mouvement dans toutes leurs veines...
*
**
A mesure que nous nous élevons, le pays, qui alentour paraît grandir, se révèle admirablement vert au loin comme au près. A notre altitude, tout est boisé et feuillu, c'est un monde d'arbres et de fougères. Et, plus verte encore que la montagne, la vallée de la Bidassoa, déjà très bas sous nos pieds, étale, jusqu'aux sables des plages, la nuance éclatante de ses maïs nouveaux. Au delà ensuite, vers l'horizon du nord, le golfe de Biscaye se déploie, infiniment bleu, le long des dunes et des landes de France, dont on pourrait suivre la ligne, comme sur une carte, jusqu'aux confins de la Gascogne.
Mais, tandis que toute cette région des plaines et de l'Océan s'aime en profondeur, au contraire les Pyrénées, du côté opposé, derrière le coteau que nous gravissons, nous font l'effet de monter avec nous, toujours plus hautes et plus écrasantes au-dessus de nos têtes ; au pied de leurs masses obscures, encore enveloppées des nuages et des dernières averses de la nuit, on dirait un peu des jouets d'enfant, cette petite montagne où nous sommes et cette petite chapelle où nous nous dépêchons d'aller.
Décidément, je suis en retard, car j'aperçois, en levant les yeux, la procession bien plus prés d'arriver que je ne croyais ; elle est déjà dans le dernier lacet de la route, presque à toucher le but, la multitude de ses bérets carlistes chemine en traînée rouge, dans le vert magnifique des fougères. Et voici la cloche de la chapelle qui, à son approche, entonne le carillon des fêtes. Et bientôt voici les coups de fusil, signalant qu'elle arrive ! C'est fini, nous aurons manqué son entrée.
A part quelques pauvres bébés, restés en détresse parmi les herbes, nous sommes les derniers ou à peu près, ces petites filles et moi, ces petites filles en robe rose ou bleue, qui n'ont pas perdu leur distance dans les raidillons de la fin. Ma voiture en va rejoindre d'autres, qui sont là au repos, avec quelques chevaux de selle, quelques mules dételées, et je commence de fendre à pied la joyeuse foule, groupée sur l'esplanade que la chapelle domine. Tant de bérets rouges, sur ces grands fonds verts, on dirait vraiment un champ de coquelicots, et la vieille chapelle, derrière eux, est toute blanche de la couche de chaux qu'on lui a mise au printemps.
La messe que l'on va nous dire ce matin sur cette cime, étant commémorative d'une victoire remportée jadis ici même par les milices basques sur des troupes franco-allemandes, sera une messe militaire, avec mouvements d'armes et sonneries de trompettes. Et la procession aussi est militaire, ou tout au moins a l'intention de l'être ; en montant par les chemins en zigzag, elle traînait avec elle un canon de campagne ; précédée d'une vénérable bannière du moyen âge, elle avait à peu près l'aspect et l'ordonnance d'une petite armée. Soldats et officiers d'un jour, dans des uniformes de fantaisie, jeunes hommes quelconques, déguisés pour la circonstance et manoeuvrant des fusils de chasse. Cantinières surtout, cantinières à profusion, chaque compagnie d'une dizaine de ces soldats ayant sa cantinière, pimpante et rieuse : quelque fille de contrebandier ou de pêcheur, aujourd'hui en courte jupe de velours et en corsage doré, coiffée du béret carliste et marchant allégrement au pas, tout en jouant de l'éventail.
Cette petite armée est là maintenant, à la débandade et bavardant jusqu'à ce que la messe commence. Malgré le vent frais des hauteurs, les éventails des cantinières s'agitent toujours, comme s'il faisait très chaud.
Au bord même de l'esplanade, sur un mur bas que verdit la mousse, elles s'asseyent un instant pour se reposer, ces cantinières, après avoir soigneusement relevé leurs belles jupes de velours. Et elles s'éventent, elles s'éventent, avec leur aisance espagnole à varier ce geste-là.
Elles se penchent aussi, pour s'amuser à voir le pays qui se déroule en dessous : Fontarabie, Hendaye, Irun, Behobia, maisonnettes de couleur rousse, çà et là groupées autour d'un vieux clocher, au milieu de l'envahissante verdure des arbres ; et la Bidassoa, avec ses circuits et ses îlots, contournée en arabesques bleues dans le royaume des maïs verts...
Ces jeunes filles, - à peine jolies pourtant, - la grâce de leurs poses, le clinquant de leurs costumes, tout cela arrive à s'harmoniser d'une façon délicieuse avec les lointains riants et clairs qui vont se perdre là-bas vers l'Océan. Et, par contraste, l'autre côté de l'immense tableau, le côté des montagnes, demeure ce matin dans l'ombre farouche ; sur nous, les Pyrénées brunes, gardant leurs nuées d'orage, s'obstinent à composer en haut des fonds dantesques et sombres, qui détonnent avec les gaietés ambiantes.
*
**
C'est en plein vent que la messe sera dite, sur la terrasse, en vue de cet incomparable panorama du golfe de Biscaye. L'autel, garni d'une draperie rouge et d'une mousseline, a été dressé contre le vieux mur blanc de la chapelle, au-dessus de l'ossuaire où dorment les restes des combattants de jadis, et on y apporte un à un, avec respect, les objets sacrés qui étaient dans le choeur : des flambeaux qu'on allume et dont le grand air tourmente la flamme ; un ostensoir, une clochette ; enfin, l'antique statue de saint Martial, qui tous les ans une fois quitte la pénombre humide pour venir voir un peu le soleil du nouvel été.
Maintenant, à un appel de trompette, l'enfantine armée, les petits soldats et leurs petites cantinières, essayant de se recueillir pour un instant, s'alignent autour des prêtres, et la messe commence. Sans doute parce qu'il y a trop d'air ici, trop d'espace vide, elle prend un son frêle, cette trompette, un son tremblotant et comme perdu. De même, la fanfare d'Irun, qui est de la cérémonie, s'entend comme en sourdine, le vent, l'altitude peut-être atténuant les notes de ses cuivres.
Tout le monde vient de plier le genou dans l'herbe : l'élévation !... Une minute de vrai religieux silence.
La musique entonne très doucement la marche nationale ; les bérets rouges s'inclinent de plus en plus, jusque par terre, et des vieilles femmes prosternées, le visage caché sous des mantilles de deuil, égrènent des chapelets. C'est adorablement joli, au soleil, ces prêtres en dalmatique de soie d'autrefois, ces groupes agenouillés, et cette musique qui semble lointaine. Quelque chose peut-être monte à ce moment vers le ciel, quelque chose de cette prière dite sur une montagne, au-dessus des clochers et des villages, au milieu de la magnificence des verdures de juin, entre les Pyrénées sombres et le déploiement bleu de la mer...
Mais l'impression religieuse est furtive ici, avec toute cette jeunesse excitée. La fanfare, qui d'abord jouait des morceaux presque lents et pensifs, ne peut longtemps s'y tenir passe bientôt à des rythmes plus gais - et tout à coup se lance délibérément dans un air de fandango.
Ite, missa est ! Tout le monde se relève. La petite armée aux bérets rouges fait au pas accéléré le tour de la chapelle, puis décharge ses fusils en l'air. Et c'est fini, on va pouvoir s'amuser !
D'abord, on s'étend sur l'herbe, pour manger des bonbons et boire du rancio. Puis, musique en tête, on va redescendre en se dandinant. Avec force parades, contremarches et saluts, on ira remiser à la mairie d'Irun la bannière sacrée. Et, tout de suite après, on dansera sur la place ; on dansera éperdument jusqu'au milieu de la nuit.
P.-S. - Samedi 1er juillet. Deux jeunes pèlerins se sont poignardés hier au soir à mort, au retour de Saint-Martial, l'un ayant jugé que sa fiancée s'était assise trop près de l'autre, là-haut, dans la fougère.
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alain EGUERRE- MAÎTRE
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Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
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phirou- MATELOT
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Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Ce qui m'intéressait ce n'était pas les détails, savoir s'il se poudrait ou non, mais les réactions de sa hiérarchie.
L'auteur cite l'appréciation du préfet maritime de Rochefort en date du 31 mai 1890, qui n'émet aucun jugement sur la valeur professionnelle du LV Viaud, mais dit :
"Il se farde d'une manière ridicule. Je ne le proposerai jamais pour un commandement" (p.43).
Le préfet maritime de Rochefort estimait, et je suis assez d'accord, qu'une tenue qui porte à rire ou du moins suscite les commentaires ironiques rend difficile l'exercice d'une fonction d'autorité.
En revanche, le Vice-amiral Dartige du Fournet écrit dans son livre "A travers les mers"
"Ce chantre délicieux des amours exotiques est un petit homme fardé de blanc et de rouge... Quand ses amis le raillent doucement de ses mêmes faiblesses, il répond : on doit se défendre contre la vieillesse ; on n'a pas le droit de devenir un objet de dégoût". (p.44)
L 'amiral Pottier le choisira pour être son aide de camp sur le Formidable, mais Julien Viaud n'exercera jamais de véritable commandement : commandement de l'écureuil, une canonnière à roues, en réserve dans le port de Rochefort, puis du Javelot, petit navire stationnaire sur la Bidassoa, et enfin Vautour, encore un navire stationnaire...
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PAUGAM herve- QM 1
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Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
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phirou- MATELOT
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Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
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PAUGAM herve- QM 1
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Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
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phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°267
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Dans ses différents textes, il est question de marins blessés, ou malades, que l'on soigne sur place à l'infirmerie du bateau, ou que l'on rapatrie dans un navire hôpital. On a l'impression que l'on essaie d'améliorer le confort des malades et des blessés, mais que c'est à peu près tout ce que l'on peut faire. L'équipement semblait limité, les compétences du personnel aussi (de la bonne volonté, de l'empathie, mais des connaissances médicales plutôt sommaires). Ma question porte sur l'asepsie et les analgésiques. Qu'en était-il des pratiques dans les années 1880 ? On n'a pas l'impression qu'on administre des anti-douleurs aux grands blessés, qui en auraient grand besoin. Et si mes informations sont exactes, il me semble que le diplôme de docteur en médecine n'est pas exigé des médecins de marine avant 1891.
Merci pour vos lumières.
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phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°268
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Préface de La Marine française de Maurice Loir.- Hachette, 1893.
Mon cher ami,
Quand vous vous êtes adressé à moi, j'ai commencé par vous déclarer mon horreur pour les préfaces : à mon avis ce sont des petites choses qui semblent indiquer une prétention vraimenl excessive chez ceux qui les signent : de plus, elles restent absolument sans action sur le sort toujours si mystérieux des livres. *
Vous avez écrit un volume sur la Marine. Personne plus que vous n'était capable de faire comprendre, de faire aimer ce métier et ceux qui lui sacrifient leur vie.
Vous la connaissez bien notre marine puisque vous lui avez donné, vous aussi, tant d'années de votre jeunesse. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, portant tous deux les mêmes galons à nos bras, c'était en Chine, pendant la longue guerre, vous rappelez-vous ? Au milieu de circonstances pénibles et graves, vous faisiez là irréprochablement votre devoir d'officier, auprès d'un irréprochable et grand amiral [Courbet], dont vous avez ensuite fixé les traits dans un beau livre.
Vous l'aimez cette marine, et c'est une façon pour vous de la faire aimer de tous, que d'en parler comme vous le faites, avec tant de charme et avec tant de profonde connaissance.
Et comme vous avez bien choisi les deux artistes qui ont illustré votre livre! Comme leurs marins sont vrais et vivanls.
Je pense bien bien je ne serai pas le seul de vos camarades, à vous remercier du nouveau volume que vous publiez aujourd‘hui.
Pierre Loti.
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Jean-Léon- MAÎTRE PRINCIPAL
- Age : 77
- Message n°269
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
VIEILALFRED- QM 1
- Age : 77
- Message n°270
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
d'autre part il est noté dans quelques bouquins dont il fraudais que je retrouve les citations
que les blessures des équipages guérissaient plus vite en mer que dans les hôpitaux et dispensaires a terre qui étaient des cloaques d'infections diverses
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phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°271
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
à propos des infirmiers
Ils ont fait un stage dans les hôpitaux de la marine où ils se sont perfectionnés dans l’art du cataplasme et de la potion calmante...
Ils ont une instruction technique convenable, et sont très ferrés sur l’antisepsie, sur les microbes, sur les virus, sur les doctrines de préservation nouvelles…
Sur les petites unités, l’infirmier est à lui seul toute la Faculté.
Il passe la visite avec gravité, prescrit de lui-même les médicaments aux malades et ne réfère que les cas très graves au commandant pour obtenir l’assistance d’un vrai médecin diplômé.
Sa prétention est de s’y connaître en fait de maladies courantes tout aussi bien qu’un autre, et l’ipéca, le sulfate de soude, le bismuth et la limonade tartrique sont généreusement distribués par lui aux patients.
Le livre a été publié en 1893.
Loir se moque à tort des infirmiers récemment formés, qui ont été sensibilisés à l'importance de l'antisepsie et de l'asepsie, et aux virus (en 1892, beaucoup de gens, dont manifestement l'auteur, ne croient pas à l'existence d'agents pathogènes qui ne se voient pas au microscope optique).
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phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°272
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Dans le navire-hôpital qui le ramène en France, les soins se limitent à des geste de confort : un infirmier l'éventait tout le temps avec un éventail chinois... (3e partie, chapitre 2).
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phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°273
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Dans les lauréats, Georges Pouplier, un ancien second maître de manœuvre, auteur de nombreux sauvetages dont le premier en 1873, alors qu'il était gabier sur le Beaumanoir.
J'ai recherché sur Internet, et je suis tombé sur notre forum.
On tourne en rond...
Et puis j'ai trouvé une info sur Robert Degouy, futur amiral, sur le site de l’École navale (promotion 1869).
Il était en 1873 aspirant sur le brick Beaumanoir, à la station d'Islande.
Y avait-il déjà à cette époque une assistance aux pêcheurs en Islande ?
Je n'ai rien trouvé d'autre sur le brick Beaumanoir.
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Jean-Léon- MAÎTRE PRINCIPAL
- Age : 77
- Message n°274
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
Et même bien avant puisque l'Islande bénéficia de navires d'assistance dès 1764. Création d'une station navale en 1767 avec l'envoi de la frégate "La Folle"Y avait-il déjà à cette époque une assistance aux pêcheurs en Islande ?
Source: La Grande Pêche par Joseph Bergier.
Dernière édition par Jean-Léon le Lun 28 Fév 2022 - 19:37, édité 1 fois
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phirou- MATELOT
- Age : 73
- Message n°275
Re: [ Histoires et histoire ] Pierre Loti
A propos du baptême de la chatte, sur le Vautour, stationnaire à Constantinople, j'ai relevé quelques réactions dans la presse.
Le numéro 113 du 19 au 26 décembre 1903 du Diable rouge, journal satirique de Toulon, reproduit un échantillon d’articles. Ces journaux oublient de préciser que le baptême de la chatte a lieu dans le cadre d’une fête enfantine (voir ce qu’en dit Claude Farrère), qui réunit, autour de leurs enfants, les personnalités en poste à Constantinople. La véritable question, c’est celle des navires stationnaires à l’étranger : ont-ils véritablement un intérêt ?
Le Petit provençal proteste contre le gaspillage d’argent public :
" M. Pierre Loti qui est comme on le sait un romancier exquis quoique profondément ennuyeux avec le culte de son « moi », exerce lorsque la littérature lui en laisse le loisir, le métier d’officier de marine…. "
Et à propos de la petite cérémonie :
"L’étonnement n’a pas dû être moins grand chez les civils. Je veux dire l’armée des contribuables qui participent dans une grande proportion aux frais que réclame le séjour de nos navires de guerre dans les eaux étrangères. Eh ! Quoi, c’est pour donner à leurs bords de tels amusements qu’à été institué le budget de la marine ? "
Le Passe partout ironise sur la carrière militaire de Loti :
« Pierre Loti s’amuse.frégate Louis Marie Julien Viaud, membre de l’académie française, a quitté les rives de la Bidassoa pour celles du Bosphore, le commandement du légendaire Javelot pour celui d’un navire plus en forme, le Vautour. »
L’Action est le plus sévère. (il s’agit de L’Action quotidienne anticléricale-républicaine-socialiste , journal lancé en 1903 par le sénateur Bérenger).
« C’est à Constantinople que M. Loti vint de s’offrir ce divertissement byzantin, car M. Loti est un "artiste ".
Des milliers de gosses crèvent de faim dans les faubourgs, de pauvres femmes dont la mamelle est tarie, voient leurs bébés mourir entre leurs bras désespérés ; le bourgeois pousse au ruisseau la fille-mère ou la conduit à l’infanticide. M Brieux pose courageusement le cruel problème de la société marâtre. De bonnes gens se demandent avec angoisse quand et comment l’on pourra sauver du vice, de la misère, de la superstition et de la mort tous les petits des hommes. Et cependant M. Loti dépense 10 000 francs pour le baptême de sa chatte. »
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