Guetteur de la mer à la pointe Saint-Mathieu Les sémaphores jouent un rôle essentiel en matière de surveillance des côtes et de sauvetage.Alain Rolland est l'un des marins qui y servent.Rencontre
Depuis 21 ans, il passe son temps à observer la mer. Aujourd'hui chef de poste, le premier maître Alain Rolland commande l'équipage de dix marins du sémaphore de la pointe Saint-Mathieu. Ces guetteurs de la Flotte, comme on les appelle aujourd'hui, remplissent une fonction essentielle.
« Notre métier de base, c'est la surveillance des côtes, explique Alain Rolland.
Nous appelons tout ce qui bouge sur l'eau. Aucun navire ne doit se trouver dans notre champ de vue sans avoir été identifié. »Originaire d'Ouessant, Alain Rolland, 41 ans, a découvert le métier lors de son service militaire. Il est affecté au Créac'h, à Ouessant, un sémaphore aujourd'hui fermé.
« Le métier m'a tout de suite énormément plu. On nous confie des responsabilités même au plus bas de l'échelle. Et on travaille les pieds dans l'eau ! »Défense nationale
Mécanicien de formation, spécialiste des moteurs hors bord, Alain Rolland a pourtant démarré sa carrière professionnelle loin de la mer. Pendant quelques mois, il exerce en région parisienne. Puis il se décide à rentrer dans la Marine nationale. En 1989, il franchit le pas et opte pour la spécialité de guetteur sémaphorique.
« La mer me manquait. »Depuis, Alain Rolland a beaucoup navigué... à terre. Il a enchaîné les affectations un peu partout en Bretagne et en Normandie : le Stiff, à Ouessant, les Baleines, à l'île de Ré, Port-en-Bessin, Carteret, Brignogan. Et, aujourd'hui, Saint-Mathieu, situé sur la commune de Plougonvelin.
Chaque sémaphore a ses spécificités.
« À Brignogan, il y a 7 000 mètres carrés de pelouse à tondre », sourit Alain Rolland. Comme les marins affectés à bord d'un navire, les guetteurs sémaphoriques consacrent une partie de leur temps à des travaux de peinture et d'entretien.
Avec la vigie du Portzic, le sémaphore de Saint-Mathieu veille, en particulier, à la sûreté des entrées et des sorties du port militaire de Brest. De temps à autre, un sous-marin nucléaire emprunte le goulet. Sur ce sujet, Alain Rolland ne dira rien. Pas question de dévoiler les secrets de la Défense nationale.
« On écrit beaucoup »
Ce n'est d'ailleurs là qu'un aspect des multiples fonctions d'un guetteur de la Flotte.Vers 2 h du matin, les sémaphoristes de Saint-Mathieu ont ainsi l'habitude de contacter les bateaux de pêche qui sortent du port du Conquet.
« On leur demande le nombre de personnes à bord, leur zone de pêche. Cela les rassure de savoir que l'on veille sur leur sécurité. »La sauvegarde de la vie humaine se trouve au coeur de la mission des marins des sémaphores. En permanence, ils veillent la fréquence internationale de détresse. Un tir de fusée rouge ou un appel téléphonique peuvent aussi les alerter.
« Si une opération de sauvetage a lieu dans notre zone, nous apportons toutes les informations météo nécessaires, explique Alain Rolland.
Nous signalons au Cross les navires se trouvant à proximité et susceptibles de porter secours. Si un homme tombe à l'eau, on ne le quitte pas des jumelles. »Alain Rolland se trouvait de service lors des naufrages du
Klein Familie, au large du Cotentin, et de la
P'tite Julie.
« Ça marque énormément. »Prise de quart, point météo, avis de coup de vent, passage de navires
« un peu bizarres », opérations de sauvetage
... Les guetteurs consignent tout ce qu'ils voient ou font dans un journal de bord.
« On écrit beaucoup. Ce document fera preuve devant les tribunaux si nécessaire. »Les guetteurs sémaphoriques travaillent souvent seuls, en particulier la nuit.
« En hiver, la solitude peut se faire sentir. » Pourtant, Alain Rolland a toujours le feu sacré.
« Dans un sémaphore, on a le sentiment de servir les gens à la mer. » Olivier MÉLENNEC. Ouest-France