Reçu ce jour article de l'ambassade de France à Diègo, à publier sur A.C.B. (http://www.ambafrance-mada.org/L-Adieu-a-Diego)
Ambassade de France à Diégo a écrit:
4 juillet 2013.
Le soleil brille, ses rayons se cognent aux murs lépreux d’un Hôtel de la Marine en ruine.
Diego-Suarez livrée au calme et à la torpeur a encore des envies de sommeil, bercée par les doux remous des vagues et la respiration des alizés.
La préparation d’un départ anesthésie par instant la mélancolie mais elle est bien là.
Il est dix heures du matin, le Premier Maître Hervé LEFEBVRE regarde la baie et son pain de sucre planté là.
La photo prise du dernier marin français en activité à Diego-Suarez montre du doigt le lieu et l’instant où une histoire prend fin.
Cette histoire avait commencé un vendredi 13, il y a cent trente ans, le 13 juillet 1883.
La reine des Hovas venait de mourir et une petite et jolie veuve montait sur le trône alors que le gouvernement de Tananarive était en lutte contre la France.
Cette nouvelle reine qui, enfant, chassait les sauterelles à Ambohipo, voulait cette fois chasser les Français et elle se prononça pour la guerre.
Deux années de bras de fer s’ensuivirent.
Les négociations épuisées, les armes parlèrent.
La France occupa le nord de l’Île.
La reine accablée lui cédait alors en toute propriété, le 22 décembre 1885, une baie de Diego-Suarez quasi-déserte mais que les puissances occidentales convoitaient depuis de très longues années.
La Marine française s’y installait et une ville allait naître de la sueur de ses marins.
Diego est ainsi devenue bien plus qu’une ville, bien plus qu’un port, bien plus qu’une escale : une maîtresse.
Les marins savent être les pires des soupirants, exclusifs et passionnés.
Ils ont besoin de Diego comme elle avait eu besoin d’eux.
Ensemble ils vécurent des crises, un conflit et une séparation.
Diego et ses amants n’ont pas eu le choix de ces déchirures et ils sont toujours restés fidèles.
La baie est si totalement belle … et puis il y a ce que Diego ne dit pas mais que les marins ont entendu.
Son vent salé, ses rochers sombres, ses eaux émeraude.
Sa population bigarrée, les regards échangés, des sourires infinis.
Ses marchés colorés, ses bazars encombrés, ses maisons endormies.
La patience des 4L attendant le client, la pétarade du tuk-tuk se faufilant.
Les rues parfumées de la cuisson du riz, l’odeur huileuse des beignets.
La saveur du poisson, la violence du piment, la fraîcheur de la bière.
Les quais sur la mer, les avenues désertées aux heures chaudes.
Le soleil, radieux, sur tous les silences et les nuits chargées de musiques, de néons et de secrets.
Hervé tourne le dos à la mer et prend la route de l’aéroport.
Il laisse la ville à quelques anciens matafs qui y ont posé leur sac, à nos morts qui y reposent en paix et à Joffre qui protègera inlassablement le port de son regard de bronze et fâché.
L’après-midi s’étire mollement et Diego regarde son dernier marin français escalader le ciel en clignant des yeux.
Puis la ville laisse le vent et le silence faire leur travail.
Adieu Hervé.
Adieu Diego.
Col Nicolas GRAFF - Attaché de défense.
Publié le 25 juillet 2013