C'est l'histoire d'une maquette dont tout le monde, ou presque, ignorait l'existence. Elle a servi de modèle au monument aux morts de Paimboeuf. Mais aussi à celui de Luçon, en Vendée
L'histoire

Le point de départ : une mystérieuse maquette en plâtre

Le 21 janvier 2017, lors du conseil municipal de Paimboeuf, le maire, Thierry Brutus, signifie aux élus que la mairie vient de recevoir un courrier du conservateur départemental des antiquités et objets d'art. Dans le cadre de la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, il lui dit avoir effectué un travail de recherche d'objets mobiliers témoignant de cet événement. Or, il se trouve qu'un élément du patrimoine paimblotin a retenu son attention : la maquette du monument aux morts communal 1914-1918. « Une maquette en plâtre réalisée par le sculpteur paimblotin Georges Bareau dont le renom a largement dépassé la Région. »

Cette dernière précision fait réagir les élus car personne ne semble connaître cet homme. Tout le monde ignore même l'existence de cette maquette, conservée dans l'église Saint-Louis !

Une maquette liée à l'Histoire

Nicolas Harel, historien local, en sait un peu plus sur cette maquette en plâtre d'environ 70 cm. Il explique : « Quelques monuments aux morts avaient été érigés après la guerre de 1870, dont un à Paimboeuf en tant que sous-préfecture. Mais il y avait eu peu de morts. Au lendemain de 1918, il a fallu deux ou trois ans pour se poser la question de comment conserver le souvenir de tous les morts. Cela a soulevé plein d'enjeux dans les villages : qui inscrire sur le monument ? Quel financement ? Où installer le monument, car c'est dans ce lieu que se dérouleront les cérémonies patriotiques. Au cimetière ? A l'ombre de l'église ou de la mairie ? »

Paimboeuf installera le sien sur la place de l'église, peut-être parce que cette dernière était neuve. « Ici, on fait le choix de la pacification. C'est un monument laïc, une victoire ailée, un Poilu. En décembre 1922, on retient Georges Bareau, un natif de Paimboeuf qui a une résidence à Saint-Brevin. Il propose cette maquette qui est acceptée. »

Sur le monument aux morts, contrairement à la maquette en plâtre présente dans l'église, la Victoire ferme la bouche. Édifié en pierre calcaire provenant de Chazelle (Charente), il est inauguré le 9 décembre 1923.

Un frère jumeau du monument à Luçon

Le 24 mars 1923, le conseil municipal de Luçon, en Vendée, accepte l'érection d'un monument aux morts de la guerre 1914-1918. En janvier 1923, le sculpteur Georges Bareau fait une proposition qui est acceptée. Il montre des photos de ses oeuvres, spécialement pour Luçon, il fera la maquette d'un groupe sculpté. Le conseil choisit comme représentation une Victoire accompagnée d'un Poilu et demande l'ajout de palmes et l'inscription des noms de victoires. Un marché est passé entre le maire et le sculpteur pour la somme de 45 000 francs, le monument en pierre blanche sera livré pour le 11 novembre 1923.

Mais lors du conseil municipal du 14 décembre 1923, les conseillers votent le refus du monument et l'obligation, pour Bareau, de rembourser les frais engagés par la Ville pour les fondations et le soubassement. Le sculpteur s'était engagé à fournir une oeuvre exclusive. Or, le 9 décembre, a été inauguré le monument aux morts de Paimboeuf, identique à celui de Luçon.

Finalement, on trouvera un accord et le monument sera inauguré le 23 novembre 1924, à Luçon.

L'armée d'Orient. Salonique. Le théâtre d'opérations des Balkans.
Depuis 1360, date à laquelle les Turcs s’étaient fixés dans les Balkans, la région est une poudrière. Avec la décadence de l’empire ottoman, Serbes, Croates, Dalmates, Monténégrins, Bosniaques, Grecs, Roumains, Bulgares se sont affranchis ou ont tenté de le faire. Tous ces nouveaux petits états avaient quelque chose de provisoire, d’inachevé. Trop de Roumains se trouvent hors de Roumanie, trop de Serbes hors de Serbie, etc... Tous réclament leurs droits et même s’octroient tous les droits. La Macédoine, où se mêlent toutes les ethnies apparaît toute désignée comme champ de bataille. Dans cet infortuné pays, Grecs, Bulgares et Serbes faisaient la guerre aux Turcs, puis en toutes occasions, s’entredéchiraient entre eux, et pillaient à qui mieux mieux. Salonique (ou Thessalonique) resta sous la domination turque jusqu'à 1912. Des « libérateurs » de toutes nations sont venus, s’incrustant dans les fermes, pourchassant le moindre poulet, si bien que les indigènes, devenus polyglottes, essaient de barrer leur porte aux soldats par des « Néma pinard, néma cochon, néma gonzesses, néma rien du tout !». Les indigènes ne portent pas dans leur cœur ces « libérateurs » qu’ils accusent d’avoir porté la guerre dans leur pays et être la cause des pillages de leurs villages et des campagnes. Il est vrai que le ravitaillement ne suit pas. Les poilus d’Orient sont contraints, pour ne pas mourir du scorbut, de cultiver des salades et des légumes entre leurs tentes. Cela leur vaudra d’être appelés, par dérision, « les jardiniers de Salonique » par Clémenceau qui était hostile à cette expédition. D’ailleurs l’idée la plus répandue dans l’opinion française de l’époque est que les soldats de l’armée d’Orient sont des « planqués surtout occupés à jardiner et à faire la noce avec les filles de mauvaise vie ». La vérité est toute autre.

L’armée d’Orient est un corps expéditionnaire pour le moins bigarré, comprenant des Français, des Britanniques, des Serbes chassés de leur pays, des Russes, des Siciliens, des Sardes, des Albanais, des Grecs, des représentants des empires britannique et français : Indiens, Sénégalais, Marocains, Algériens et même Indochinois. Partis à 20 000 en 1915, deux ans plus tard les Français se retrouvent à plus de 200.000 dans les camps insalubres de Salonique. Ils s’attendaient à participer à une expédition coloniale, sous le soleil, contre des peuples « inférieurs ». Ils découvrent des combattants fanatiques, des Bulgares, dotés d’armement moderne, des canons, des mitrailleuses, encadrés par des officiers formés à Berlin ou même en France. L’été le paludisme fait des ravages sur des organismes affaiblis par le surmenage. L’hiver entraînent son cortège de “maladies de poitrine”, de pieds gelés. Les pertes sont considérables et obligent constamment à envoyer des renforts de France. Les malades de l’été 1916 ont provoqué des coupes sombres dans les effectifs. Les chiffres de l’hiver sont encore plus inquiétants. Il faut de nouvelles troupes.

Salonique est une ville des plus cosmopolites qui soit. Aux uniformes variés des soldats de toutes nationalités, répondent la diversité des costumes de ses habitants : îliens à la culotte au fond énorme qui descend et ballote entre les jambes, Juifs au bonnet noir, Albanais aux habits blancs soutachés de brun, Turcs, aux chemises molletonnées coupées par une haute ceinture de flanelle rouge, dont les épouses sont voilées de noir, des Juifs jadis convertis à l’islam portant le fez ottoman, des Bohémiens musulmans descendants d’envahisseurs venus de Hongrie… La ville est ceinte d’antiques remparts byzantins. Des minarets blanchis rappellent les anciens occupants Ottomans. La ville est sale, les rues défoncées. Les militaires logent sous des tentes, ou des baraques, à l’extérieur de la ville.

Le front est, lui, plus au nord, près de la frontière avec la Serbie. L'objectif est d’enrayer la progression des Bulgares, les « Buls », qui ralliés à l’Allemagne, ont envahi leurs voisins Serbes. Ces derniers ont appelés les Alliés à la rescousse.