Suivant les conseils de l'ami Pedro Rodriguez, me voici sur le bon sujet, car avant de raconter mes souvenirs de l'Occupation il me faut remonter à ceux du gamin de Mantes-La-Ville où je suis né et qui vont jusqu’à 1940 et la foutue Débacle.
Mantes-la-Ville qui autrefois n'était qu'un faubourg agricole de Mantes-La-Jolie, devenue tristement célèbre de nos jours par le quartier du Val Fourré.
- Spoiler:
- Mantes-la-Ville, jadis en Seine-et-Oise (78) et aujourd’hui dans les Yvelines, c’est là que je suis né en 1926.
Vers la fin des années 1920, malgré sa proximité avec Mantes-sur-Seine (devenue plus tard Mantes-Gassicourt, puis Mantes-la-Jolie) et séparée d'elle par la ligne de chemin de fer de Rouen à Paris St Lazare et la RN 13, la ligne des trains à vapeur, celle de la Bête Humaine de Zola et de Jean Gabin en mécanicien de loco...
Mantes-la-ville n'était pas une cité dortoir comme de nos jours, mais juste un gros bourg.
Encore assez agricole, avec deux ou trois fermes céréalières, mais aussi des manufactures, avec la filature de coton Le Blanc, le Cacao Flick, La Cellophane, les Moulins Dessenne, la fabrique d'instruments de musique Buffet-Crampon, et la C.I.M.T. Compagnie Industrielle de Matériel de Transport, qui réparait les wagons du réseau de l’État près de la gare de triage.
Ce qui donnait une certaine activité à l'agglomération et à l'artère principale, la RN 183, qui relie Mantes à Houdan par Septeuil, appelée par les habitants La Route de Houdan.
C'est là que j'ai vécu ma première enfance, petit fils du coiffeur, né au dessus de la boutique du grand père, j'avais l'habitude de côtoyer les clients, ouvriers ou employés agricoles qui garaient leurs camions à chaînes, ou leurs tombereaux dans la rue.
Leurs chevaux faisaient du crottin pendant ce temps là, et je le ramassais pour le jardin...
A côté du coiffeur était un Café Billard.
En face du bistrot, il y avait une petite rampe qui menait aux fermes et par laquelle arrivaient les tombereaux chargés de sacs de blé, les charretiers devaient atteler trois chevaux costauds pour grimper la pente.
Avec des « hue, des dia et des ho », ils faisaient claquer leurs fouets, et calaient souvent les grandes roues en bois pour éviter le recul...
Il y avait toujours du spectacle pour moi dans la rue.
L'école maternelle des garçons n'était pas loin, dans l'aile gauche de la Mairie, le bâtiment inchangé existe toujours.
Sitôt mon "quatre heures" englouti, je filais vers le marchand de vélos voisin pour le regarder travailler, son atelier était une vraie caverne d'Ali Baba, où trônait une perceuse verticale à manivelle, avec un lourd volant au sommet, le grand établi avec plein d'outils, des étaux, un support de moyeu pour redresser les jantes voilées, le seau d'eau pour les fuites des chambres à air.
Pendus aux murs par des pitons, des dérailleurs à tendeur Simplex, des plateaux et des guidons de course, en Dural, des freins, et suspendus au plafond, des beaux vélos tout neufs que je touchais quelquefois.
Accrochés aux murs, les plaques émaillées des marques de vélos et de pneus, le Bibendum Michelin et le Barbu des pneus Hutchinson, qui affûtait une lame comme un rémouleur, sur un pneu Hutchinson tellement il était résistant...
De quoi satisfaire ma curiosité de gamin, je revenais souvent plein de cambouis et me faisais réprimander, ce qui ne m'empêchait pas d'y retourner.
A la boutique il y avait un tronc pour les pourboires, je n'avais pas le droit d'y toucher, mais je connaissais les clients... certains me donnaient quelques piécettes... "Tiens c'est pour toi Jean-Claude"
C'était l'époque ou beaucoup portaient la barbe, et venaient plus pour du rasage et du taillage, le tout accompagné de serviettes chaudes...
Et chez le coiffeur on parlait beaucoup... je connaissais toutes les histoires des gens de la Route de Houdan, boucher, boulanger, Coopérative ouvrière, et même un horloger...
Qui selon les dires était un coureur de jupons...
A suivre...