A l'heure aussi où des émissions à la TV tentent de faire vivre un service militaire épuré qui n'est de militaire qu'une pâle copie.
Rien d'étonnant cependant que tous soient ensuite prêts à signer un contrat (mais là Marius, tu y est pour quelque chose).
Demandez donc aux marins d'active, principalement embarqués, ce qu'ils en pensent.
Nombre d'officiers et de sous officiers qui ont connu cette époque, regrettent amèrement braves les ptits gars de la conscription.
Ils n'avaient certes que 500 francs par mois mais étaient (je les cite) plus courageux et plus travailleurs.
Quant à ceux qui, aujourd'hui, regrettent l'époque bénie qui les avait contraint à devoir servir sous les drapeaux, ils sont légion.
Pauvre France, pauvre base d'Hourtin qui n'est plus que l'ombre de toi-même.
Venus de tous les horizons, tu as vu défiler des milliers de marins.
Les vois tu encore, ces jeunes appelés qui, dans tes murs ont rit, pleuré, espéré, souffert et laissé là les jours de leur jeunesse.
De notre jeunesse.
HOURTIN !
La coupe incorpo, la première fois que l'on enfilait son uniforme, les chants, le canotage, la gamellerie et louley, les plateaux repas où parfois tout se mélangeait, les premières gardes dans le froid à l'aubette, la TABDT, les copains, les malades le matin à l'appel, les sonneries du branle-bas et de l'extinction des feux, tout cela avait du bon.
Et puis un jour, la première permission avant l'affectation vers les cours de spécialités.
Bon sang, quelles tranches de rigolades. Honneur soit rendue à la marine nationale qui, à Hourtin, accueillait des ados et en faisait des hommes.
Ils étaient tous la belle jeunesse française qui, quoiqu'ils disaient, râlant et éructant, savaient au fond d'eux-même qu'il est beau de servir la France ?
Ce foutoir, ce gâchis, s'il vous plaît, rions en tous à défaut d'en pleurer.
Que m'est-il arrivé ?
Époque 1
Juillet 2000.
Je ne sais comment cela est arrivé mais je me suis, aussi subitement que comme par enchantement, retrouvé devant l'entrée du Centre de Formation de la Marine à Hourtin.
Un mois seulement qu'il venait de définitivement fermer ses portes.
Derrière la lourde grille, j'apercevais l'aubette.
Aussi loin que mon regard se portait, ce n'était que désolation et désert.
Nulle âme qui vive.
Seules quelques feuilles arrachées aux arbres étaient, çà et là, soulevées par le vent et tournoyaient comme dans des mini tornades.
Posté là, j'ai regardé ma montre.
Est ce que je rêvais ?
C'était exactement celle que j'avais achetée sur la base, 48 ans plut tôt, à la coopérative de la place de l’Étoile.
C'était une belle fin de matinée, je vis qu'il était presque midi.
Mais qu'est ce que je foutais là ?
C'est sûr, j'allais me réveiller !
Pas du tout !
Voilà au contraire que tout à coup, lentement, régulièrement et sans grincement aucun, les deux battants de la lourde grille s'ouvrirent devant moi.
Je restais planté là encore un bon moment, comme soudé au sol.
Venue je ne sais d'où, j'entendis alors une espèce de voix intérieure qui me disait : [i]bon alors espèce d'idiot, tu entres ou pas ?
C'est pour toi que je fais ça !
De quoi, t'as peur, t'es tout seul !
"De la réalité à une folie"
Cette voix, je la reconnu entre toutes.
Elle n'était autre que celle de mon capitaine d'armes du camp d'Arué à Papeete où j'allais être affecté deux ans après mes classes à Hourtin.
Il avait raison, j'avais peur !
Mais c'est vrai que j'étais seul.
Je me dis, amusé : mais qu'est ce que le premier maître L... fout là ?
Au point où j'en étais de cette délirante projection, je commençais à m'en foutre royalement.
Cet instant il me fallait le vivre, et le vivre intensément.
N'avais-je pas un sacré privilège d'être là ?
Je me risquais donc à avancer d'un pas, puis de deux, puis de trois à l'intérieur de la base.
Alors qu'elle venait à peine d'être fermée, tout était absolument intact.
Ni les hommes ni le temps n'avaient encore faits leur œuvre destructrice sur les structures, les bâtiments, les route, les panneaux indicateurs.
Commandement, voilerie, Surcouf, CPER, place d'Armes.
Tout parfois se mélangeait, le neuf et l'ancien car de nouveaux bâtiments casernes avaient été construits depuis mon arrivée au CFM, le 27 novembre 1968.
Une force invisible me contraignit à m'arrêter devant l'aubette.
Stupeur, elle était toujours de petits toits roses, celle que javais connu avec sa salle d'honneur, les plantons et l'annexe de la gendarmerie.
Coi d'émotions et de sensations qui se bousculaient, je m'aperçu qu'au cours des quelques pas que j'avais fait, mon hôte (la voix sans doute) m'avait, de pied en cape, revêtu un uniforme.
Rayé, vareuse et ceinturon sur mon pantalon de treillis, bachi légendé marine nationale (non dépucelé), guêtre vertes et chaussures noires, coupe incorpo, gourmette, rien ne manquait.
Sur un mât, le pavillon français flottait au vent ; que faire d'autre sinon le saluer.
Je saluais donc.
Posté devant l'aubette, j'étais face au grand miroir des permissionnaires.
Mon image s'y réfléchissait.
Elle était floue car le miroir battait et ondulait également, comme s'il cherchait à se détacher du mur de l'aubette.
Je remarquais que toutes les portes de l'aubette s'étaient ouvertes en même temps que s'était ouvert le portail de l'entrée.
Comme par réflexe, je décapelais mon bachis et regardais sous la coiffe.
Je vis alors, marqué à l'encre blanche, le matricule que j'avais, au pochoir et à la brosse à dent, parfaitement réussi.
0568 19759 !
Oh zut, c'était le mien.
Je vérifiais aussi la gourmette où il était également gravé deux fois.
Enhardi, je commençais ma lente progression à l'intérieur du Centre de Formation Maritime.
Derrière moi, les deux battants du lourd portail se refermait en silence.
Cette fois, il était clair que je me retrouvais seul, enfermé sur cette immense base.
Excité au plus haut point, je poursuivis ma progression sur la route qui, je le savais, allait me conduire au bâtiment de commandement.
A suivre...
Skagerrac
Notes : On voudra bien excuser les fautes et coquilles, j'ai voulu écrire ce texte d'une traite.