Le port de Brest est méconnaissable.
Un brouillard à couper au couteau a envahi le port et la rade.
C’est à peine si Brest voit Recouvrance (et inversement).
Des plus anciens des marins Vétérans affectés aux services des ponts (c’est peu dire de la masse de mémoires accumulées), aucun n’a souvenir d’avoir jamais connu une telle purée de pois.
Un brouillard à couper au couteau a envahi le port et la rade.
C’est à peine si Brest voit Recouvrance (et inversement).
Des plus anciens des marins Vétérans affectés aux services des ponts (c’est peu dire de la masse de mémoires accumulées), aucun n’a souvenir d’avoir jamais connu une telle purée de pois.
- Spoiler:
- Malgré ces conditions dégradées, en ce 3 janvier 1901, la navigation dans le port et la rade n’a pas été interrompue.
Pourtant, dès les premières vacations matinales, des canots se sont égarés dans la brume et eurent toutes les peines du monde à accoster au bon poste.
C’est bien grâce à la connaissance des manœuvriers aux commandes de ces embarcations que de nombreuses collisions furent évitées.
Les Boscos, une fois accostés, s’empressent d’aller se réchauffer à la collation matinale, connue bien plus tard par la maxime « le café du Margat, le café qui fume pas ».
Le Fleurus est trop imposant pour entrer en Penfeld.
Le croiseur contre-torpilleur est mouillé devant le port et surtout devant le sémaphore, qu’il distingue à peine, en raison de cette foutue météo.
Le remorqueur Menhir est sous les feux depuis trois bonnes heures lorsqu'il pousse du quai des subsistances pour assurer sa vacation au « service des stationnaires de la rade ».
Ce remorqueur d’une puissance respectable, piloté par un Maître Vétéran connaissant la position des moindres cailloux, un des derniers à pouvoir encore localiser l’endroit précis où se trouvait la « roche de la Rose » arasée il y a vingt ans, franchis les passes entre la batterie de la pointe côté Recouvrance et la pointe de la Rose côté Brest.
Certainement soucieux de ne pas « aller à la côte », le Bosco ne prête pas vraiment attention à sa route.
Il a cependant pris soin de mettre son mousse à la cloche.
Le mousse s'exécute, il sonne la cloche si fort qu’il n’entend pas une autre cloche sonner, tout aussi énergiquement avec dans son timbre, des tonalités mêlées à la fois d’urgence et de désespoir.
Lorsque le Menhir voit le Fleurus, il est trop tard, la collision est inévitable…
Bien que le Bosco affiche ARRIÈRE TOUTE sur son transmetteur d’ordre, le chef mécanicien tente d’inverser la vapeur ; la machine alternative se stoppe, mais n’a pas le temps de repartir en arrière que le remorqueur éperonne le contre-torpilleur sur son bâbord avant.
La coque épaisse du navire de ligne est éventrée, la voie d’eau est importante.
L’équipage, qui s’est bien fait secouer par le choc, apporte des paliers Makaroff et les font descendre sur la brèche.
La voie d’eau est maîtrisée, mais des réparations d’urgence s’imposent.
Le Pacha dicte à son radiotélégraphiste un message à destination de l’Amiral Ménard, qui relaie la dramatique nouvelle à la Préfecture Maritime, laquelle répond qu’elle doit consulter la Majorité Générale sur l’état d’occupation des bassins.
L’Amiral Ménard aura cette phrase terrible qui restera à jamais gravée dans les mémoires et dans le marbre : « Si seulement nous avions eu le bassin des Sept-Saints... ».
Les Brestois qui ouvrent le journal le 5 janvier, soit deux jours plus tard, constatent que les dégâts sont bien plus conséquents.
Le Menhir n'a pas été le seul à éperonner le Fleurus, la Claymore l'a également touché par son arrière, occasionnant une petite déchirure.
Ce jour à la coupée, un gabier siffle à s'époumoner.
Le Pacha, droit comme un "I" rend les honneurs.
Des autorités montent à bord, et ce n'est pas pour un quelconque déjeuner.
Il y a là le Directeur des Constructions Navales accompagné de plusieurs ingénieurs, suivi du Major Général qui semble faire profil bas, car s'ils sont là pour estimer les dommages, une enquête est en cours ; le Préfet Maritime attend des noms...
Les experts ont estimé l'étendue des dégâts au bordé, une brèche de 1 mètre 50 longe la coque, et des membrures sont endommagées, techniquement c'est largement réalisable, mais l'enjeu désormais réside dans la disponibilité des bassins...
Récit grandement inspiré par les articles de La Dépêche de Brest des 3, 5 et 6 janvier 1901.