Ce sont les chantiers Dubigeon à Nantes qui ont été chargé de la construction de ce bâtiment.
Mis sur cale en janvier 1938, il rentre en service le 10 janvier 1940.
Bien que figurant sur un autre site je n'hésite pas un seul instant à rappeler ses principales caractéristiques tel que je l'ai connu le 25 mai 1962 à Nouméa, alors que je venais de la métropole après une longue traversée à bord du cargo mixte des Messageries Maritimes Le Tahitien
Longueur 78 m
Largeur 8,48 m
Tirant d'eau 2,38
Propulsion 2 diesel Sulzer de 2.000 cv chacun donc 2 hélices
Vitesse maximum 20 noeuds à 4000 ch
Rayon d'action 10000 miles à 9 nds 4000 à 15 nds
Artillerie 1 pièce de 105 (d'origine allemande d'après les canonniers) sur l'AR, à l'avant un canon de 40 m/m oerlikon et 4 pièces de 20 m/m.
Les 4 mortiers (pont milieu) et les deux grenadeurs (à l'AR) n'étaient plus à bord ce qui explique sans doute, puisque par voie de conséquences nous n'avions plus les munitions dans les fonds, pourquoi nous roulions en permanence bord sur bord.
L'équipage se composait de 8 officiers et 92 hommes.
A l'origine, il pouvait aussi draguer les mines à orin à une vitesse de 14 à 15 nœuds.
- Spoiler:
- La carrière de ce bâtiment qui s'étendra jusqu'en 1964 peut se distinguer en trois grandes phases : la guerre 39/45 - la guerre d'Indochine ( janvier 1946 - sept 1955 ), un peu de SURMAR le long des côtes de l'est algérien au sein de la 5ème division d'aviso (Cdt Amyot d'Inville, Cdt de Pimodan, Boudeuse, Elan et Elle même) relevant de la Préfecture Maritime basée à Oran/Mers el Kébir.
Un petit passage à Toulon et route sur Dakar : un petit carénage et une mise en réserve le 20 avril 1957.
Elle réarme à partir de décembre 1958, et le 25 sept 1959 elle quitte Dakar pour la dernière phase de sa vie : sa campagne dans le Pacifique Sud.
Elle arrive à Papeete le 14/11/59, la traversée ayant été coupée d'escales à Cayenne, Fort de France, Balboa (Panama) au Galapagos et à Nuku-Hiva (aux Marquises).
Ainsi pendant un peu plus d'un an nous avons patrouillé de long en large sur l'océan pacifique (il n'a que le nom) pour découvrir :
- La Papouasie Nlle Guinée, les Îles Salomon et Guadalcanal, les chantiers de l'arsenal de Sydney à Cocatu docks en Australie pour un carénage de plus d'un mois.
Pendant ce temps nous étions logé tous à terre et permissionnaires à partir de 10 h 00, apprécié la présence des jeunes et jolies vahinés de Tahiti, (alors que le Francis Garnier venait à Nouméa), (et donc à Tahiti il n'y avait que la Marine à Papeete -FARE UTE - maison rouge - sur le front de mer pour secrétaire fourrier trans/radio et COMAR - la mission hydro sur un superbe voilier "marine" la Zelée , et la vingtaine de marins du côté du quai du phosphate, bosco, mécano, DP, élect, et en haut de l'avenue Bruat : une cinquantaine de militaires du BIMAP.
- Mais aussi les Îles des Nouvelles Hébrides (condominium franco-anglais) actuellement le Vanuatu et indépendant, Port Vila (pour le pastis détaxé et interdit à Nouméa), Espiritu Santos, Tanna et son volcan, (les épisodes actuels de koh Lanta ont été tournés sur cette île), Ambryun, le royaume des Samoans, celui des iles Fidji.
- Wallis et Futuna - lointains territoires français d'outre-mer, Maré - Lifou, et Uvéa, nos Îles loyautés.
Mais avant tout sur ce bateau il a fallu faire connaissance :
- Au hamac qui a bercé mes nuits, aux poulaines communes (une longue rigole, sans séparation d'intimité, ni de porte et même infrastructure en face pour les urinoirs, en bout un dalot et une vanne d'eau de mer : le dernier étant chargé de laisser l'endroit propre) très pittoresques.
- Du charnier dans la coursive avant et son eau bien fraîche : un point d'eau avec un quart réglementaire attaché par une petite chaînette et qui donc permettait de se désaltérer.
- Des distributions d'eau douce de dix minutes par jour organisées, sur diffusion, par le calier de service pour la toilette.
Pour ne pas perdre de temps nous étions dans le plus simple appareil l'un derrière l'autre dans la coursive, le temps de se mouiller, de se savonner tout en commençant la ronde et de repasser pour se rincer si tout était allé très vite, sinon il y avait toujours la douche et le savon à l'eau de mer...
- De la souillarde pour récurer bidons et gamelles doubles à l'eau de mer avec la célèbre poudre NAB. Il y avait le rôle de plat (par table et pour la semaine) pour l'homme de service chargé de passer à la cuisine chercher le repas compte tenu du pointage de l'effectif du Q Mtre C.S.fusco du B.S.I, celui chargé de passer à la cambuse pour mettre dans le bidon le nombre de dose de 25 cl de vin, et au dessus dans le gamelot : suivant le cas, à la louche compote de pomme ou tout simplement le fromage, voir les sardines bien huileuses en vrac, et le troisième chargé de la vaisselle de ce matériel de table qui lavé et dégraissé était déposé dans un râtelier paré à l'inspection du Capitaine d'Armes voir du médecin, avant la soupe du soir.
- Des "pluches" du matin au petit déjeuner.
Cela consistait à prendre dans le plat les légumes à éplucher pour le cuistot en même temps que le café, le pain, beurre et confiture.
Compte tenu de ce que l'on rendait au Cuistot, il se chargeait de réduire les quantités le midi à la distribution.
Mais tout cela faisait le charme et la nostalgie de cette vielle marine que tous nos vieux marins ont en mémoire y compris la douceur des veillées où nous prenions un énorme plaisir à reprendre en chœur les refrains de toutes ces vieilles rengaines qui ont si bien traversé les années sans prendre une seule ride, le petit Brestois, à recouvrance, lili peau de chien, Jean Quémeneur, Loguivy de la mer, la chanson des blés noirs et ce pauvre Armand... qui n'avait plus de papa... ni de maman... et de temps à autre, temps permettant nous sortions le vieil appareil de cinéma (Débrie) pour passer et repasser : Mer cruelle, Wattusie ou la Prisonnière du désert sur la plage AR, (c'était les 3 films que nous avions et rien ne venait les remplacer de la métropole).
Combien de fois avons nous vu ces films ? car en plus dans les îles avec la chaloupe nous débarquions ces 5 caisses, le trépied, l'enrouleuse, l'écran, le groupe électrogène pour faire "cinéma " sous les cocotiers, j'accompagnais souvent "le projectionniste" et avec l'armement de l'embarcation nous installions le matériel : une occasion de descendre à terre...
Le lendemain, c'était le médecin et nos passagers : les membres composant le conseil de révision qui procédaient au recensement de la jeunesse que nous embarquions pour déposer à Papeete ou à Nouméa suivant le cas pour faire leur service militaire, le voyage prenait un autre rythme : le tout aux sons du Yukulele et de la guitare.
Au même titre que nos missions nous ont amené à déposer les urnes dans les Îles pour les élections nationales, le référendum... oui/non.
Une occasion de plus de faire un tamaraa en échange de 3/4 dames jeanne de vin rouge.
J'ai aimé ce bateau, j'ai aimé l'état d'esprit et de camaraderie qui y régnait et ce à tous les échelons de la hiérarchie. peut être cela tenait aux conditions très très difficiles de vie à bord surtout en période de navigation, peut être aussi qu'en étant logés tous à la même enseigne : jalousie, m'as tu vu, égoïsme... etc... tout cela n'existait pas.
Les Q Mtre chefs sortaient les petits jeunes à terre ou permettaient à certains de faire un peu de monnaie en fin de mois en les servant à table, en faisant la vaisselle, en lavant les treillis au balai brosse et au savon noir sur le pont de la plage AV avant de les mettre sur le cartahut.
Le courrier de métropole nous arrivait tous le 45 jours, si nous étions à quai, pas question de recevoir de colis ou si peu.
La solde était de 1000 fcp pendant durée légale, 8000 fcp pour un QM2 15000 fcp pour un QM1 et tout le monde vivait bien.
Le capitaine d'armes usait de la réprimande, de tête à tête musclé dans son petit bureau, porte fermée et tout le monde était content...
Nostalgie quand tu nous tiens, c'est trop fort.
J'ai encore plein de détails de la vie courante à bord de la Cap.
C'était peut être un des derniers bâtiments de notre vieille marine - comme dans les livres et les récits des vieux briscards, tels qu'ils aimaient à le raconter au coin de la table le soir avec le restant du bidon de cambusard croché au dessus de la tête à un poste à hamac, la moque de petits pois à la main, à l'époque où il n'y avait pas la télé ni le magnétoscope à bord et où maintenant il faut se dépêcher d'avaler le repas pour ne pas rater l'épisode du feuilleton.
Tout "fout le camp mon bon monsieur".
Dernière édition par le Ven 11 Aoû 2006 - 7:11, édité 1 fois