Je retrouvais des collègues avec lequel nous étions ensemble sur le Calédonien, au départ de Marseille. Le bidel était une veille connaissance, étant bidel d'une compagnie, la 4B ou 4C, lors de mon incorporation à l'EAMF, en septembre 1962.
D'autre part, j'étais content de quitter le Francis, bateau extrêmement "fayot" avec un commandant en second, toujours à l’affût de la coupe de cheveux. Surtout que mon précédent embarquement était le DC La Giroflée ou l’ambiance était plutot cool.
Celui-ci, rentrant de carénage à Sydney (2 mois) devait rejoindre Papeete, donc quelques mécanos du bord ont été transférés sur La Cap. Si mes souvenirs sont exacts, je pense que nous avons appareillés, le lendemain ou surlendemain, en direction de Sydney.
Effectivement, la traversée a été légèrement chahutée (doux euphémisme). Quelques jours plus tard, nous étions à Cookatoo Island, chantier naval à Sydney. Le seul moyen de rejoindre Sydney était le ferry-boat, qui nous débarquait à Circurlar Quay. Donc pas trop dépaysé, et même heureux de retrouver le quartier de Kings Cross.
Petite anecdote: dans la plupart des cafés-restaurants, il fallait commander un plat (peu importait la commande) pour être autoriser à consommer de l'alcool. La parade: l'un d'entre nous se dévouait pour manger, et le serveur pouvait servir autant de bières qu'il y avait de collègues assis à la table. Ou alors, l'on commandait un french coffee, c'est à dire: 3/4 d'alcool et le reste en café, le tout dans une grande tasse. Ainsi, si des cops (flics) pénétraient dans l’établissement, ils constataient que des petits marins sirotaient gentiment leur tasse de café. Heureusement qu'il ne contrôlaient pas olfactivement notre breuvage...
Durant cette période de carénage, nous ne chaumions pas à la machine, car outre la réparation d'un trou dans la coque, obturée par du ciment à prise à rapide, ( je n'étais pas encore à bord, à cette époque) il a fallu changer un 1/2 bloc moteur, soit trois cylindres, partie chemisée, suite à une fêlure de celui-ci. Bien que les ouvriers pokens aient faits le gros du travail, à nous tout le reste et les réglages.
En tant que civil et résidant à Nouméa, il m'est arrivé de faire nombreux stages de formations techniques, dans des entreprises Australiennes
Daniel nous a conté notre vie à bord, j'ai en souvenir ces fameuses poulaines ou WC rustiques, un long demi-tube, surélevé, dans lequel chacun d'entre nous, équipage, venait faire sa grosse ou petite commission, à la vue de tous. Un seau de mer et hop, nettoyé. Le tout s'écoulait par un tube qui donnait directement à l'extérieur, tube sécurisé par un clapet de non-retour, afin d’empêcher le reflux vers le haut, en cas de mer agitée. Quand le-dit clapet était inopérant, il fallait choisir l'endroit du tube ou faire ses besoins, dans le cas contraire, l'on pouvait avoir droit à un bain de siège, gratuit.
Autre plaisir, le hamac. Après son quart à la machine, la nuit, il fallait calculer le roulis, avant de sauter dans celui-ci, sinon, l'on avait droit à une collision spontanée avec les hamacs de droite et gauche, et recevoir des engueulades, sympas des voisins proches.
Notre mascotte , NEGUS, eh oui, il était tout noir, aimait bien traîner dans tous les postes équipage, surtout chez les mécanos, quand il y avait préparation d'un petit punch, made in Capricieuse. D'autant plus facile à préparer que l'accès à la cambuse se faisait à partir de notre poste. Un gros bidon de vin mélangé avec des fruits (oranges, etc..) et le tout servi dans nos touques (boite de conserve), pour ma part, une demie noix de coco que j'avais bricolé comme bol. Parfois nos amis tahitiens que l'on surnommaient "taîpouête" rajoutait un peu d'eau de Cologne Bien-Etre, effet garanti pour une charge explosive. Et notre NEGUS avait droit à son fond de touque, avec des effets délirants; vraiment à cette époque l'on ne respectait pas trop nos animaux, quoique.
Bien que tombé à la mer, par gros temps, la passerelle prévenue, le pacha, je pense au Cdt Blanc ordonna un demi-tour et retour sur la zone, avec des creux de plusieurs mètres. Heureusement qu'un collègue avait jeté une bouée, au moment de la chute de notre mascotte. Par une chance inouïe, NEGUS fut repéré (chien noir) mise à l'eau d'un plongeur et retour de NEGUS à bord (Moïse sauvé des eaux). Si mes souvenirs sont exacts, je pense que le plongeur était torpilleur, blond, que j'ai connu aux Arpettes, qui par la suite à intégré la Gendarmerie Maritime (eh oui, cela existait).
Beaucoup d'entre vous se souviendrons, lors d'une traversée, la nuit d'une alerte incendie, sur le coup des 00h45, je m'en souviens très bien , car j'avais terminer mon quart machine, aux moteurs principaux. Et les sacos qui couraient dans tous les postes, en criant "Alerte alerte, feu à bord, ceci n'est pas un exercice" Le mot "peau de bouc" ne fut jamais prononcé, à ce moment. Sitôt enfilé un short, sur le pont, et là des grandes flammes s'échappaient de la cheminée machine. Pompes pacifique mises place, obligation de doubler les manches pour pomper l'eau de mer, car les moteurs à l'arrêt, nous roulions bord sur bord, mise en action des lances à incendie et arrosage des tôles de la cheminée.
Nous étions tous munis de harnais de sécurité, crochés sur des filins mis en place par les boscos, du château AV au château compartiments machine. Il fallu près de trois heures pour refroidir la totalité de la cheminée. En Récompense, le pacha ordonna une ration de Tafia à tous les intervenants. Puis retour dans nos hamacs, content mais avec une petite cuite bien méritée.
Les causes de cet incendie: apparemment, le système de lubrification des pistons étant réalisé grâce à des oléopolymètres. Depuis un temps indéterminé, ceux-ci balançaient trop d'huile dans les cylindres, d'ou encrassage de l'intérieur de la cheminée, d'ou incendie. Un patron mécano ou un ingénieur pourra-t-il nous en dire en plus sur le sujet. Quoiqu'il en soit, personne n'a paniqué, ou du moins ne s'est pas manifesté. Qui plus est, nous étions jeunes, insouciants, pas mariés, donc pas de stress. Et puis dans ces cas-là, l'on n'a pas le temps de réfléchir, d'ailleurs comme disait un saco lors de mon passage aux Arpettes: réfléchir c'est désobéir.
Conséquence de cet incendie: certains rivets des tôles du pont, recouvrant le compartiment machine avaient lâchés; résultat, de l'eau de mer pénétrait dans la machine, en attendant d'être remplacés.
D'ailleurs, il y avait parfois des problèmes machines (propulsion) cocasses. Comme ce déplacement en marche arrière (toute) entre le port de Nouméa, ou nous étions à quai et la base Chaleix, suite à un problème d'inverseur.
Ou encore, un samedi ou La Cap devait appareiller en soirée, sans doute pour un long déplacement (lequel ?) Les payes avaient été versées, les adieux aux familles faites, et en avant. Par contre un groupe électrogène, alimentant un compresseur d'air, indispensable, pour le lancement des moteurs principaux, donnait des soucis sur sa fiabilité. Pas de problème pour le Pacha et le cipier (je pense que l'ingénieur Serve avait été rapapa et remplacé par un officier des Équipages (mécano). Donc appareillage, puis quelques heures plus tard, catastrophe; le deuxième groupe électrogène, lui aussi accouplé au deuxième compresseur, tombe en rade. Cata sur toute la ligne. Sans doute conciliabule entre le Pacha et son cipier. Résultat, retour sur Nouméa, en pleine nuit. La Cap est restée embossée sur un coffre dans la rade de Chaleix, jusqu'au dimanche dans la matinée. Hormis le Pacha, qui est partit dormir à terre, tout le monde est resté à bord. Aux bruits de coursives entendus, quelques uns de nos supérieurs (tous) ont eu droit à l’hôtel du cul retourné.
A cette époque, l'on envoyait la Cap fêter le 14 juillet aux Nouvelles Hébrides (Vanuatu aujourd'hui) accompagné, je crois de la Dieppoise ou la Paimpolaise, avec quelques trouffions et musiciens de l'Armée de Terre. Epique. Première escale à Port Vila, mouillage en rade foraine. Puis quelques îles dont j'ai oublié le nom, et enfin dernière escale à Espiritu Santo, deuxième ville importante de l'archipel,aux environs du 28 ou 30 juillet. Des civils super sympathiques, qui avaient organisés, en notre honneur, un grand repas. Non, pas un tamara tahitien, pas un méchoui, ni même un bougniat canaque (d'ailleurs succulent) non un vrai repas français.
J'ai aussi le souvenir de mes chefs à la machine, SM Schrobingen, PM Saunier, Marquiset devait être aux auxiliaires. De Serve, ingénieur mécanicien, que j'ai retrouvé sur le Protet, en 1965, et qui m'a pistonné pour embarqué sur La Lorientaise, comme chef de quart machine, en partance pour Nouméa (marre des campagne ballons sur Mururoa). Serve que je retrouverais par la suite à Nouméa, vie civile, comme expert maritime auprès des assurances.
Sans oublier le commandant Blanc, qui lorsque l'on croisait et saluait, aimait bien balancer un léger coup de poingt sur les abdos ( à l'époque résistants).
Ainsi que quelques collègues: Gérard Carles, Hascouet, et Jean Pierre Merceur, qui a fait une jolie carrière dans la Navale, comme beaucoup d'entre vous d'ailleurs.
J'ai vécu les avants derniers moments de ce cher rafiot, que l'on surnommait Le Lévrier des Mers, lors de l'une de ces dernières sorties, avec sa flamme de guerre. Puis par la suite, le largage à la mer, d'immenses quantités de ferraille, pièces détachées obsolètes en tout genre, pas très bon le corail.
Puis débarquement, direction Papeete sur le Mélanésien, petit séjour à la base d'Arué, tenu par la Légion étrangère (dur dur), et, ouf, embarquement sur La Giboulée, ravitailleur en eau douce (900 m²) pour les atolls de Mururoa, Hao, etc.. Mais ceci est une autre histoire.
Conclusion: La Capricieuse fut pour moi le meilleur des embarquements, tant sur le point professionnel, amitié sincère, entraide. Même si parfois les conditions de vie, d'hygiène étaient un peu ollé ollé, cela reste une expérience formidable, voire inoubliable.
Je figure sur l'une des fotos couleurs, fournies par Jean Pierre Merceur, le verre de bière à la main
Iaorana pour les uns, kénavo pour tous les autres