.... Jugeant prudent de ne pas arriver de nuit sur le rendez-vous de débarquement, le groupe effectue une boucle en arrière dans la nuit du 8 au 9 septembre à l'allure de 6 nœuds.
Pour corser le tout, l'amiral signale du NELSON:" Pas maître de ma manœuvre. RICHELIEU, prenez fonction de guide".
Le RICHELIEU pousse une pointe à 15 nœuds et chasse son poste à un mille en avant.
Peu avant le lever du soleil, le 9, le paravane bâbord émerge.
Les boscos sont rappelés en hâte. Nous ne tardons pas à le remettre à poste.
A 7 heures, tout est en place. Ce n'est pas le moment de traîner sans paravane dans ces eaux infestées de mines!...
Précédé par le dragueur qui dégage le chenal, le NELSON, le RICHELIEU et les destroyers progressent à 10 noeuds, circuits de démagnétisation alimentés, paravanes à l'eau...
Profondeur du chenal: 38 mètres.Sur bâbord avant, le feu de "One fathom bank" signale des fonds d'une brasse seulement...
A 7heures,15, le clairon sonne le réveil. la nuit a été très calme et le jour qui tombe par le panneau avant, dans notre poste et qui est resté ouvert pour avoir un peu de la fraîcheur de la nuit, éclaire tout le poste des gabiers.
Nous avons le sourire car, normalement, nous aurions dû être au poste de combat depuis 3 heures du matin, tant mieux!
Après une bonne douche, nous nous retrouvons autour des bidons de "jus"...
7 heures 44: Une formidable explosion ébranle tout le bâtiment et le soulève littéralement!...Puis il semble rebondir encore plusieurs fois..
Une énorme colonne d'eau s'élève à tribord, juste à l'aplomb de notre poste!..
Les bidons et les moques volent en l'air! Les tables et les bancs se décrochent des barrots et nous tombent sur la tête.
Le panneau avant se ferme dans un claquement sec et nous nous retrouvant dans le noir, gamelles entrechoquées, glaces brisées, jurons, pagaille!...
Dans le noir, à l'aide de nos briquets et nos allumettes, nous tentons de remettre un peu d'ordre dans le poste.Le RICH' ne semble pas prendre de gîte, la voix tranquille du commandant Merveilleux du Vignaux retentit dans les haut-parleurs: " Fermez les tapes et les hublots partout! Fermez les tapes et les hublots partout!..."
Une mine a exploser à tribord avant.
L'amiral Walker, sur le NELSON demande:"Are you badly damaged ?-Ready to procced", fait répondre, non sans fierté et soulagement, notre Pacha.
8 heures,40: Le klaxon des avertisseurs automatiques de voie d'eau vrillent nos oreilles!...
Les équipes de sécurité replongent dans les fonds pour déceler cette voie d'eau...
-C'est ...DU VIN !!...Trois tubes de vidange des cuves à vin ont été brisés par l'explosion et le précieux liquide répandu sur le parquet de la cale D.420 a déclenché les avertisseurs de voies d'eau, rapporte, souriant, le chef d'équipe.
Quelques 3000 litres perdus ! Un drame ! Beaucoup de boscos commencent à regretter qu'il ne s'agisse pas d'une voie d'eau !!!
La légende aidant, les gars de l'équipage auraient réamorcé à la bouche, les pompes de cales qui asséchaient le vin répandu dans le fond. D'autres se seraient substitués aux pompes et seraient parvenus à étaler !! (Évidemment !! On dit que tous les boscos étaient volontaires pour cette opération de sauvetage!!!)...
Inutile de vous dire que l'histoire a fait le tour des navires Anglais de l'escadre!...
"Le RICHELIEU a sauté sur une mine !! les Français ont eu une importante voie.....DE VIN !!...."
Après enquête, il s'agissait d'une mine de fond, magnétique contenant 200 kilos d'explosif, probablement larguée par avion.
A 11 Heures 45, nous mouillons en vue des côtes. Toute l'armada est là.
Le débarquement s'effectue dans le calme....
AMITIES A TOUS.
Un vieux bosco.