Tout navire à besoin d’eau douce, soit pour la boisson et la toilette de l’équipage, soit pour le dessalement des appareils et peintures par lavage. Lorsque la propulsion du bâtiment fait appel à la vapeur d’eau, il y a nécessité d’alimenter la (ou les) chaudière(s) avec de l’eau distillée.
Les quantités d’eau douce embarquées au départ sont limitées, notamment lorsqu’il s’agit de navires militaires. En effet, ces bâtiments sont armés par des équipages comportant un plus grand nombre de marins que ceux du commerce, mais la place à bord est aussi plus restreinte, compte tenu des matériels et munitions embarqués. D’où la nécessité de produire de l’eau douce à partir de l’eau de mer distillée. Ceci est particulièrement nécessaire pour les bateaux à vapeur, qui doivent compenser en permanence les pertes dues aux purges destinées à maintenir une très faible salinité de l’eau des chaudières (4 mg/l de sel maximum), ainsi qu’aux inévitables fuites le long des très longs réseaux de tuyauteries. Ne serait-ce que pour la toilette de nombreux membres d’équipage, la consommation est loin d’être négligeable. C’est la raison pour laquelle les navires ont une installation de distillation de l’eau de mer dont l’élément principal est le «bouilleur».
Schéma d'une installation embarquée de production d'eau douce
Le principe du bouilleur est identique à celui d'un alambic, mais très perfectionné de manière à être le plus productif possible, en quantité comme en qualité. Il doit également fonctionner en consommant le moins d’énergie possible, puisque la quantité de combustible embarquée, limitée elle aussi, doit être prioritairement réservée à la propulsion du navire. C’est la raison pour laquelle toutes les solutions permettant de récupérer de l’énergie en cours de fonctionnement, doivent être prises en compte dès la conception. Il existe plusieurs systèmes de bouilleurs, notamment dans le moyen utilisé pour le chauffage destiné à l’évaporation de l’eau de mer, mais nous nous en tiendrons ici au simple principe de fonctionnement de celui utilisant la vapeur d’eau.
Le corps du bouilleur est composé d’un réservoir fermé, dont la partie inférieure sert de cuve d’évaporation. La cuve contient de l’eau de mer, dont l’évaporation est générée par un échangeur à haute température ayant une grande surface d’échange, alimenté par de la vapeur d’eau saturée en provenance de la chaudière.
La partie haute du corps constitue le «dôme de condensation», traversé par un autre échangeur, mais cette fois à basse température, alimenté par de l’eau pompée dans la mer, sous la coque.
Sous l’échangeur froid destiné à la condensation de la vapeur d’eau en provenance de la cuve d’évaporation, se trouve le «condenseur». Ce dernier est un réservoir destiné à récupérer l’eau distillée qui tombe par gravité en provenance de la condensation qui s’est faite dans l’échangeur froid. La pression dans le corps du bouilleur est abaissée par un pompage effectué à l’aide d’un «éjecteur à vapeur» composé d’une tuyère. La prise de pompage est située dans le condenseur, à un endroit où la vapeur est déjà condensée et transformée en liquide. Plus on abaisse la pression, plus basse est la température d’ébullition de l’eau. L’abaissement de la pression interne permet également d’abaisser la température autour de l’orifice de pompage, ce qui favorise la condensation de la vapeur.
Le schéma du bouilleur est très simplifié, mais il permet toutefois de repérer des dispositifs d’économie d’énergie :
• au niveau de l’échangeur froid destiné à la condensation, on voit que l’eau qui l’a traversé en sort à une température plus élevée que celle qu’elle avait en y est pénétrant. Elle a récupéré des calories prélevées à la vapeur chaude. Elle va maintenant aller alimenter la cuve d’évaporation en économisant de l’énergie de chauffage.
• c’est la vapeur utilisée pour abaisser la pression interne du bouilleur par l’intermédiaire de l’éjecteur, qui va être utilisée pour provoquer l’évaporation de l’eau de mer en traversant l’échangeur à haute température.
La production d’eau douce
Sur les bâtiments propulsés par la vapeur, l’eau distillée la plus pure produite par le bouilleur est destinée à la chaufferie et est dirigée vers la(les) bâches(s). Une «bâche» est un réservoir de stockage de l’eau destinée à la chaudière pour produire de la vapeur. Une eau trop salée, trop oxygénée et trop minéralisée aurait des effets corrosifs, provoquerait une perte d’efficacité dans l’échange de chaleur à l’intérieur des tubes des faisceaux évaporateurs et surchauffeurs.
L’eau dont le taux de salinité est incompatible avec les exigences de la production de vapeur est dirigée vers les réservoirs de stockage de l’eau de boisson et de lavage. Cependant, il est nécessaire de la remineraliser. En effet, l’eau distillée trop pure est une véritable purge et n’est pas recommandée pour les organismes vivants.
J’espère que cette description permettra au plus grand nombre d’entre nous de comprendre la raison pour laquelle ils n’ont pratiquement jamais manqué d’eau douce à bord