Dans un sujet précédent, nous avons évoqué la production d’eau douce à bord des navires par un procédé thermique de distillation de l’eau de mer à l’aide de bouilleurs dont l’énergie de chauffage est fournie soit par de la vapeur d’eau, soit de l’électricité et même les dispositifs de refroidissement de moteurs thermiques. Ce procédé, gros consommateur d’énergie bien que tous les moyens soient mis en œuvre pour en récupérer le maximum, n’est pas le seul pour produire de l’eau douce.
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Les technologies actuelles de dessalement des eaux sont donc classées en deux catégories, selon le principe appliqué :
• Les procédés thermiques faisant intervenir un changement de phases : la congélation et la distillation.
• Les procédés utilisant des membranes : l'osmose inverse et l'électrodialyse.
Parmi les procédés précités, la distillation et l'osmose inverse sont des technologies dont les performances ont été prouvées pour le dessalement d'eau de mer. En effet, ces deux procédés sont les plus utilisés dans la production mondiale d’eau douce par dessalement. Les autres techniques n'ont pas connu un essor important dans le domaine, à cause notamment de problèmes liés généralement à la consommation d'énergie et/ou à l'importance des investissements qu'ils requièrent.
Quel que soit le procédé envisagé pour la séparation du sel et de l'eau, toutes les installations de dessalement comportent quatre étapes :
• une prise d'eau de mer avec une pompe et une filtration grossière,
• un pré-traitement avec une filtration plus fine, l'addition de composés biocides et de produits anti-tarte,
• le procédé de dessalement lui-même,
• le post-traitement avec une éventuelle reminéralisation de l'eau produite.
A l'issue de ces quatre étapes, l'eau de mer est rendue potable ou utilisable industriellement, elle doit alors contenir moins de 0,5 g/l. Si sa destination est d’alimenter des chaudières de production de vapeur pour les navires, la salinité maximum admise est de 0,004 g/l (4 mg/l).
Avant d’aborder l’osmose inverse, nous allons tout d’abord voir en quoi consiste l’ « osmose ». L'osmose est un processus naturel qui vise à diluer une solution par migratrion au travers d'une membrane. Les cellules de notre corps utilisent par exemple ce principe pour échanger de l'eau entre certains organes.
Prenons un exemple :
Si on installe une membrane semi-perméable dans un récipient contenant d'un côté une solution aqueuse peu saline (milieu hypotonique) et de l'autre une solution au contraire très saline (milieu hypertonique), l'eau faiblement chargée en sel va spontanément traverser la membrane pour diluer la solution saline et ainsi équilibrer la dilution du sel des deux côtés de la membrane (milieu isotonique).
Ce faisant, le niveau de la solution peu saline va diminuer et celui de la solution saline va augmenter puisque l'eau migre de l'un vers l'autre. L'amplitude de cette migration est d'autant plus élevée que la différence de salinité est importante. La force qui génère cette migration est appelée « pression osmotique ». La pression osmotique de l'eau de mer (3% de chlorure de sodium) à 25°, se situe autour de 25 bars.
L’osmose inverse est un dispositif de purification de l'eau contenant des matières en solution par un système de filtrage très fin qui ne laisse passer que les molécules d'eau.
En exerçant une pression hydrostatique (entre 50 et 80 bars), on dépasse la pression osmotique et on force l'eau à franchir la membrane dans un sens, ce qui permet d'obtenir d'un côté un plus grand volume (environ 70% à partir de l'eau de mer océanique) d'une eau dont les solutés sont plus dilués (donc d'une eau plus pure), et de l'autre côté un plus petit volume d'une eau plus concentrée, qui sert de piston.
Ce procédé a été utilisé pour la première fois par l’US Navy pour fournir de l'eau potable aux sous-mariniers. Il est utilisé aujourd'hui de façon industrielle pour la purification de l'eau et le dessalement de l'eau de mer.
L’osmose inverse met en œuvre des membranes semi-perméables, dont les particularités majeures sont une porosité extrêmement fine (jusqu’à 0,0001 µM soit 0,0000000001 mm ou 1 Å) et, à l’instar des diodes en électricité, compte tenu de la grande différence de pression régnant sur ses faces opposées, de ne laisser passer le flux que dans un seul sens.
Le coût de fabrication de ces membranes est très élevé et leur durée de vie limitée ; on l’estime à trois ans maximum.
La caractéristique la plus importante des eaux de mer est leur salinité, c'est-à-dire leur teneur globale en sels divers (chlorures de sodium et de magnésium, sulfates, carbonates). La salinité moyenne des eaux des mers et océans est de 35 g/l (27,2 g/l de NaCl, 3,8 g/l de MgCl2, 1,7 g/l MgSO4, 1,26 g/l CaSO4, 0,86 g/l K2SO4).
Cette salinité est sensiblement différente dans le cas de mers fermées :
* mer Méditerranée : 36 à 39 g/l,
* mer Rouge : environ 40 g/l,
* mer Caspienne : 13 g/l,
* mer Morte : 270 g/l,
* golfe Arabo-Persique : 36 à 39 g/l comme en Méditerranée.
Le pH moyen des eaux de mer varie entre 7,5 et 8,4 : l'eau de mer est un milieu légèrement basique.
Le dessalement par osmose inverse nécessite d'abord un prétraitement très poussé de l'eau de mer pour éviter le dépôt de matières en suspension sur les membranes qui conduirait très rapidement à une diminution des débits produits.
S’agissant d’un procédé « universel », pour les eaux de très mauvaise qualité, il est nécessaire de retenir toutes les particules de dimension supérieure à 10 à 50 µm selon le type de module d'osmose inverse. Ceci est réalisé à l'aide d'une préfiltration grossière puis d'une filtration sur sable pour éliminer les matières en suspension les plus grosses. Puis un traitement biocide et une acidification sont nécessaires pour éviter le développement de microorganismes sur la membrane et éviter la précipitation de carbonates. Enfin une filtration sur cartouches permet de retenir les particules de taille de l'ordre de quelques dizaines de µm qui n'ont pas été retenues par le filtre à sable.Différents degrés de filtration pour aboutir à la production d'eau pure. Cet étagement de filtration est également utilisé dans les stations d'épuration à terre
La pompe haute pression permet ensuite d'injecter l'eau de mer dans le module d'osmose inverse dans lequel se trouvent les membranes.
De plus, un deuxième phénomène intervient lors de l'osmose inverse, il s'agit de la polarisation de concentration de la membrane. En effet, au cours du temps, la concentration de la solution salée augmente puisque la majorité des molécules sont retenues d'un seul côté de la membrane. De ce fait, la pression osmotique augmente également près de la couche limite, avec des risques de précipitation des composés à faible produit de solubilité. Pour un même rendement, la pression à appliquer est donc plus élevée. Pour éviter ce phénomène on balaye la membrane du côté de la solution salée par un flux d'eau continu. Toute l'eau n'est pas filtrée, une partie sert à nettoyer la membrane. Ce procédé est donc semblable à une filtration tangentielle. L'eau non filtrée est appelée rétentat tandis que l'eau qui a traversé la membrane est appelée perméat.
Afin de limiter la consommation d'énergie du procédé, on peut placer sur le circuit du rétentat une turbine qui permet de récupérer une partie de l'énergie contenue dans ce fluide sous haute pression.Schéma d'un circuit de production d'eau douce par osmose inverse à partir de l'eau de mer :
Nettoyage continu de la membrane par un "balayage" engendré par un flux à haute pression
Dernière édition par BONNERUE Daniel le Dim 8 Mar 2009 - 12:46, édité 1 fois