par Roger Tanguy Lun 10 Nov - 11:24
Le CHELIFF, dans les années 66/68, était une vieille baille en fin de vie.
Tout tenait avec des bouts de ficelle ou de fil de fer (sauf une hélice qui est partie par le fond du côté des Marquises) et qui n'avançait encore que par l'ingéniosité de son équipage. L'équipage, justement logeait à l'arrière, à la poupe.
Le poste était en forme de fer à cheval.
Du côté ouvert se trouvaient les bannettes, superposées par trois, et rangées en rangs d'oignons comme les étagères d'un magasinier.
Le locataire de l'étagère, pardon la bannette, d'en bas (c'était mon cas) s'y glissait en rampant et n'avait de vision que les mollets de ses collègues.
Celui du milieu était mieux loti.
Ses fesses arrivaient à la hauteur de la bannette, il n'avait qu'à s'y laisser tomber et de plus il avait vue sur tout le poste.
Celui du haut se servait comme marche-pied des bannettes du dessous pour se hisser dans son espace confiné, sous le plafond, qu'il partageait avec les rats qui couraient sur les gaines en amiante qui tombaient en poussière laissant apparaître ici et là les tuyaux qu'elles "protégeaient".
La partie fermée du fer à cheval était divisée en deux, d'un côté un petit salon avec une table et une moleskine et de l'autre la salle d'eau.
La porte de la salle d'eau avait disparu depuis longtemps.
Depuis les bannettes on y voyait tout ce qui s'y passait.
L'endroit était carrelé.
Sur l'arrière, contre la coque, se trouvaient les lavabos, au milieu, au plafond, il y avait des pommes de douches et en face, côté poste, des trous, en fait des toilettes à la turque avec une barre pour se cramponner en cas de roulis.
Ainsi, l'un se lavait les dents, d'autres se douchaient ou encore lavaient leur linge sur le carrelage, tandis que d'autres vaquaient à un pressant et impératif besoin, tout cela en commun et dans la bonne humeur.
Au début, on se retient un peu, on attend le soir pour se rendre aux toilettes, mais alors on "parfume" le poste et l'on subi la ire des occupants.
Alors après on fait comme tout le monde, devant tout le monde.
A l'arrière, pend une grosse ancre qui sert à se déhaler lors d'un beachage.
Dès que la mer remue un peu, cette ancre qui devrait être saisie mais ne l'est jamais, se balance au rythme du roulis et cogne contre la coque comme un bourdon dans une cloche.
Nuits difficiles.
Pas sûr qu'aujourd'hui, on accepterait de telles conditions.
Dernière édition par Roger Tanguy le Mar 11 Nov - 21:41, édité 1 fois