Quelques souvenirs de mes deux traversées entre la France et Madagascar comme passager militaire à bord du paquebot mixte des Messageries Maritimes Jean Laborde.
C’était les conditions du moment, rien d’exceptionnel.
De Toulon à Diego Suarez Paquebot Jean Laborde avril 1960 - mai 1962
Départ du Cap Janet à Marseille
18 avril 1960
Rationnaires, passagers en cale
Affecté sur l’aviso commandant Robert Giraud à Madagascar, c’est sur le paquebot Jean Laborde des Messageries Maritimes que j’ai rejoint Diego Suarez en avril 1960, et c’est sur ce même bateau, en mai 1962 que s’est effectué mon rapatriement.
Si le Jean Laborde avait 3 classes en cabines, une quatrième en entrepont, avec des couchettes, aérées par quelques hublots sur la coque, ce que j’appellerais une cinquième classe, qui portait le nom de rationnaires, en cale, était destinée aux militaires.
Cette cale équipée de bannettes, éclairée de trop rares ampoules souffrait d’un manque de ventilation, je me rappelle de la peinture rouge du sol qui déteignait sous nos pieds.
Temps permettant je dormais sur le pont, comme beaucoup de mes camarades, une couverture en guise de matelas.
Contingent de différentes armes, nous avions un espace limité, du gaillard jusqu’au pont des troisièmes.
Nos repas étaient pris dans l’entrepont, sous le panneau de cale.
Ce panneau de cale Mac Grégor était en partie ouvert, pour permettre la ventilation, un filet tendu sur l’ouverture assurait la sécurité.
La visite du bord des passagers avec le commissaire, regardant par le haut du panneau nous donnait l’impression d’être dans une cage.
Notre seul accès à l’arrière du bateau, ou pour aller chercher les rations à la cambuse, se faisait par une coursive de service, à bâbord.
En passant devant la porte de la machine, nous échangions quelques mots avec le graisseur qui prenait le frais à la porte, devant le parquet des culasses.
Je n’ai pas gardé un souvenir impérissable des repas pris dans l’entrepont, menus répétitifs, ou ne régnaient ni la qualité ni l’abondance.
Les plats venaient de la cuisine des troisièmes, le café du matin avait du subir plusieurs rinçages avant d’arriver jusqu’à nous.
Si dans les sanitaires, à l’avant les lavabos étaient à l’eau douce, les douches, elles, étaient à l’eau salée.
Pour la plupart d’entre nous, c’était le premier grand voyage
Après Port Saïd et la traversée du canal, passé Suez, nous avions eu toute la descente de la mer rouge pour commencer à nous accoutumer à la chaleur.
Escale à Djibouti, première sortie en Afrique, Monbasa, Dar es Salam, et Majunga, premier contact avec Madagascar et enfin Diégo Suarez, notre port de destination tant attendu, que nous avions eu tout le loisir d’imaginer au cours de ces trois semaines de voyage.
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Adieu Diégo,
Après un séjour de vingt trois mois sur le Robert Giraud, j’avais retrouvé le Jean Laborde pour le retour en France.
Beaucoup de monde sur le quai au port de commerce, le passage des courriers était un évènement à chacun de leurs passages à Diégo.
Beaucoup d’émotion sur le quai… séparation difficile… les aussières sont larguées… le regard a du mal à se détacher d’un point précis dans la foule…la passe… adieu Diégo…c’est fini…
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Pour améliorer les conditions de vie et avoir un peu plus de confort, il était possible de faire une partie du travail d’un membre de l’équipage.
Ravalant ma fierté, sur les conseils de mon estomac, je m’étais retrouvé adjoint du réceptionniste, à passer l’aspirateur et faire le ménage au salon fumoir des premières .
Autre travail, qui me permettait d’entrevoir la vie des autres classes à bord, j’avais à préparer et installer le matériel de projection, rembobiner les films.
Ces projections étaient faites aux premières et secondes, aux troisièmes et aux militaires avec deux séances pour l’équipage.
Ce travail nous permettait de manger au réfectoire et d’accéder aux sanitaires équipage (aux douches à l’eau douce chaude).
Après le passage du canal de Suez, le froid ne permettant plus de dormir sur le pont je dormais dans la salle de repos équipage, sur une banquette.
Revêtu de la tenue de service grise rayée de service, la circulation à bord était possible, en évitant quand même de croiser le commissaire.
Nous avions l’autorisation de sortir dans les ports, sauf en Egypte ou je n’avais pas pu participer à l’excursion des pyramides, qui avait lieu pendant la traversée du canal.
(la guerre d’Algérie rendait les militaires indésirables sur le sol Egyptien) .
J’avais été étonné de rencontrer à bord Geig, un lieutenant qui avait fait son service militaire sur le Robert Giraud à Diégo quelques mois auparavant.
Charpentier un électricien avec qui j’avais sympathisé m’avait fait découvrir la machine.
J’ai conservé mon diplôme décerné aux gens qui passait la ligne pour la première fois, souvenir…
C’est sur ce bateau, que j’ai fait ma première traversée du canal, celle qui m’a le plus marqué. Les marchands, le prestidigitateur Gali Gali et ses poussins, mais surtout l’impression de calme à l’avant sur le gaillard.
Le petit train long du canal, les paysans sur leurs ânes, tout avait l’air de marcher au ralenti soudainement .
Quelle différence quelques années plus tard, pendant mon séjour de quatre mois sur le Sindh prisonnier dans les lacs Amers pendant la guerre des 6 jours.
Après notre débarquement au Cap Janet à Marseille, nous avions retrouvé avec quelques regrets, la réalité de la vie en France que nous avions quelque peu perdu de vue, tout à notre séjour sous les tropiques.
J’ai gardé malgré tout un bon souvenir de ces traversées.
Peu de temps après, j’embarquais à ce même cap Janet sur un cargo des Messageries Maritimes à destination de l’extrême Orient.
Daniel