par Max Péron Mar 24 Sep 2019 - 18:53
msg 785 de Pascal
Hou la la ! Pour répondre à tout ça, il faudrait plusieurs pages. Je vais essayer de ne pas être trop long.
Mission aux Kerguelen annulée : bien que patron radio du Bourdais, habilité Secret Défense, je n'ai jamais vu un secret aussi bien gardé.
Début avril 1979 à La Réunion. Le Bourdais est à quai à Port des Galets. Nos prochaines missions doivent nous emmener à l' Île Maurice et surtout aux Kerguelen dans les TAAF, Terres Australes et Antarctiques Françaises. J'avoue que la perspective d'affronter une seconde fois les 40èmes Rugissants, voire même les 50èmes Hurlants, ne me fait pas bondir de joie.
Afin de nous prémunir contre les rigueurs du climat antarctique, nous embarquons des manteaux de mer fourrés, des bottes fourrées, des gants, etc. Ravitaillement en gazole, embarquement de vivres. On n 'a rien oublié ? Non. Poste de manœuvre. Passage sur courant bord. Coupure des liaisons téléphoniques avec la terre (Pascal qui s'y colle ?). Larguez les amarres, appareillage pour l' Île Maurice et les Kerguelen. Au revoir La Réunion et à bientôt.
Quelques dizaines de minutes plus tard, nous sommes en mer. Dégagé du poste de manœuvre. Soudain, dans tous les haut-parleurs de diffusion générale du bord, on entend ceci :
"Communication générale. Le commandant vous parle ..." Silence.
Pour résumer :
Nous n'allons pas aux Kerguelen et les vacances mauriciennes sont annulées. Mes deux petites marraines mauriciennes, je les revois quand ? Venant de l'Océan Atlantique, une armada soviétique dénommée Force 61K semble se diriger vers l'Océan Indien. C'est un événement politique majeur. Notre mission est d'intercepter cette force navale soviétique au large du cap de Bonne Espérance et de la suivre au plus près aussi longtemps qu'elle naviguera dans les eaux internationales. En trois mots : interception, pistage, renseignement et, éventuellement, par notre simple présence, perturbation de l'activité navale soviétique (ex. annulation de certains exercices ou modification de certaines missions).
Incroyable ! Je n'ai jamais vu un secret aussi bien gardé. A voir leurs têtes, les officiers n'étaient manifestement pas au courant. Quand je pense que nous avions été jusqu'à embarquer des manteaux de mer fourrés alors que le pacha - et lui seul - savait pertinemment qu'ils ne serviraient à rien ! Depuis les récents événements d'Iran (le Bourdais, seul bâtiment français présent), la politique du secret était manifestement à la mode.
Deuxième constatation qui s'impose : pour les missions délicates, c'est toujours le Bourdais qui était choisi. Non, je ne suis pas chauvin. C'est un constat, c'est tout.
Petit rappel du contexte historique : nous sommes en pleine guerre froide entre l' URSS et les pays occidentaux. L'Afrique est devenue le champ de bataille privilégié entre les deux camps. Sans parler des Chinois et des Cubains (en Ethiopie, pendant huit jours, tout seul avec une douzaine de jeunes marins du Bourdais dont j'étais responsable, je les ai côtoyés de près en 76. Consigne N° 1 : si, dans un bar, vous voyez des militaires cubains, vous ne rentrez pas !)
Dernière édition par Max Péron le Mar 24 Sep 2019 - 19:16, édité 1 fois