Fumay est une petite ville située à environ une trentaine de kilomètres au nord de Charleville-Mézières, dans une presqu'île formée par un méandre de la Meuse.
Cette ville doit son origine à l'ardoise. Elle a des montagnes d'ardoises sur la tête, des carrières d'ardoise sous les pieds, on y respire un air rempli de poussière d'ardoise. Nous sommes en 1775.
Chacun voulant profiter de la manne, se fait ardoisier. On extrait des carrières (et surtout des mines) plus d'ardoises que l'on peut en débiter. C'est le marasme. La situation des ouvriers devient difficile.
A la même époque, on construit beaucoup à Brest.
- Spoiler:
- L'ardoise est fort demandée. Il existe le long de l'Aulne, dans la région de Chateaulin et Pleyben notamment, de nombreuses carrières. L'ardoise est de bonne qualité mais on ne peut pas dire autant de sa présentation. Les ardoises sont seulement fendues et parfois grossièrement taillées.
Des entrepreneurs décident de faire appel à des spécialistes pour enseigner aux ouvriers bretons l'art de mieux tailler les ardoises. Des escailleurs de Fumay saisissent l'opportunité.
Parmi ces Ardennais venus en Cornouaille enseigner l'art de tailler les ardoises beaucoup vont s'implanter dans la région, y faire souche. Certains vont se mettre à leur compte et, promus à la qualité de marchands d'ardoises, faire fortune.
Des descendants de la famille Bouchy, devenue Bouché en Bretagne, sont implantés à Rostrenen. Ils ont acquis un bon rang dans l'échelle sociale. Les enfants sont élevés dans la foi catholique. Les garçons sont d'abord scolarisés au petit séminaire de Plouguernevel avant de rejoindre le collège de Saint-Brieuc.
Eugène, le futur navigateur, le futur marin de Dieu, est né le 7 septembre 1828.
Il est actuellement en deuxième année à la faculté de médecine de Paris (c'est dire, si en ce début du XIXème siècle la famille a les moyens). Il est âgé de 22 ans.
Avec ses confrères, il suit le professeur chargé du service d'une salle de chirurgie à l'Hôtel-Dieu de Paris.
Le professeur passe assez rapidement devant un patient alité, un Polonais.
Eugène par pitié et aussi curiosité comme il l'avoue, s'arrête, interroge le patient :
Avez-vous bien dormi ?
je suis mal, la fièvre me dévore, je vois la mort qui vient mettre un terme à mes maux. Que la volonté de Dieu soit faite ! Une seule chose me gêne, me fait mal, ce sont ces affreux blasphèmes que quelques malheureux poussent contre le ciel qu'ils accusent de tous leurs maux
Hier, pendant que l'on me pansait, comme je souffrais horriblement, je me mis à presser contre mon cœur une petite croix d'or que ma mère me donna la veille de mon départ. Dieu me donna assez de force pour supporter ce cruel pansement, mais mes voisins riaient cyniquement de ce qu'ils appelaient mon cagotisme (fausse dévotion).
Je vais mourir en terre étrangère, loin de mon fils chéri, loin du tombeau de mes aïeux.
Il s'arrête, oppressé par l'effort, retombe sur son oreiller, le yeux levés vers le ciel. Il semble à Eugène qu'il est en extase. Il murmure les noms de Jésus et de Marie, puis que : votre volonté soit faite.
L'étudiant en médecine en est remué jusqu'au plus profond de lui-même.
Oh, il y a dans cette sublime résignation quelque chose de si beau, de si saint, que je pus tenir, je pleurai ! la vue de ce chrétien sur son lit de mort fut une révélation pour moi. Je compris alors pour la première fois la force invincible du sentiment religieux, de cette force surnaturelle et divine qui fit les martyrs, écrit Eugène à sa famille.
Quelques mois plus tard, il est en vacances à Rostrenen.
A l'issue, il ne fait pas sa rentrée à l'école de médecine mais au grand séminaire de Saint-Brieuc.
Il se destinait à soulager les corps souffrants, il sera le médecin des âmes.
Il est ordonné prêtre le 22 décembre 1855.
Il est nommé vicaire à Ploubazlannec, non loin de Paimpol, face à l'île de Bréhat.
Ploubazlannec est une commune grande pourvoyeuse de marins pour la Grande Pêche. Eugène apprend à connaître les marins, à les aimer mais aussi à aimer la mer. Chaque année il voit les marins partir, confier aux flots leur vie et l'avenir de leurs familles. Combien de ces "Islandais" qui partent ne reviennent jamais. Outre ces pêcheurs, combien de marins, souvent si loin de leur patrie, au moment de leur passage dans l'éternité, n'entendent pas la voix d'un prêtre.
Embarquer, apporter les secours et la consolation de la religion aux marins est la nouvelle mission qu'il se donne.
L'amiral Charner, natif de Saint-Brieuc, va l'aider à concrétiser son souhait.
Le 25 juin 1859, Eugène troque sa soutane contre l'uniforme d'officier de marine ou plus précisément d' aumônier de la Marine.
J'ai coutume dire que la marine ce n'est pas un métier mais une aventure. Celle d'Eugène va être exceptionnelle
Dernière édition par Roger Tanguy le Ven 1 Nov 2019 - 19:10, édité 1 fois