L'arsenal, de Brest ou de Toulon, que de choses et d'histoires à raconter... La plupart de ces histoires ne seront jamais dites...
En revanche, j'ai découvert qu'au début du XXe siècle, les rentrées des classes se faisaient en novembre, et à l'arsenal, en tous cas à Brest, également.
Une nouvelle rentrée à l'Arsenal
Ce 5 novembre 1900, c’est la rentrée des classes ! Aussi surprenant que ça puisse paraître, en novembre à Paris les étudiants en médecine font leur rentrée, comme toutes les grandes écoles de France et de Navarre.
À Brest, ce 5 novembre, on suit également le même rythme, une grande école, bien Brestoise, prépare aussi sa rentrée et attend ses élèves… Plutôt ses apprentis. Cette Grande École, qui mérite bien des majuscules, c’est l’Arsenal !
À l’Arsenal, ce n’est pas comme dans les écoles parisiennes, il ne suffit pas de s’inscrire et de montrer son beau diplôme, à l'Arsenal, on y rentre sans diplôme, en revanche on fait démonstration qu’on a déjà un peu le tour de main. Quant au diplôme, on finit par l’obtenir, à la retraite, c’est la quille.
- Spoiler:
- Brest, rive gauche : la porte Tourville
Collection particulièreEn ce lundi 5 matin, deux camps s’opposent : une file ininterrompue de jeunes, voire très jeunes gens de Brest et des communes environnantes, mais également du Léon, et en face d’eux des chefs d’équipe, des chefs-ouvriers, le pied-à-coulisse dans les mains, un réglet dépassant de la poche pectorale, et surtout l’oeil du connaisseur, ils sont passés par là…
Aujourd’hui sont organisés les essais pour les ouvriers et manœuvres des Arsenaux. Les jeunes hommes ont rendez-vous à 9h précise dans le bas de la Grand’Rue, un appel est réalisé, et lorsque tout le monde est présent, ils franchissent pour la première fois de leur vie la Porte Tourville.
Les jeunes gens candidats aux postes d'ouvriers et manœuvres des arsenaux sont tous présents sans exception. Alignés sur les pavés du bas de la Grand’Rue, à part quelques messes-basses, l’attention et peut-être l'appréhension, font planer un silence quasi-militaire devant la porte Tourville. Il n’y a bien que le tramway passant à proximité, faisant retentir sa sonnette dont les wattmen usent allègrement, qui puisse rompre la torpeur ambiante et dénouer les nœuds aux estomacs des plus jeunes.
Deux groupes sont alors formés et encadrés par les quatre chefs d’équipe, et se mettent en marche vers le quai Tourville. Là, les jeunes prennent toute la mesure de l'activité de l’Arsenal, et découvrent les navires sur lesquels ils travailleront certainement. Si le ballet incessant des chalands chauffeurs et autres barges retient leur attention, le cuirassé Suffren remporte le plus grand succès au concours d’admiration.
Beaucoup sont réellement impressionnés de fouler ce sol qu’ils regardaient, pour certains, depuis très longtemps du Pont National, caressant l’espoir de pouvoir un jour entrer à l’Arsenal. Bientôt, ils se sentiront un cran au-dessus de l’ouvrier de ville qui, lui, n’a pas de plan de carrière, et au bout une retraite incertaine. Mais surtout, l’ouvrier de ville ne peut pas entrer dans l’Arsenal...
Tandis que le groupe des candidats aux postes d’ouvriers prend la direction de Pontaniou via la Majorité Générale, puis le pont Tréhouart pour ensuite grimper la rampe menant à l’ateliers des machines sur le plateau des capucins, les futurs manœuvres empruntent le pont Gueydon. À la sortie, sur ce quai opposé au bassin Tourville, ils seront testés à la manutention de charges. Tour à tour, ils seront évalués aux postes de grutiers et d’élingueurs.Brest, rive droite : les ateliers de l'Artillerie, le plateau des Capucins
Collection particulièreAu plateau des Capucins, tout est prêt pour les épreuves de sélection à l’ajustage. Chaque candidat a devant lui un cube de métal brut en provenance de la fonderie, posé sur un étau et juste à côté, la pièce témoin aux bonne cotes qui leur faut reproduire. Pour cela, leur seule arme est un jeu complet de limes ; des plates, de rondes, des triangulaires, toutes de grain différent. Un réglet et un pied à coulisse leur serviront à s’approcher au mieux des bonnes dimensions.-------------------------------------------------------------------------------------
Les épreuves de sélection dureront toute la journée, puis les jeunes retourneront chez leurs parents, avec l’impatience de savoir s’ils sont pris ou non à l’Arsenal. Les parents seront tout autant impatient de savoir si le fiston est « casé » ou non…
Source: La Dépêche de Brest, 6 novembre 1900
Dernière édition par Gillou29S le Jeu 14 Jan - 11:49, édité 1 fois