Cette histoire de sentinelle tueuse est une légende conjuguée à toutes les formes. Je l’ai entendue à Hourtin, je l’ai entendue ailleurs. Pour être complète, il faut rajouter que cette sentinelle a été félicitée pour avoir fait son travail mais a été affublée d’une fourragère noire pour signaler que cet homme est dangereux.
La faction la plus crainte est effectivement le dépôt de carburant, isolé, loin des casernements, par mesure de sécurité, situé dans le marais au milieu des roseaux. Seul un chemin de sable en permet l’accès. Des histoires les plus diverses circulent sur ce dépôt : des membres de l’OAS auraient tenté de le faire sauter à plusieurs reprises, des voleurs essaieraient régulièrement de s’y approvisionner.
Or cette nuit je dois assurer cette redoutable faction. A l’approche de minuit un camarade me secoue "allez, debout, c’est l’heure". Je saute à bas du lit, enfile mes vêtements. Dehors le froid de la nuit me pique le visage. Je presse le pas en direction du bureau du service intérieur où sont réunies les équipes de relève. Sous la direction d’un second maître nous nous rangeons en file indienne pour visiter tous les postes de garde. La silhouette de la première sentinelle se détache bientôt près d’un lampadaire. Halte, qui va là ? Le chef se présente et donne le mot de passe. Le premier de la colonne se détache des rangs, prend la place du quittant qui lui-même gagne la queue de la file. En avant, marche ! Le cérémonial se répète tout au long des étapes. Chemin faisant, je me retrouve ainsi premier de colonne. Le prochain arrêt sera, pour moi, le bon. Nous laissons l’infirmerie sur la droite et nous nous engageons dans le sentier sablonneux menant au dépôt de carburant. Après les sommations d’usage je me retrouve face au camarade tout heureux d’avoir fini. Il se débarrasse de sa lourde capote de couleur kaki, me confie le fusil, les cartouches et un sifflet. La passation de pouvoirs accomplie, il regagne le rang. La troupe s’éloigne dans la nuit. Je suis seul. Le vent souffle dans les roseaux. Le gros manteau pèse lourd sur mes jeunes épaules. Il conserve encore la chaleur de son précédent occupant. Je perçois des bruits dans les longues tiges qui se balancent devant moi. Je scrute l’obscurité. Je ne vois rien. D’ailleurs que pourrai-je voir puisqu’il fait nuit noire. La lune est cachée par les nuages. En cas d’intempéries je dispose d’une guérite de bois. Ses parois sont illustrées de graffitis. Ce genre d’expression "artistique" est bien sûr prohibé par le commandement. Voyons ce que ces braves qui n’ont pas craint d’enfreindre les règlements avaient de si important à dire. 20 au jus, banal ; dessins de femmes nues, classique ; vive la Normandie, la Bretagne, le Nord…; une maxime "l’éloignement est à l’amour ce que le vent est aux incendies, il étouffe les petits et attise les grands". Ouais. Je consulte ma montre. Un quart d’heure que je suis là, seulement. Ce n’est pas possible, le temps ne passe pas. Je fais quelques pas dans l’allée. Le sable crisse sous mes souliers. Il me semble que l’on m’entend marcher à cent lieues d’ici. Je reviens sur mes pas. Immobile dans la guérite, je regarde la végétation du marais qui ondule sous la brise. Une odeur lourde, d’eau stagnante, de pourriture, plane dans l’air. Soudain j’entends comme le bruit d’un pas étouffé. D’où cela provient-il ? Mes doigts plongent dans ma poche à la recherche de la cartouche à blanc à utiliser pour donner l’alerte ou pour un tir de semonce. Je la tripote nerveusement. Je sens contre ma main l’étui contenant les cartouches à balles réelles. Que l'on nous ait confié des munitions de guerre laisse à penser que nous pouvons être confrontés à une situation sérieuse. Ce n’est pas rassurant. Bon, le bruit a cessé. Il se dit aussi que les gars du CPER prennent plaisir à venir effaroucher les "bleus". Ah, vivement que je termine cette garde. Ma montre doit tourner au ralenti. Je la consulte sans arrêt. Les aiguilles semblent engluées. Cela fait une éternité que je suis là. Je pense aux cours de la journée passée. Un médecin à quatre galons, quelle est son appellation déjà ? et celle d’un commissaire à cinq panachés ? Qu’elle est la couleur des parements des épaulettes d’un pharmacien chimiste ? Je ne sais plus. Et la relève qui n’arrive pas. Là, c’est sûr, j’ai encore entendu des pas. Qu’est-ce que c’est ? J’introduis la cartouche dans le fusil. Ça recommence. Les roseaux oscillent comme si quelqu’un se faufilait entre les tiges. Là, ce sont les plantes du bord de l’allée qui s’écartent. Quelque chose bouge, sort des roseaux. Dans la nuit, je ne distingue pas ce que c’est. La lune se dévoile, la forme se précise. C’est un animal. Un gros chat ? Non, plutôt un rat. Oui, mais énorme, je n’en ai jamais vu de si gros. Cela doit être un rat musqué, me dis-je, mais ici ils sont de taille XXL ! Ouf, si ce n’est qu’un rat, si gros soit-il, il n’y a pas lieu de s’alarmer. J’en vois plusieurs autres pendant ce quart. En fait, je viens de faire connaissance avec les ragondins. Enfin, à l’entrée du chemin la lueur d’une lampe torche troue la nuit. Il est quatre heures du matin. Enfin, la relève. Halte, qui va là ? Le second maître donne le mot de passe. C’est bon. Je vais pouvoir retourner me coucher. J’ai appris ce que veut dire l’expression long comme un quart de 0 à 4.

5 années plus tard, rien avait changé, sauf en févier70 ( il gelait ferme!!) à l'aubette on nous a donné cette fameuse capote kaki avec le fusil sans cartouche et un sifflet & avant de partir un thé au tafia !! et c’était parti pour le tour du camp j'ai eu droit au dépot de carburant de nuit je ne sais plus si c'était a partir de 2h00 du matin ou un peu avant. mais j'ai trouvé le temps long & ça caillait !!

Perso, tout ceci n'est que péripéties!! Hourtin, reste comme la suite @ bord, que de bons souvenirs!!

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Même ça nous fais sourire maintenant!!

Jean-Laurent, c'est bien dommage que tu n'es pas pratiqué la godille et l'aviron car c'était plutôt bien. Lorsque nous embarquions sur notre "navire", nous devions saluer vers l'arrière.

Passage au CFM Hourtin du 21 avril au 15 mai 1967, BE équipage sortant des Mousses
et inapte physique chez les Fuscos en attente du BE Fourrier à Rochefort
Avec les permanents, cool après 1 an chez les Mousses

Ce qui est bien dommage André. Peut-être que par le forum, tu pourrais les retrouver.
Deux autres adhérents d'ACB sont des "continges" à moi; justement de mon époque d'Hourtin.