Quistinic, qui ouvre le sujet, termine par une phrase: "Je ne suis pas sur d'avoir raison mais j'aimerais avoir vôtre avis."
Je trouve une grande valeur à cette phrase.
De "mes" saccos ou bidels, je garde le souvenir de 3 (4 en fait).
Début des 60, les SM1 Omphalius et Fritz étaient formateurs à l'EAMF. Décorés, forts, heureux, fiers, dans le bon sens du terme, ils étaient impitoyables, pour les gains que nous étions.
Omphalius était notre bête noire. Leurs affectations, suite aux "séjours" en Indochine et Algérie, étaient arpettes et mousses.
On tremblait devant eux, je tremblais davantage.
Sur le BB, nous avions un bidel de 23 ans d'ancienneté, qui venait juste de passer maitre et presque aussi large que haut, une teigne, bête et pas discipliné, si ce n'est son propre code.
Tout le monde s'en souvient, sans grande estime. Il fut remplacé par la maître Riton ou Henri, je ne sais plus, mais cet homme étant connu, on me le précisera.
J'ai commis le crime de lèse-bidel de faire du bruit pendant l'heure sacro-sainte de la sieste. Il est sorti de sa cabine, ancienne cabine de veille du commandant, près de la passerelle et m'a foutu une tête au carré, sans que j'ai eu le temps de comprendre ce qui se passait.
Ancien instructeur à l'école des commandos, il savait où frapper. Je n'avais aucune marque mais éprouvais des difficultés à respirer pendant plusieurs jours. Ensuite, il a repris sa sieste. Je n'ai jamais compris ce débordement, même si je lui avais cassé les pieds.[page]
Il y a trois ans, Nozières a retrouvé Omphalius à Lorient, ce dernier ayant largement dépassé ses 80 ans. Il m'a donné ses coordonnées et l'ai appelé.
Me présentant et disant que, parmi les milliers de gars qui lui sont "passés par les mains", il ne pouvait se souvenir de beaucoup, sauf les durs à cuire, il a confirmé que j'étais un illustre inconnu pour lui.
Je l'ai remercié et félicité pour ce qu'il a été et pour avoir tenté, sans réussir, sur le moment, à inculquer à une bande d'ignares, des vertus simples comme Honneur, Patrie, Valeur et Discipline, que je n'ai comprises que plusieurs années plus tard.
Voici deux exemples extrêmes de ce que je ressens pour un corps reconnu comme l'un des meilleurs du monde et où émergent, parfois, des erreurs. Mais je pense que, pour les saccos, comme pour toute autre spé, cela évolue avec la situation mondiale l'âge du capitaine, si je puis dire et la vision que l'on s'en fait.
Je pourrais ajouter un autre cas, atypique et triste.
Au cours de BE Det, nous avions un maître det tout rabougri, maître chargé des crayons.
La responsabilité! Il ne parlait pas, ne souriait jamais, n'était jamais dispo.
Je le retrouve 4 ans plus tard, maître det, mon chef, sur l'Etourdi. Impossible de lui demander quoique ce sot après dix heures du matin. Torché à fond.
En 1994, 50 ans après D Day, je tombe (?) sur un petit écossais rabougri à Portsmouth (GB). Il me dit avoir été sur le HMS Kelly, avec Mountbatten. Cela me remémore des savoirs enfouis au fond de la nébuleuse mémorielle: Little Peter? Oh yeah, I remember of him.
Il se souvenait de Petit Pierre, le surnom de ce maître det.
Et il ajoute un geste universel: torsion de poignet devant le nez. Il se soulait donc déjà à 18 ans.
Ce que j'ignorais est que ce Pierre, de Crozon, était commando, formé par les british et qu'il a fait des coups, puis a sévi en Indochine et un peu en Algérie. Ce qui expliquait la nuée de décorations; dont des étrangères.
Est arrivé un moment où la hiérarchie a compris qu'il fallait le mettre sur une voie de garage.
Bof, det, cela ira. Il était comme moi, détecteur, sans savoir ce qu'un radar était, la seule différence étant que je ne bois pas, pas plus hier qu'aujourd'hui, quoique aujourd'hui, un peu plus.
Je n'ai appris de son passé que longtemps après sa mort et regrette de ne pas avoir manifesté à cet ancien le respect que je lui devais, pour qui il était, réellement.