J'ai vécu plusieurs mois chez une famille paumotus tout au fond d'un vallon côté montagne à Faaa. Un côté du vallon était habité par des paumotus, et l'autre par des marquisiens, il y avait parfois des frictions et des insultes. Les farés étaient misérables. Mais pour moi c'était essentiel de connaitre la vie authentique d'une famille polynésienne, et partout où je suis passé, j'ai vécu cette immersion dans la population modeste souvent pauvre mais avec le cœur sur la main. A Faaa, il n'y avait que la fille avec qui je sortais qui parlait français, le grand père m'apprenait le paumotu. J'ai été bien accueilli, et pourtant la famille était très pauvre, une case en bois et en tôle, à moitié sur pilotis, à mi hauteur du flan du vallon, pas d'électricité, une citerne d'eau.
Il y avait une pièce commune ouverte sur le vallon à tout vent, qui servait à la cuisine et de salle à manger, et sinon juste une cloison en contreplaqué qui nous faisait un semblant de chambre, alors l'intimité, n'en parlons pas ...Tout le reste de la famille, le grand père, les parents et les plus petits, dormaient ensemble. Le père était un peu handicapé par la filiarose, comme on en voyait beaucoup à Papeete avec des jambes énormes. J'étais un peu gêné mais c'était comme ça. Alors, je laissais parfois un billet à la vahiné, pour que sa famille puisse faire quelques courses, malgré leur pauvreté, ils avaient leur dignité, ils n'auraient pas accepté que je leur donne de l'argent directement.
L'alimentation, le "kaïkaï" était tout ce qu'il y a de plus rudimentaire et peu varié, à savoir que le poisson cru venait d'être pêché et qu'on le mangeait tel que, entier, juste tailladé et arrosé de citron, accompagné du maioré, fruit de l'arbre à pain au four et de poé. Parfois quand j'arrivais le dimanche matin, il y avait un tonneau d'eau bouillante qui fumait et un chien manquait ... c'était repas amélioré. Je me suis toujours plié aux coutumes. Le soir on s'éclairait au morigaz, il n'y avait aucun éclairage dans le vallon, il ne fallait pas sortir à la nuit tombée, c'était l"heure des tupapau ...
Un soir ma vahiné n'est pas rentrée, peut-être qu'elle était fiu, j'étais triste, mais pour la famille "é méa hamma" ça fait honte, le lendemain quand elle est rentrée, le père m'a demandé de la corriger, ce que je ne pouvais faire, alors il l'a attrapée par les cheveux et lui a flanqué une bonne rouste, c'était comme ça, et mon histoire s'est arrêtée là.
Aujourd'hui je pense que je ne reconnaitrais plus les lieux, PK 5.5, une route a été construite sur le vallon et il doit y avoir des lotissements à la place.