Pour les premiers :
Trop nombreux pour en extraire un, malgré la consigne à bord des mois durant, les gardes de nuit, 4 heures de rang, mon pote, à se les geler entre un dépôt d'essence, un mirador ou le mur d'enceinte avec "miss Lebel" pour seule compagnie…
Et des plus que tristes :
Qui se souvient du maître LEGOUY, pilote-leader sur Aquilon de la 11F qui s'est désintégré dans l'eau au catapultage sur l' "Ark-Royal", P.A. anglais lors de manœuvres combinées en Méditerranée ?
Au lieu de tirer sur le manche dès que les «G » le permettent, il poussait un peu pour raser l'eau et faire sa super résurgence ; ce jour là, il aura trop poussé…
Volontaire pour la garde d'honneur près du catafalque car nous étions, malgré la différence de grade, deux acharnés à l'entraînement de volley-ball, dans le hangar de sa flottille (je créchais à l'atelier radar, juste derrière).
J'ai encore en mémoire le grondement de stupeur qui a envahi le hangar quand sa veuve est entrée, au bras du frère de notre copain défunt, son jumeau a t-on dit.
Nos cols blancs, un peu graissés à droite par le MAS 36 au "présentez-armes" pendant toute la cérémonie, étaient, des deux côtés, trempés de larmes.
Ce souvenir, presque 60 ans après, me donne encore la chair de poule.
Qui se souvient du L.V. Campredon -12 ou 17F qui, si ma mémoire est bonne, fut le premier pilote de Corsair, a t-on dit, à s'extraire et sauter sans se faire bousiller par cette p… de dérive, haute et tranchante ; j'étais à l'atelier radio en train de faire des essais V.H.F avec la tour quand j'ai entendu un pilote, donnant son indicatif, suivi de son nom, indiquant avoir perdu son hélice ; tout de suite informé tous les copains des deux ateliers radio et radar ; nous sommes sortis mais n'avons rien pu voir ; il aurait fallu monter sur les hangars.
Par la suite il a fait un débriefing pour expliquer son "modus operandi", ayant refusé de se poser en vol plané avec un fer à repasser...
Hasard ?
J'ai eu comme voisin, près de la B.A 114 (Aix-Les Milles- dissoute en 2003 et devenue l'École Nationale Supérieure des Officiers de Sapeurs Pompiers), un homme à peu près de mon âge, habitant une imposante propriété limitrophe de la-dite base, restée cependant Aérodrome-Aix-Marseille, propriété fléchée "Camp-Redon".
Je n'ai jamais osé lui demander s'il avait quelque chose de commun avec notre pilote, auteur de cet exploit.
J'ai connu la "guerre" de 61, affecté comme radio à une Section de Défense de la base et assisté au "Pan ! Dans l'mille" sur la gare de Sidi Ahmed alors que se posaient les Nord et après que la mitrailleuse qui avait allumé les premiers sticks de paras se soit tue…
À l'un des nôtres qui dans la fumée et la poussière levée par l'explosion voyait des formes noires en l'air et disait : "Ça a touché la voie, y a des traverses qui volent", le C.S. qui nous encadrait a répondu : "Non, ça, c'est des mecs...".
Ça fait tout drôle, même quand on a connu, gamin, les horreurs du débarquement en Normandie, à 10 km de Utah-Beach et la quantité de macchabées que j'ai pu voir alors...
Le soir, sur Radio-Tunis, le président tunisien, lui-même, parlait d' « ...une centaine de nos valeureux guerriers lâchement assassinés par un bombardement massif sur la gare... etc…".
Pas bien beau la guerre mais on pense que les deux camps avaient intérêt à minimiser les pertes, surtout côté tunisien ; je me souviens des bilans partiels communiqués, tant par l'ennemi que notre propre État Major, et les totaux auxquels nous étions parvenus dans ce décompte macabre ; ça n'a rien à voir avec les chiffres officiels…
Mais tout le monde peut se tromper.
Partagé entre les entraînements de volley avec la sélection marine en Tunisie à la Pêcherie et ma permanence à l'atelier radio/radar, j'étais, le plus souvent en survête, monté sur ma Royal Enfield, 700 cc "Météor" et j'ai retrouvé, dans la famille de mon épouse, deux cousins par alliance qui, natifs de Sfax, faisaient à cette époque leur service militaire au Nador et qui, ramenés sur la base avant même les événements, se souviennent fort bien de ce mataf sur sa grosse bécane qui passait par la cour d'honneur, grand rouquin, sans casque, évidemment ; fort heureusement copain avec les CS du Service Sport, on ne m'a jamais arrêté...
J'ai quelque part, le texte très mal dactylographié du discours de "Pompon", venu calmer les esprits en 68 à bord de l'appareil de liaison, je pensais au MS760 "Paris" et non un TBM comme j'ai lu quelque part et me souviens de son geste avant de prendre la parole, arrachant le fil du micro qu'on avait installé sur une tribune improvisée.
Sa voix portait suffisamment pour se passer de micro mais surtout un enregistrement ne l'intéressait certainement pas.
Souvenir, encore de cette modif' faite par le QM2 Mérian et moi-même sur Corsair pour y adapter les SCR300, ces émetteurs/récepteurs V.H.F. qui permettaient de communiquer avec les biffins, lors des appuis-feu sur l'Algérie et le sauna dans la queue des taxis pour la mise en place et les réglages, voire les brûlures au contact de la tôle des taxis stationnés entre les hangars triples, en plein cagnard.
Et ces réveils de nuit pour régler les nouvelles fréquences des taxis décollant pour opération après échange des quartz tenus en sécurité dans le coffre-fort de notre chef de service, le L.V.1 SOTY.
Ce même L.V. , bien utile, lorsqu'après avoir durant des mois remonté la fameuse moto, nous étions bien embarrassés de découvrir, en relevant le diagramme de distribution que nous avions presque toujours des soupapes ouvertes et ravis qu'un ingénieur nous rassure ; c'était normal, compte tenu des vitesses de rotation que ce moulin pouvait atteindre, pour l'époque.
J'ai laissé cette Météor au matelot « ratech » Marcel BLANC, dit « White » (comme c'est original…), sans lequel je n'aurais jamais pu, seul, la remonter et que j'avais récupérée d'un maître FAVALE, dit « Gaston », spécialiste des APQ65, radars montés sur certains Aquilon et qui partait pour une autre base (Eh ! en ces temps héroïques, à part l'Arromanches et le La Fayette ne faisant plus que transport d'avions, on manquait de P.A. ; le Clem est arrivé plus tard).
Voilà un petit résumé de mes trois ans et demi passés à Karouba que j'ai quittée en septembre 61 par le "Président de Cazalet", en même temps que la super brune qui promenait sa plastique de bombe dans les rues de Bizerte, en tailleur moulant rose et qu'on appelait Dalida ; hélas, accompagnée de sa vieille mère et de sa sœur cadette, pas aussi canon la frangine, d'ailleurs ; toutes les trois malades pendant toute la traversée, on n'a pu que rêver et leur servir de nounous car elles étaient parties avec la seule "valise en carton" et les dix dinars par tête de pipe prévus par les douanes tunisiennes. (GRRR !!!)
Suite, peut-être un jour, si ce mot éveille des souvenirs chez d'autres.
Cordialement à tous.
QM1 Daraé – 5840T56 - (promu SM2 puis SM1 en réserve)
R.LE MARTELOT