Pendant mon affectation à la 56S, j'ai fait partie d'un détachement à l'entrepôt de l'armée de l'air n°601, à
Châteaudun, du 6 au 30 janvier 1970.
Le but de cette mission était de remettre en état des C47 que la Marine avait acheté à l'AA,afin qu'ils puisent être convoyés pour être transformés de "version para" en
"version école".
Le récit de cette mission mérite que j'y consacre ce petit récit.
Le 5 janvier 1970, il fait un froid de canard à Nîmes,
surtout à cause d'un mistral épouvantable. Notre chef de détachement, le SM Bourgarel, nous annonce la couleur: départ par le train, Nîmes Bordeaux, changement, Bordeaux
Tours, arrivée dans la nuit, hôtel si on trouve, Tours
Châteaudun le lendemain matin. Tout ça bien sûr avec bagages et caisses à clous... On avait bonne mine sur les quais à Bordeaux avec tout cet attirail...
Tours, hôtel face à la gare, courte nuit.Arrivée à Châteaudun.Notre chef téléphone pour qu'on nous envoie un véhicule vu notre chargement, en plus on ne connaît pas du tout le coin. Il est un peu perplexe, on lui a pratiquement "ri au nez" devant sa demande, enfin l'armée de l'air, ça a l'air relax...
1/2 heure passe, personne...Ca doit être loin...
Il "retéléphone",et là on lui répond:"c'était sérieux ?"On arrive... Moins d'une minute après, le véhicule est là. On charge, on s'installe, on tourne à gauche en sortant de la gare, on passe sur les voies, 20 mètres
on tourne à gauche, entrée de la "base vie"... qui est juste derrière la gare.Ca commence bien...
On nous emmène dans un bâtiment, là notre SM est conduit dans un bureau, il ressort 2mn plus tard avec une personne qui se dirige vers nous, tout sourire, bonjour les marins, j'espère que vous allez vous plaire ici, poignée de main... En regardant de plus près, on compte 5 galons... Ce n'est "que" le Colonel Costa,directeur de l'entrepôt.."Si vous avez des problèmes, vous me demandez". Plutôt sympa comme accueil,on essayait d'imaginer le Commandant de notre BAN recevant 1 sous off et 4 caporaux ...
De là,hébergement: le sergent , très autoritaire, s'adressant à notre SM: "vous, le sergent, et le caporal chef, au bâtiment sous off, les 3 autres à la troupe"...
Réaction immédiate de notre "sergent à nous": "appelez-moi un responsable, on est une équipe de 5, on reste ensemble pour le travail mais aussi la piaule et les repas, sinon on s'en va".Arrive un autre personnage, à priori adjudant, notre chef lui demande de contacter le Colonel pour lui expliquer le cas, 5 mn après notre premier interlocuteur revient et nous dit
" bon j'ai pu m'arranger, etc...etc..."
Première victoire.
L'après-midi, transit vers la base "travail", qui elle est à l'extérieur, quelques km.
On prend conscience du boulot qui nous attend: il y a des dizaines de C47, garés en quinconce, dehors bien sûr, stockés longue durée à la paraffine, ils sont là depuis 5 ans pour les plus vieux... Initialement on devait en destocker plusieurs (6 ou 8 je ne me rappelle plus ) mais vu l'état , c'est compromis... Sur cet avion, les gouvernes sont toilées, là la toile est tellement distendue qu'au plus épais de la gouverne, la partie supérieure rejoint l'inférieure...
Donc à l'attaque. Il fait -17° dehors mais on a moins froid qu'à Nîmes...Enfin on travaille dans un hangar quand même.Gros boulot mais aussi grosses rigolades,
les gens de l'AA qui travaillent à côté de nous sur un Nord Atlas sont relax, cigarette au bec en train de bricoler le moteur... on est surpris un peu quand même...Pour notre chantier on va de surprise en surprise, les moteurs eux aussi sont stockés à la paraffine, à tel point qu'on ne voit même plus les ailettes de refroidissement des cylindres... Les jours passent, et au bout de 2 semaines on peut mettre l'avion dehors pour destocker la cellule... 3 jours à 5 personnes pour venir à bout de cette couche de paraffine...Puis paré à lancer les moteurs, et là surprise: des horloges... C'est signe que l'AA avait
bien fait son boulot de stockage, mais aussi que ces moteurs sont bel et bien des bijoux...
Bilan: 3 semaines, 1 avion... Retour Nîmes, on s'attend à des retombées pas très sympa...
Quelques jours passent, convoqués tous les 5 chez le Pacha de l'escadrille, l'heure est arrivée...
et voilà le résultat :
Conclusion: félicitations du jury... Nous sommes ressortis soulagés évidemment; et au grand dam de ceux qui nous voyaient déjà en disgrâce, nous avons repris notre boulot la fleur aux dents, et en pensant que finalement, dans l'AA, ils sont vraiment très diplomates...
Merci en tout cas au Colonel Costa, je pense qu'outre le fait qu'on n'ait pas rempli la mission totalement, loin s'en faut, il a probablement apprécié notre intégration sans vagues dans son groupe de travail.
Je suis ensuite parti au cours de QM en mai la même année, et je ne crois pas que d'autres détachements aient achevé le travail. En fait, après réflexion, je me demande si on ne nous avait pas
un peu exagéré le nombre d'avions à reconditionner, pour nous faire travailler plus vite...
Le doute subsiste, mais ça ne m'empêchera pas se dormir...