En utilisant, une fois de plus, des textes extraits de l'ouvrage "COMMANDOS-MARINE AU COMBAT" de mon ami René BAIL, je vais vous raconter ce qui a conduit Philippe KIEFFER, s'inspirant de ce qu'avaient mis sur pied les Britanniques, à faire le forcing pour créer des unités commandos au sein des FNFL :
Origine des Commandos
• Dunkerque : 4 juin 1940…03h40……
- Midship, ordonna le commandant, two boards ahead full speed ! (1)
- Midship, annonça l'homme de barre puis, après deux bruits de sonnerie, il répéta Two boards ahead full speed !
Le vieux destroyer britannique Shikari s'éloignait “machines sur le pont” (2) dans cette nuit d'enfer déchirée par les explosions. Submergé de troupes qu'il avait embarquées à la hâte, il fonçait vers l'Angleterre tandis que derrière lui le port et l'agglomération dunkerquoise étaient dévorés par les flammes.
Les manœuvres d'appareillage étaient faites à la lueur des incendies, particulièrement ceux des raffineries de Petite-Synthe que l'on apercevait à plusieurs dizaines de kilomètres. Malgré de multiples difficultés, le bâtiment réussissait à gagner les passes. Il était temps, les Allemands venaient d'enfoncer le périmètre défensif du côté des plages et ne se trouvaient plus qu'à 4 kilomètres du môle est.
Avec le Shikari, dernier navire à quitter Dunkerque, s'achevait “Dynamo”, opération dont le thème avait été l'évacuation maximum d'hommes dans le minimum de temps. Elle avait démarré le 24 mai à l'aide d'environ un millier de bateaux de catégories diverses. Bâtiments de guerre d'abord, mais aussi des ferry-boats, des péniches automotrices, des caboteurs, des chalutiers armés, des yachts et combien d'autres encore, venus là pour participer. Si 243 d'entre eux furent coulés, l'opération “Dynamo” permit néanmoins de rapatrier 215.585 Britanniques et 123.097 Français.
Ainsi grâce au sacrifice du groupe d'armées françaises du nord et à la témérité des courageux équipages de cette flotte extraordinaire, l'Angleterre avait réussi à évacuer la plus grosse partie de son corps expéditionnaire. Malgré les pertes considérables de matériel, “Dynamo” pouvait être considérée comme un “Miracle de la délivrance”, selon l'expression de Winston Churchill qui déclarait le jour même de la fin de l'opération dans un discours fracassant à la Chambre des Communes, que l'Angleterre tout en étant consciente de la faiblesse de ses moyens, était décidée à se battre farouchement partout où il le faudrait et Churchill songeait particulièrement à l'invasion allemande qui se préparait.
Dès le 18 juin, Churchill réunit ses conseillers pour une séance extraordinaire. Décision est prise de passer à une stratégie offensive en constituant une force d'assaut d'au moins 20.000 hommes.
Ceux-ci, recrutés dans des unités existantes, devaient être prêts “à sauter à la gorge de petits contingents d'invasion ennemis…”
Toutefois, l'idée originale revenait au lieutenant-colonel Dudley Clarke, assistant du Chef d'Etat-Major Impérial, qui s'était plongé dans divers ouvrages d'histoire et de stratégie. En outre, grâce aux connaissances particulières retirées d'une affectation en Palestine en 1936, Clarke était à même d'établir une synthèse qui devait se révéler efficace dans les circonstances présentes.
La conclusion démontrait, en bref, que des unités légères, très mobiles et dotées d'une grande puissance de destruction, pouvaient se livrer à des opérations éclair contre l'ennemi, même derrière ses lignes, obtenant des résultats sans commune mesure avec les faibles effectifs engagés.
Sûr de son fait, Clarke se rend auprès du général Sir John Dill qui, à la faveur des explications, adopte l'idée et en fait immédiatement part au Premier Ministre.
Ce dernier, tout en étant favorable au projet, puisqu'il ordonnera quelques jours plus tard la formation de ces unités, tint toutefois à préciser qu'elles ne pourraient pas recevoir tout l'armement désiré. Celui-ci étant indispensable aux troupes désignées pour la défense du territoire. Cette carence devrait être atténuée par la qualité de ces nouveaux soldats qui, tout en étant volontaires, seront de plus triés sur le volet.
A partir de ce moment là, toutes les méthodes d'instruction, qui dataient de la première guerre mondiale, furent balayées. Tout, ou presque, était à réinventer.
Les nouvelles unités reçurent, sur l'insistance particulière de Dudley Clarke, le nom de “Commandos”. Ce mot, généralement inconnu dans l'armée britannique, ne l'était pas de ceux qui avaient combattu au Transvaal (1899-1902) où des unités de type Boers, d'origine néerlandaise, s'appelaient ainsi. Après la chute de Prétoria, les actions de ces commandos allaient sensiblement augmenter et compliquer la tâche des Britanniques. C'est d'ailleurs au cours de l'une d'elles que Churchill sera fait prisonnier.
Les nouvelles unités furent constituées de façon peu commune, si l'on envisage les principes très stricts en vigueur à l'époque dans l'armée anglaise. Les officiers furent désignés parmi les plus jeunes et ceux-ci purent, à leur tour, choisir les hommes qui leur convenaient.
La base de sélection exigeait qu'ils soient volontaires pour des missions spéciales, d'une nature indéfinie mais de toutes manières périlleuses. Bien entraînés, ils devaient être évidemment aptes physiquement, savoir nager et ne pas être sujets au mal de mer. Sans énumérer le large éventail des conditions exigées, les volontaires devaient, en outre, s'habituer aux longues veilles, apprendre à utiliser le terrain de jour comme de nuit et savoir subvenir à leurs propres besoins pendant de longues périodes.
Les premiers Commanding officers désignés seront les lieutenants-colonels Bob Laycock, du Royal Horse Guards, John Durnford-Slater, du Royal Artillery et Ronnie Tod, des Argyll and Sutherland Highlanders. Ils passeront aussitôt dans les unités pour choisir leurs officiers qui eux, à leur tour, devront sélectionner leurs hommes en quatre jours…
Les camps de regroupement virent arriver des Territoriaux, des gens de la Brigade des Gardes, des anciens de Dunkerque, des Indes ou de la Palestine. Quelquefois le choix se portera sur des champions de boxe ou des sportifs d'autres disciplines.
Les origines diverses de corps d'armées, de régions et tout ce qui pouvait créer des rivalités au sein des unités classiques devaient s'effacer dès l'admission au commando.
L'instruction se fit d'abord à Plymouth et, avec des hommes qui comptaient, pour la plupart, plusieurs années de service, cette nouvelle discipline ne sembla guère poser de problèmes. Pour les officier, malgré une certaine réticence des officiers de carrière à se porter volontaires, le 3-Commando de Durnford-Slater ne compta pas moins de 10 officiers d'active.
Les soldats des commandos bénéficiaient de certains avantages, comme le “Billet”, c'est-à-dire le logement chez l'habitant. Ce privilège était automatiquement supprimé lorsque le commando était RTU (Return to Unit : renvoyé à son unité d'origine). Ceci arrivait en général, à la suite d'inaptitude ou par mesure disciplinaire et représentait la pire des craintes pour un commando.
Quinze jours après la constitution des premières unités, le Premier Ministre exige que Dudley Clarke organise immédiatement un raid de l'autre côté de la Manche. Cela semblait pourtant prématuré sur le plan de l'entraînement et de l'équipement en matériel. Les qualificatifs manquent pour décrire la véritable situation. Pour le transport par mer, l'Etat-major arrêta son choix sur des vedettes “Air Rescue” de la Royal Air Force (RAF). Ces petites unités n'étaient pas blindées, hautes sur l'eau mais rapides et “étalaient” bien à la mer.
Churchill voulait absolument démontrer qu'il existait toujours une armée britannique avec laquelle il allait falloir compter. De ce raid on parla peu. Il fut lancé dans la nuit du 23 au 24 juin 1940, au moyen de quatre vedettes transportant 120 hommes de la 11ème Cie indépendante, commandée par le major Ronnie Tod. Les bâtiments partis de Douvres, Folkestone et Newhaven prirent la direction de Boulogne et Merlimont. Un incident, qui prouve que le secret était bien gardé, se produisit au milieu du Channel, lorsqu'une patrouille de Spitfire apercevant ces vedettes et les prenant pour des unités de la marine allemandes, faillit les mitrailler. Le raid ne fut en fait qu'une simple escarmouche dans les dunes. Toutefois, Clarke, qui avait accompagné le détachement comme observateur, eut un morceau d'oreille arraché par une balle.
Un second raid eut lieu les 14 et 15 juillet contre la garnison allemande de Guernesey. Y participèrent la troop “H” du 3-Commando et la 11ème Cie indépendante qui furent transportées par les deux vieux destroyers Saladin et Scimitar, plus sept vedettes. Ce fut un échec. La troop “H” débarqua bien au point prévu mais n'eut aucun contact. Elle laissa quatre hommes sur le terrain, qui n'avaient pas réussi à rallier les embarcations. Les Allemands les feront prisonniers quelques jours plus tard. Quant à la 11ème Cie indépendante, deux vedettes restèrent en panne en pleine mer, une troisième en approche, heurta des récifs et la quatrième, suite à une erreur de navigation, se retrouva tout simplement… sur l'île de Sark.
Le mois de juillet vit l'Amiral de la Flotte, Sir Roger Keyes prendre la direction de l'Etat-Major des Opérations Combinées. Déterminé, il voulait engager tout de suite les 4.000 volontaires déjà sous ses ordres dans des raids plus efficaces et de plus grande envergure que les précédents.
Mais il fallait encore compter avec la logistique ; tous ces services rayonnant d'importance au ministère de la Guerre se sentaient frustrés de ne pas bénéficier des mêmes avantages accordés aux “nouveaux”. Cela se traduisait par une certaine réticence à honorer les desiderata de l'amiral. Heureusement, la Royal Navy faisait son possible avec des moyens limités en fournissant des instructeurs de manœuvre et de navigation et en embarquant des commandos pour les amariner.
L'amiral, déçu de l'attitude de certains responsables, décida de mettre ses hommes en stand by un certain temps, pensant que l'idée de cette réserve appréciable de troupes laissée à l'écart finirait par agacer les autorités compétentes, qui accepteraient finalement de les envoyer en opération ou de lancer des raids. Personne ne broncha et l'amiral, dans l'attente de jours meilleurs, se pencha sur des projets de raids. D'abord sur les Açores vite abandonnés en faveur d'une autre, l'île italienne de Pantelleria proche de Malte.
Le répit permit aux commandos de rallier la base des Opérations Combinées à Inverary (Ecosse occidentale) pour suivre l'entraînement sur les premières chaloupes de débarquement récemment livrées. L'entraînement se mua vite en compétition. Les troops rivalisaient au timing pour vider rapidement l'engin et prendre position à une vingtaine de mètres. Le tir, les marches rapides (quick march) avec sac et armement, chronométrées, la lutte, l'entraînement sans relâche, se succédaient depuis le petit jour jusqu'au crépuscule, ce qui n'excluait nullement une sortie de nuit. Un tel rythme dans les exercices eut pour effet un certain nombre de RTU. Les partants étaient immédiatement remplacés par d'autres volontaires. Avec l'expérience acquise par certains des nouveaux arrivants, d'autres disciplines d'entraînement débutaient ; tels ces alpinistes qui devinrent moniteurs d'escalade. Les nouvelles spécialités devaient se révéler très utiles lors de raids ultérieurs.
Pendant ce temps, l'amiral vit son raid sur Pantelleria remis, puis supprimé. Les gens des ministères avaient la tête dure et les éternels “piliers d'état-major” se demandaient ce que des commandos pourraient bien faire de mieux que leurs propres troupes.
Peu à peu, les commandos, déçus par l'inaction, semblaient perdre le moral et l'entraînement, malgré la meilleure volonté, devenait lassant. Les hommes laissaient percer leur désarroi. Certains retournèrent d'eux mêmes dans leurs unités d'origine, d'autres allèrent jusqu'à commettre des actes d'indiscipline. Il était temps de reprendre rapidement la situation en main, sinon l'avenir des commandos était en jeu.
C'est à ce moment crucial qu'intervint le général Haydon, qui devait commander plus tard le Special Service Battalion. Homme sévère mais juste, Haydon était aussi un très bon instructeur et, avec l'aide de ses officiers, il mit au point un nouveau programme d'entraînement, efficace tant sur le plan technique, que par l'emploi maximum des hommes et du matériel.
Trois faits aideront à relancer les commandos :
• D'abord le départ, en février 1941, de la “Lay-Force” pour le Moyen-Orient. Commandée par le lieutenant-colonel Laycock, elle comprend les 7, 8 et 11-Commandos.
• Ensuite, la réorganisation de chaque commando qui désormais ne compte plus qu'un groupe état-major, 6 troops de 3 officiers et 62 hommes auxquels va s'ajouter une section d'armes lourdes composée d'une quarantaine d'hommes. Le nombre des officiers passe ainsi de 30 à 18, ce qui va permettre une sélection rigoureuse. Evidemment, puisque ces unités se révèlent plus légères que les compagnies classiques d'infanterie, il en résultera un meilleur emploi tactique.
• Enfin… pour mettre à l'épreuve les bénéfices escomptés de toute cette reconversion, est programmé ce que plus personne n'osait espérer… un raid ! Et quel raid !…
Il eut pour théâtre les îles Lofoten, situées au large des côtes nord-ouest de la Norvège. La force militaire, commandée par le général Haydon, comprenait 2 commandos de 250 hommes auxquels s'ajoutaient des détachements de génie composés de 52 hommes, prévus pour le sabotage et, naturellement, des guides et des interprètes norvégiens.
Partis de Gourock, le 21 février 1941, sur les navires Queen Emma et Princess Beatrix, des anciennes malles de la Manche, ils vont arriver à destination le 4 mars, sous la protection d'une force navale comprenant les bâtiments de ligne H.M.S. Nelson, H.M.S. King Georges V, les croiseurs Dido et Nigeria, plus cinq destroyers et un sous-marin, H.M.S. Sunfish .
Seul un chalutier armé allemand, le Krebs, tente de s'opposer au débarquement. Il sera rapidement mis hors de combat par le destroyer Somali et son équipage fait prisonnier.
Les sabotages sont couronnés de succès. La quantité globale d'hydrocarbures brûlés s'élèvera à 3.600.000 litres (pétrole et essence), 18 fabriques seront détruites, 11 bateaux coulés et un chalutier, à bord duquel ont été embarqués 216 prisonniers, 60 “collabos” et 314 volontaires norvégiens pour les Forces Norvégiennes Libres, sera ramené en Angleterre.
La presse britannique donnera toute la publicité possible à l'opération. La propagande va se montrer une arme efficace au cours de cette guerre. De telles actions auront l'avantage de faire courir nombre de légendes sur les commandos, tant du côté allié que chez l'ennemi.
(1) - “Zéro à la barre… les deux bords en avant toute !”
(2) - Expression maritime : Puissance maximum des machines.
Origine des Commandos
• Dunkerque : 4 juin 1940…03h40……
- Midship, ordonna le commandant, two boards ahead full speed ! (1)
- Midship, annonça l'homme de barre puis, après deux bruits de sonnerie, il répéta Two boards ahead full speed !
Le vieux destroyer britannique Shikari s'éloignait “machines sur le pont” (2) dans cette nuit d'enfer déchirée par les explosions. Submergé de troupes qu'il avait embarquées à la hâte, il fonçait vers l'Angleterre tandis que derrière lui le port et l'agglomération dunkerquoise étaient dévorés par les flammes.
Les manœuvres d'appareillage étaient faites à la lueur des incendies, particulièrement ceux des raffineries de Petite-Synthe que l'on apercevait à plusieurs dizaines de kilomètres. Malgré de multiples difficultés, le bâtiment réussissait à gagner les passes. Il était temps, les Allemands venaient d'enfoncer le périmètre défensif du côté des plages et ne se trouvaient plus qu'à 4 kilomètres du môle est.
Avec le Shikari, dernier navire à quitter Dunkerque, s'achevait “Dynamo”, opération dont le thème avait été l'évacuation maximum d'hommes dans le minimum de temps. Elle avait démarré le 24 mai à l'aide d'environ un millier de bateaux de catégories diverses. Bâtiments de guerre d'abord, mais aussi des ferry-boats, des péniches automotrices, des caboteurs, des chalutiers armés, des yachts et combien d'autres encore, venus là pour participer. Si 243 d'entre eux furent coulés, l'opération “Dynamo” permit néanmoins de rapatrier 215.585 Britanniques et 123.097 Français.
Ainsi grâce au sacrifice du groupe d'armées françaises du nord et à la témérité des courageux équipages de cette flotte extraordinaire, l'Angleterre avait réussi à évacuer la plus grosse partie de son corps expéditionnaire. Malgré les pertes considérables de matériel, “Dynamo” pouvait être considérée comme un “Miracle de la délivrance”, selon l'expression de Winston Churchill qui déclarait le jour même de la fin de l'opération dans un discours fracassant à la Chambre des Communes, que l'Angleterre tout en étant consciente de la faiblesse de ses moyens, était décidée à se battre farouchement partout où il le faudrait et Churchill songeait particulièrement à l'invasion allemande qui se préparait.
Dès le 18 juin, Churchill réunit ses conseillers pour une séance extraordinaire. Décision est prise de passer à une stratégie offensive en constituant une force d'assaut d'au moins 20.000 hommes.
Ceux-ci, recrutés dans des unités existantes, devaient être prêts “à sauter à la gorge de petits contingents d'invasion ennemis…”
Toutefois, l'idée originale revenait au lieutenant-colonel Dudley Clarke, assistant du Chef d'Etat-Major Impérial, qui s'était plongé dans divers ouvrages d'histoire et de stratégie. En outre, grâce aux connaissances particulières retirées d'une affectation en Palestine en 1936, Clarke était à même d'établir une synthèse qui devait se révéler efficace dans les circonstances présentes.
La conclusion démontrait, en bref, que des unités légères, très mobiles et dotées d'une grande puissance de destruction, pouvaient se livrer à des opérations éclair contre l'ennemi, même derrière ses lignes, obtenant des résultats sans commune mesure avec les faibles effectifs engagés.
Sûr de son fait, Clarke se rend auprès du général Sir John Dill qui, à la faveur des explications, adopte l'idée et en fait immédiatement part au Premier Ministre.
Ce dernier, tout en étant favorable au projet, puisqu'il ordonnera quelques jours plus tard la formation de ces unités, tint toutefois à préciser qu'elles ne pourraient pas recevoir tout l'armement désiré. Celui-ci étant indispensable aux troupes désignées pour la défense du territoire. Cette carence devrait être atténuée par la qualité de ces nouveaux soldats qui, tout en étant volontaires, seront de plus triés sur le volet.
A partir de ce moment là, toutes les méthodes d'instruction, qui dataient de la première guerre mondiale, furent balayées. Tout, ou presque, était à réinventer.
Les nouvelles unités reçurent, sur l'insistance particulière de Dudley Clarke, le nom de “Commandos”. Ce mot, généralement inconnu dans l'armée britannique, ne l'était pas de ceux qui avaient combattu au Transvaal (1899-1902) où des unités de type Boers, d'origine néerlandaise, s'appelaient ainsi. Après la chute de Prétoria, les actions de ces commandos allaient sensiblement augmenter et compliquer la tâche des Britanniques. C'est d'ailleurs au cours de l'une d'elles que Churchill sera fait prisonnier.
Les nouvelles unités furent constituées de façon peu commune, si l'on envisage les principes très stricts en vigueur à l'époque dans l'armée anglaise. Les officiers furent désignés parmi les plus jeunes et ceux-ci purent, à leur tour, choisir les hommes qui leur convenaient.
La base de sélection exigeait qu'ils soient volontaires pour des missions spéciales, d'une nature indéfinie mais de toutes manières périlleuses. Bien entraînés, ils devaient être évidemment aptes physiquement, savoir nager et ne pas être sujets au mal de mer. Sans énumérer le large éventail des conditions exigées, les volontaires devaient, en outre, s'habituer aux longues veilles, apprendre à utiliser le terrain de jour comme de nuit et savoir subvenir à leurs propres besoins pendant de longues périodes.
Les premiers Commanding officers désignés seront les lieutenants-colonels Bob Laycock, du Royal Horse Guards, John Durnford-Slater, du Royal Artillery et Ronnie Tod, des Argyll and Sutherland Highlanders. Ils passeront aussitôt dans les unités pour choisir leurs officiers qui eux, à leur tour, devront sélectionner leurs hommes en quatre jours…
Les camps de regroupement virent arriver des Territoriaux, des gens de la Brigade des Gardes, des anciens de Dunkerque, des Indes ou de la Palestine. Quelquefois le choix se portera sur des champions de boxe ou des sportifs d'autres disciplines.
Les origines diverses de corps d'armées, de régions et tout ce qui pouvait créer des rivalités au sein des unités classiques devaient s'effacer dès l'admission au commando.
L'instruction se fit d'abord à Plymouth et, avec des hommes qui comptaient, pour la plupart, plusieurs années de service, cette nouvelle discipline ne sembla guère poser de problèmes. Pour les officier, malgré une certaine réticence des officiers de carrière à se porter volontaires, le 3-Commando de Durnford-Slater ne compta pas moins de 10 officiers d'active.
Les soldats des commandos bénéficiaient de certains avantages, comme le “Billet”, c'est-à-dire le logement chez l'habitant. Ce privilège était automatiquement supprimé lorsque le commando était RTU (Return to Unit : renvoyé à son unité d'origine). Ceci arrivait en général, à la suite d'inaptitude ou par mesure disciplinaire et représentait la pire des craintes pour un commando.
Quinze jours après la constitution des premières unités, le Premier Ministre exige que Dudley Clarke organise immédiatement un raid de l'autre côté de la Manche. Cela semblait pourtant prématuré sur le plan de l'entraînement et de l'équipement en matériel. Les qualificatifs manquent pour décrire la véritable situation. Pour le transport par mer, l'Etat-major arrêta son choix sur des vedettes “Air Rescue” de la Royal Air Force (RAF). Ces petites unités n'étaient pas blindées, hautes sur l'eau mais rapides et “étalaient” bien à la mer.
Churchill voulait absolument démontrer qu'il existait toujours une armée britannique avec laquelle il allait falloir compter. De ce raid on parla peu. Il fut lancé dans la nuit du 23 au 24 juin 1940, au moyen de quatre vedettes transportant 120 hommes de la 11ème Cie indépendante, commandée par le major Ronnie Tod. Les bâtiments partis de Douvres, Folkestone et Newhaven prirent la direction de Boulogne et Merlimont. Un incident, qui prouve que le secret était bien gardé, se produisit au milieu du Channel, lorsqu'une patrouille de Spitfire apercevant ces vedettes et les prenant pour des unités de la marine allemandes, faillit les mitrailler. Le raid ne fut en fait qu'une simple escarmouche dans les dunes. Toutefois, Clarke, qui avait accompagné le détachement comme observateur, eut un morceau d'oreille arraché par une balle.
Un second raid eut lieu les 14 et 15 juillet contre la garnison allemande de Guernesey. Y participèrent la troop “H” du 3-Commando et la 11ème Cie indépendante qui furent transportées par les deux vieux destroyers Saladin et Scimitar, plus sept vedettes. Ce fut un échec. La troop “H” débarqua bien au point prévu mais n'eut aucun contact. Elle laissa quatre hommes sur le terrain, qui n'avaient pas réussi à rallier les embarcations. Les Allemands les feront prisonniers quelques jours plus tard. Quant à la 11ème Cie indépendante, deux vedettes restèrent en panne en pleine mer, une troisième en approche, heurta des récifs et la quatrième, suite à une erreur de navigation, se retrouva tout simplement… sur l'île de Sark.
Le mois de juillet vit l'Amiral de la Flotte, Sir Roger Keyes prendre la direction de l'Etat-Major des Opérations Combinées. Déterminé, il voulait engager tout de suite les 4.000 volontaires déjà sous ses ordres dans des raids plus efficaces et de plus grande envergure que les précédents.
Mais il fallait encore compter avec la logistique ; tous ces services rayonnant d'importance au ministère de la Guerre se sentaient frustrés de ne pas bénéficier des mêmes avantages accordés aux “nouveaux”. Cela se traduisait par une certaine réticence à honorer les desiderata de l'amiral. Heureusement, la Royal Navy faisait son possible avec des moyens limités en fournissant des instructeurs de manœuvre et de navigation et en embarquant des commandos pour les amariner.
L'amiral, déçu de l'attitude de certains responsables, décida de mettre ses hommes en stand by un certain temps, pensant que l'idée de cette réserve appréciable de troupes laissée à l'écart finirait par agacer les autorités compétentes, qui accepteraient finalement de les envoyer en opération ou de lancer des raids. Personne ne broncha et l'amiral, dans l'attente de jours meilleurs, se pencha sur des projets de raids. D'abord sur les Açores vite abandonnés en faveur d'une autre, l'île italienne de Pantelleria proche de Malte.
Le répit permit aux commandos de rallier la base des Opérations Combinées à Inverary (Ecosse occidentale) pour suivre l'entraînement sur les premières chaloupes de débarquement récemment livrées. L'entraînement se mua vite en compétition. Les troops rivalisaient au timing pour vider rapidement l'engin et prendre position à une vingtaine de mètres. Le tir, les marches rapides (quick march) avec sac et armement, chronométrées, la lutte, l'entraînement sans relâche, se succédaient depuis le petit jour jusqu'au crépuscule, ce qui n'excluait nullement une sortie de nuit. Un tel rythme dans les exercices eut pour effet un certain nombre de RTU. Les partants étaient immédiatement remplacés par d'autres volontaires. Avec l'expérience acquise par certains des nouveaux arrivants, d'autres disciplines d'entraînement débutaient ; tels ces alpinistes qui devinrent moniteurs d'escalade. Les nouvelles spécialités devaient se révéler très utiles lors de raids ultérieurs.
Pendant ce temps, l'amiral vit son raid sur Pantelleria remis, puis supprimé. Les gens des ministères avaient la tête dure et les éternels “piliers d'état-major” se demandaient ce que des commandos pourraient bien faire de mieux que leurs propres troupes.
Peu à peu, les commandos, déçus par l'inaction, semblaient perdre le moral et l'entraînement, malgré la meilleure volonté, devenait lassant. Les hommes laissaient percer leur désarroi. Certains retournèrent d'eux mêmes dans leurs unités d'origine, d'autres allèrent jusqu'à commettre des actes d'indiscipline. Il était temps de reprendre rapidement la situation en main, sinon l'avenir des commandos était en jeu.
C'est à ce moment crucial qu'intervint le général Haydon, qui devait commander plus tard le Special Service Battalion. Homme sévère mais juste, Haydon était aussi un très bon instructeur et, avec l'aide de ses officiers, il mit au point un nouveau programme d'entraînement, efficace tant sur le plan technique, que par l'emploi maximum des hommes et du matériel.
Trois faits aideront à relancer les commandos :
• D'abord le départ, en février 1941, de la “Lay-Force” pour le Moyen-Orient. Commandée par le lieutenant-colonel Laycock, elle comprend les 7, 8 et 11-Commandos.
• Ensuite, la réorganisation de chaque commando qui désormais ne compte plus qu'un groupe état-major, 6 troops de 3 officiers et 62 hommes auxquels va s'ajouter une section d'armes lourdes composée d'une quarantaine d'hommes. Le nombre des officiers passe ainsi de 30 à 18, ce qui va permettre une sélection rigoureuse. Evidemment, puisque ces unités se révèlent plus légères que les compagnies classiques d'infanterie, il en résultera un meilleur emploi tactique.
• Enfin… pour mettre à l'épreuve les bénéfices escomptés de toute cette reconversion, est programmé ce que plus personne n'osait espérer… un raid ! Et quel raid !…
Il eut pour théâtre les îles Lofoten, situées au large des côtes nord-ouest de la Norvège. La force militaire, commandée par le général Haydon, comprenait 2 commandos de 250 hommes auxquels s'ajoutaient des détachements de génie composés de 52 hommes, prévus pour le sabotage et, naturellement, des guides et des interprètes norvégiens.
Partis de Gourock, le 21 février 1941, sur les navires Queen Emma et Princess Beatrix, des anciennes malles de la Manche, ils vont arriver à destination le 4 mars, sous la protection d'une force navale comprenant les bâtiments de ligne H.M.S. Nelson, H.M.S. King Georges V, les croiseurs Dido et Nigeria, plus cinq destroyers et un sous-marin, H.M.S. Sunfish .
Seul un chalutier armé allemand, le Krebs, tente de s'opposer au débarquement. Il sera rapidement mis hors de combat par le destroyer Somali et son équipage fait prisonnier.
Les sabotages sont couronnés de succès. La quantité globale d'hydrocarbures brûlés s'élèvera à 3.600.000 litres (pétrole et essence), 18 fabriques seront détruites, 11 bateaux coulés et un chalutier, à bord duquel ont été embarqués 216 prisonniers, 60 “collabos” et 314 volontaires norvégiens pour les Forces Norvégiennes Libres, sera ramené en Angleterre.
La presse britannique donnera toute la publicité possible à l'opération. La propagande va se montrer une arme efficace au cours de cette guerre. De telles actions auront l'avantage de faire courir nombre de légendes sur les commandos, tant du côté allié que chez l'ennemi.
(1) - “Zéro à la barre… les deux bords en avant toute !”
(2) - Expression maritime : Puissance maximum des machines.