Je souhaite apporter mon témoignage sur ce sujet en relatant la disparition de mon meilleur ami, embarqué tout comme moi sur une section d' E.A en 1951, (F.A.I.S) qui n'est pas revenu... :
Je croyais en avoir fini avec les mauvaises nouvelles…
Hélas ! le 8 Mai 1952, « radio cocotiers » (les bruits de coursives) annonce la perte d’un E.A dans le canal de Tam Soc, alors qu’il se portait au secours d’un poste attaqué, dans la région de Sontrang. *
Il y aurait de nombreuses victimes, Françaises et Vietnamiennes !
- Il s'agit de quelle section ?
- On parle de la 274.
- La 274 ? Mais c’est celle de Kiki Castrec ! mon copain de l’école de manœuvre ! !
Je questionne les uns et les autres pour en savoir d’avantage,
- Oui, c’est bien la 274 !
- Oui, il y a bien des morts Français… quoi ? combien ? lesquels ?
Attends un peu, Ah ! Voici la liste :
Enseigne de vaisseau de 2ème classe Briand Yves
Enseigne de vaisseau de 2ème classe De Larminat Roger,
Quartier Maître Boncoeur Roger
Quartier Maître Castrec Henri Jean **
Matelot Sadoul André,
Matelot Nguyen Kim Mau,
Quartier Maître Duong xul.
La terrible nouvelle est confirmée de manière officielle, une puissante mine est responsable de la destruction du bateau !
- C’est pas vrai ! C’est pas possible ! kiki est sur la liste !
- Henri avait tout juste 21 ans ! il aimait la vie et y croquait à pleines dents !
- Quelle saloperie de guerre ! pourquoi est il mort ? ou plutôt pour qui ?
* Source, Service Historique de la Marine à Vincennes, lettre N° 2273 du 16/10/02
** Cité à l’ordre du corps d’armé à titre posthume - R.E.C du 6/06/52 Ordre N° 310 EM 3
173
Je reste prostré ! Anéanti ! En proie à un formidable sentiment de révolte devant tant d’injustice ! La vie vient de me porter un nouveau coup ! Infiniment douloureux ! !
La nécessité de ce conflit ne m’avait guère effleurée jusqu’alors … je faisais mon boulot sans me poser de questions … cette fois c’est différent ! Je me souviens tout à coup de tous ces manifestants hurlants « Non à la guerre !» lors de notre embarquement à Marseille…
(Je conserverai pendant de nombreux mois qui suivirent mon retour en France, la photo de cette tombe sur ma table de chevet, tant cette disparition me fut pénible à supporter.)
Seul, assis sur l’escalier de la chambrée alors que le soir tombe, emmuré dans ma souffrance, je rêve d’amis venus partager ma peine et m’apporter leur soutien…mais je suis seul… ! Désemparé !
Soudain un frôlement…, la tête de Blacki se pose tout doucement sur ma cuisse… !
- Devine-t-il ? sent-il ? sait-il ?
- Un animal peut-il percevoir le désarroi de son maître ?
Assis face à moi, les oreilles droites, ses yeux noisettes me fixent intensément, tellement expressifs que les mots sont inutiles… !
Je lis son inquiétude, son impuissance, et son immense amour !
Je le serre contre moi en sanglotant, enfin libéré de l’angoisse qui m’étreint, je caresse son long et doux pelage pendant de longues minutes…
- Tu es là toi ! mon ami ! mon doux ami ! toujours attentif à me faire plaisir…bien que je ne sois pas le meilleur des maîtres…préférant souvent mon plaisir à ta compagnie…
- C’est promis ! C’est juré ! Je serai meilleur demain !
174
Extrait de mon ouvrage autobiographique intitulé "De la Terre à la Mer - Mon apprentissage de la vie dans le Marine Nationale 1947/1953"
publié en 2004 par la Société des Ecrivains - 400 pages - 32 photos - 22 Euros + 5 E pour envoi dédicacé.
Jean.rouveret@wanadoo.fr
Je croyais en avoir fini avec les mauvaises nouvelles…
Hélas ! le 8 Mai 1952, « radio cocotiers » (les bruits de coursives) annonce la perte d’un E.A dans le canal de Tam Soc, alors qu’il se portait au secours d’un poste attaqué, dans la région de Sontrang. *
Il y aurait de nombreuses victimes, Françaises et Vietnamiennes !
- Il s'agit de quelle section ?
- On parle de la 274.
- La 274 ? Mais c’est celle de Kiki Castrec ! mon copain de l’école de manœuvre ! !
Je questionne les uns et les autres pour en savoir d’avantage,
- Oui, c’est bien la 274 !
- Oui, il y a bien des morts Français… quoi ? combien ? lesquels ?
Attends un peu, Ah ! Voici la liste :
Enseigne de vaisseau de 2ème classe Briand Yves
Enseigne de vaisseau de 2ème classe De Larminat Roger,
Quartier Maître Boncoeur Roger
Quartier Maître Castrec Henri Jean **
Matelot Sadoul André,
Matelot Nguyen Kim Mau,
Quartier Maître Duong xul.
La terrible nouvelle est confirmée de manière officielle, une puissante mine est responsable de la destruction du bateau !
- C’est pas vrai ! C’est pas possible ! kiki est sur la liste !
- Henri avait tout juste 21 ans ! il aimait la vie et y croquait à pleines dents !
- Quelle saloperie de guerre ! pourquoi est il mort ? ou plutôt pour qui ?
* Source, Service Historique de la Marine à Vincennes, lettre N° 2273 du 16/10/02
** Cité à l’ordre du corps d’armé à titre posthume - R.E.C du 6/06/52 Ordre N° 310 EM 3
173
Je reste prostré ! Anéanti ! En proie à un formidable sentiment de révolte devant tant d’injustice ! La vie vient de me porter un nouveau coup ! Infiniment douloureux ! !
La nécessité de ce conflit ne m’avait guère effleurée jusqu’alors … je faisais mon boulot sans me poser de questions … cette fois c’est différent ! Je me souviens tout à coup de tous ces manifestants hurlants « Non à la guerre !» lors de notre embarquement à Marseille…
(Je conserverai pendant de nombreux mois qui suivirent mon retour en France, la photo de cette tombe sur ma table de chevet, tant cette disparition me fut pénible à supporter.)
Seul, assis sur l’escalier de la chambrée alors que le soir tombe, emmuré dans ma souffrance, je rêve d’amis venus partager ma peine et m’apporter leur soutien…mais je suis seul… ! Désemparé !
Soudain un frôlement…, la tête de Blacki se pose tout doucement sur ma cuisse… !
- Devine-t-il ? sent-il ? sait-il ?
- Un animal peut-il percevoir le désarroi de son maître ?
Assis face à moi, les oreilles droites, ses yeux noisettes me fixent intensément, tellement expressifs que les mots sont inutiles… !
Je lis son inquiétude, son impuissance, et son immense amour !
Je le serre contre moi en sanglotant, enfin libéré de l’angoisse qui m’étreint, je caresse son long et doux pelage pendant de longues minutes…
- Tu es là toi ! mon ami ! mon doux ami ! toujours attentif à me faire plaisir…bien que je ne sois pas le meilleur des maîtres…préférant souvent mon plaisir à ta compagnie…
- C’est promis ! C’est juré ! Je serai meilleur demain !
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Extrait de mon ouvrage autobiographique intitulé "De la Terre à la Mer - Mon apprentissage de la vie dans le Marine Nationale 1947/1953"
publié en 2004 par la Société des Ecrivains - 400 pages - 32 photos - 22 Euros + 5 E pour envoi dédicacé.
Jean.rouveret@wanadoo.fr