par Jean Yves COJEAN Lun 17 Nov 2014 - 15:26
Ancien du Duperré, et embarqué à son bord du 1/08/74 au 2/07/78 en qualité de PM Det Senit, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les différents messages relatifs à son échouage sur la Plate le 12/01/78.
Témoin de cette fortune de mer , je vais essayer de vous relater en détail la chronologie de cet événement.
Ce fameux 12 janvier débutaient les essais après carénage ; mouillé en grande rade depuis le début d'après midi, le DUP attendait sous les feux l'appareillage prévu vers 22h30.
Après embarquement des techniciens de l'arsenal
le bâtiment a quitté son mouillage, les chaudières gonflées à bloc.
Mission à venir : rejoindre la base de vitesse des Glénans pour étalonnage du loch.
Le décor est le suivant : nuit noire, mer mauvaise, vitesse élevée, chacun vaque à ses occupations en toute sérénité.
Tout d'un coup le bateau se met à trembler de toute part dans un bruit de chaos et de secousses très fortes, j'ai en souvenir que ça n'a pas duré longtemps, quelques secondes puis le bruit assourdissant de la vapeur qui s'échappait des cheminées.
J'ai tout de suite compris qu'on était échoué.
Par le biais de la diffusion générale nous sommes informés de la situation et l'ordre nous est donné de nous munir de nos brassières de sauvetage et de nous rendre sur le pont d'envol.
Quelques minutes plus tard les 4 compartiments machine sont noyés ; le Duperré est privé de son énergie, il se retrouve dans le noir, on n'entend plus que les grincements sinistres de la coque qui gémit au contact des rochers, vu du pont d'envol on aperçoit le phare de la Vieille à côté, nous sommes échoués sur la Plate, le DUP prend progressivement de la gite sur bâbord, jusqu'à l'étale de basse mer, ensuite il se redresse petit à petit avec la marée montante mais ne risque pas de dériver puisque les ancres ont été mouillées juste après l'échouage.
Vient ensuite le moment d'informer les autorités maritimes ; Ironie du sort, les appareils radio portatifs n'ont pas été réembarqués.
Une solution sera trouvée : de la passerelle, un timonier à l'aide d'une torche spéciale arrivera à communiquer en scot avec le gardien de la Vieille, ce dernier fera le relais vers Prémar qui prendra les dispositions pour organiser les secours.
Un hélico de Lanvéoc est venu nous hélitreuiller des appareils de communication portatifs.
Je tiens à dire que l'équipage a fait preuve d'un sang froid exemplaire, ce n'a pas été le cas pour 2 ou 3 civils de l'arsenal : pris de panique probablement ils ont voulu être installés dans un radeau de survie, pour les calmer le cdt a fait affaler un bombard qui une fois gonflé a été amarré le long de la coque à bâbord au niveau de la cuisine.
Le problème dans tout cela, c'est que ces inconscients ont largué les amarres et sont donc partis à la dérive.
Prémar informé a fait venir un patmar qui a largué des fusées éclairantes, tout doucement grâce à leur parachute elles descendaient sur la zone ; ceci a permis la localisation du radeau puis la récupération des fuyards par la vedette snsm de Sein juste après l'équipage commençait à être évacué, une vingtaine à chaque rotation entre le DUP et les dragueurs de mine mouillés pas très loin, je me souviens que le transbordement était très sportif, mais vu le professionnalisme des sauveteurs il n'y eut pas le moindre blessé, tout le monde a été évacué sain et sauf.
Les dragueurs nous ont ramenés à Brest, nous avons débarqué à proximité du TCD Orage qui nous a accueilli avec un bon petit déjeuner.
Ensuite pour ceux qui habitaient Brest, ils ont pu regagner leur domicile.
J'ai ma petite idée des circonstances qui ont amené le Duperré à se trouver dans cette situation, plusieurs facteurs simultanés y ont contribué.
Cette histoire date maintenant de presque 36 ans , il est important de témoigner, avant que la mémoire ne s'embrume !!!
Salut à tous les anciens de ce noble vaisseau.
Jean Yves Cojean