Simple. Lorsqu’il devait paraître, je lui passe commande et, devant déménager pour l’adresse mancelle où je réside maintenant, je lui dis deux chose : une intelligente et un bête. Je lui demande de sursoir à l’envoi, me permettant de déposer les cartons, puis de faire les valises et de partir 89 jours, dans le sud, ne pouvant dépasser les 90.
Mais je me trompe niaisement et donne Jean Jaurès, en lieu et place de JJ Rousseau.
Une chance, l’avenue Jaurès s’arrête 4 numéros avant le mien, donc l’employé(e) des Postes ne dépose pas "mon" livre chez monsieur Lambda.
Pour faire court, je rectifie le tir et Domi, ayant reçu l’objet du délire, le réexpédie… à la place idoine.
Je saute dessus et apprécie la dédicace où il est annoté les bons souvenirs sur mon embarquement étourdien.
Tu parles : j’étais débarqué depuis un an et sur le point d’effectuer mes premiers pas dans la vie civile, que des nouveaux, ne m’ayant jamais rencontré, connaissaient tout de moi, car, pour reprendre une expression adéquate : je prenais beaucoup de place.
Si certains avec qui j’ai partagé la tournée ZMAS ont perdu leur rondelle, je ne parle pas de celle du bachi, j’en porte une petite part de responsabilité, ayant "entraîné" les heureux (jeunes) hommes dans les endroits conseillés, sans oublier de leur avoir rappelé les bonnes manières locales. Deux ans sur le BB de Nouadhibou à Pointe Noire, cela marque.
Alors ce livre ? Sublime.
Je sais de quoi je parle. Je me suis attelé, comme Domi, à l’écriture d’un livre, saga se déroulant entre 1803 et 1834, des prisons napoléoniennes de Porchester, à Brest, sous le blocus de l’Inshore Squadron, Port Louis pour montée à bord d’un ex de la Compagnie des Indes, escale à Madeira, chargement d’esclaves à Gorée, vaisseau encalminé au large de la Namibie, prise en chasse par une frégate anglaise, fuite et tour d’Europa, échappée dans un delta de Mozambique, canonnade, arrivée en presque épave à Mahé, rencontre avec De Quinssy, et vie d’un ancien maître d’équipage ayant usurpé la place d’un lieutenant, passant les quarante dernières années de sa vie à tenter d’améliorer le sort de ses 19 esclaves.
Entre les musées et archives de Paris, Brest, Londres, Portsmouth, Cape Town, Port Louis (Maurice) et Mahé, j’ai passé des heures à recopier des infos (photos ou copies interdites). Le personnel des Arcive Nazyonal Sezel m’a haï : Deux semaines du lundi au samedi, de 09 à 13 à chercher, demander, rechercher redemander.
Des sommités locales, comme Guy Lionnet, French Chang ou Jullien Durup m’ont apporté conseil et soutien. Ce livre sera publié ou pas. De toute façon, un exemplaire sera remis au gouvernement séchellois, si je le publie et une copie ordi après ma mort, si je ne peux le publier. Je viens de le terminer. Je l’ai commencé… en 1998.
Donc, je sais ce que chercher, fouiner, suer (il y a un autre mot, avec une lettre de plus), afin de trouver le détail qui manque, signifie.
Je connais la méticulosité de déceler quand placer cette rubrique, afin qu’elle s’emboite correctement, sans avoir à faire doublon. Je comprends le temps passé à trouver la bonne personne, dans le service correspondant, qui pourra permettre d’obtenir les documents, photos, plans, rapports.
J’imagine les intempestifs qui font que le gars se trouvant en congés ou en mission, n’a pas informé ses collègues ou chef de service et il faut répéter sempiternellement qui on est, pourquoi on veut écrire cela.
Alors, bobosse, soit pas si bavard. Qu’en penses-tu ?
D’abord, je n’ai pas trouvé le site relatif à cette œuvre. Fermée.
Bon, après l’heure, c’est plus l’heure. Soit.
Alors, entre Alerte et escorteur côtier, que choisir. To choose or not to choose, zatiz ze question ?
L’ouvrage ? Qu’en dire ?
Du travail de professionnel. Le descriptif est complet, structuré, les dossiers étudiés, complémentaires. On ferme les yeux et on se retrouve 55 ou 35 ans en arrière.
Oui, un non marin sera perdu ; barbette, bannette vaigrage, tranche, couple, sont des mots qui vont très bien ensemble, chantait quelqu’un, mais qui ne signifient rien. Une gîte de 40%, pour celui qui, le jour de sa première et dernière biture, en avait une de 5, ne dira rien.
Il est vrai que marin un jour, marin toujours. Il faut avoir passé un certain temps, voire un temps certain, sur un côtier, un dragueur, un remorqueur, ou pire encore, pour comprendre ce que cette vie difficile signifie.
Pas de confort, une exiguïté continue, un danger latent permanent. Mais une amitié indéfectible entre les gars, une complicité sincère. Même le sacré bon d..u de c.n, dont on se demande ce que l’on va faire avec, on finit par l’amadouer, le peaufiner, en faire quelque chose. Et lorsqu’il aura terminé son sapin, il se souviendra jusqu’au dernier souffle de l’époque la plus heureuse de sa vie.
Euh ! Ca va pas, là. J’ai écrit que l’Étourdi fut l’année la plus folle, riche et complète de ma vie, qui, en a vu d’autres. Même encore en 2014.
Passons.
L’origine des "PC" est expliquée. J’ai eu la chance de pouvoir visiter le Fougueux, à quai, près de Rotterdam, l’an passé. Il est actuellement dans un état capharnaümesque (mot nouveau accepté par le dico bobossien en 2014). Mais il sera terminé. La détermination que j’ai sentie auprès de Dick (Richard), un des deux propriétaires me l’assure.
Il est de la classe US, avec encore moins de confort et davantage d’ "invraisemblances" dans sa construction que l’Alerte ou l’Étourdi. Les Spahi, Coutelas, Fantassin, Résolu, et autres merveilles (?) des plans finis à la fin de la seconde guerre mondiale, sur des conceptions déjà dépassées, furent utiles à la flotte française, en manque de navire. Ils ont trouvé toute leur valeur lors de la guerre d’Indochine, puis celle d’Algérie, celle que l’on nommait alors, par pudeur, les "opérations de maintien de l’ordre dans les territoires nord africains".
L’explication du lancement des 13 " frères" est simple et explicite, les anecdotes de lancement poignantes.
En lisant les cotes, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi l’Alerte mesure 53.03 mètres et pas 53 mètres. Quoique, sur la fin, avec les couches de peinture, il devait avoir forci… Et 7.147 mètres de largeur maximum !
Les photos prises par des anciens ou en provenance des chantiers permettent soit de se souvenir, soit de comprendre ce auprès de quoi on est passé sans même regarder. Le descriptif des cahutes "abri/récupération" par exemple, permet de ramener la matière grise en ébullition et se souvenir de faits, anecdotes, ou situations insolites : Étourdi. Douala. Tout l’équipage, tous, à terre. Le Cdt (ne devait rentrer que le lendemain) rentre à minuit et ne trouve personne. Il retrouve le ceinturon et le pistolet et fait le quart, file du mou aux aussières et pointe le personnel rentrant. Trois matelots et un bœuf ont dû cesser leur carrière.
Le rappel du gonse qu’il fallait vider de la bannette pour qu’il prenne son quart est précieux. Nous avions un gars qui nous secouait, mettait la torche dans les yeux et ricanait : "’T’es d’ quart ! "Je l’avais surnommé Ted Carr.
La traversée avec une branlée discontinue et le navire en avant toute, qui reculait, face aux paquets de mer, le cuistot, assis une un bidon d’huile entre le piano et je ne sais plus quoi, la barbaque pendue à un croc, avec le couteau dedans et la boite de petits pois au bain marie. " T’as faim ? Oui, allez, bien cuit ? " Le matelot se bouffait le steak, debout, le déchirant entre ses dents, et avalait les légumes comme on boit une bière et repartait par la travée des bœufs et machine, pour restituer le tout.
Sur le Hardi, la machine faisait le quart sur le pont lorsque le jus approvisionnait le navire.
Les pompes à mer, les douches glaciales, puis brûlantes, l’eau coupée, les ancres qui cognaient en mer, la nuit et empêchaient de dormir, les boules de pétanques, té, du gars de Marseilleuh, qui roulaient dans le caisson pendant toute la nuit, parce que personne n’avait le courage de se lever. L’appelé qui dégueule dans sa valise et la laisse. Inspection une semaine après, valise par-dessus bord.
Le rappel d’humidité poste III est exact. Sonar arraché par une bille de bois passée sous la coque. Voie d’eau, écope, extracteurs escargot en route 24/24. On se demandait pourquoi les gars avaient les yeux cernés.
Escale à Douala, encore. Départ avancé de 3 heures. Appareillage.
M..de ! Pollux, la mascotte n’est pas à bord. On attend en rade. Pas le droit de remettre une aussière sur une bitte. On attend. Le vieux rage. Une heure avant appareillage Pollux arrive, peinardement, la queue en l’air. Personne ne l’avait informé du départ avancé. Il rentre comme il pensait devoir. Un lamaneur le prend dans sa barcasse, le dépose sur le pont et repart avec sa cartouche de clopes. Pollux n’a pas été consigné.
Bon, il y a des différences entre les navires. Le poste III était pour le troisième tiers, le deux pour le second et j’avais la chance d’être du premier, ma bannette milieu, au pied de l’échelle menant sur le pont. L’hiver, fermée, l’été ou en Afrique, air climatisé assuré.
Et le matelot de quart à quai, à Brest, qui, à sept heures, quittait son poste, pour servir le café au lit…
Le secrétaire militaire, malade, dès que l’on larguait les amarres dans la Penfeld et qui était remplacé par le QM2 det, pour vous servir, ce qui amenait le second, un des types les plus merveilleux rencontrés dans ma vie, ex QM maistrancier, à lui demander pourquoi il était toujours à court de carbone et de papier….
Ce livre devrait être remboursé par la sécu, tant il remonte le moral, le mien, de toute façon, est haut.
Merci Domi, tu peux être fier, un livre pareil, il fallait penser à le faire.
Il fallait oser l’auto édition.
Il fallait penser comment le monter.
Il fallait connaître qui contacter.
Il fallait passer des semaines entières à prendre, reprendre, corriger, le doute s’installant parfois.
Il fallait tirer des sonnettes, appeler des gens, frapper à des portes.
Tu l’as fait.
Bravo et merci.