Ainsi, lorsqu’ils lui demandèrent pourquoi il avait affublé la nouvelle mascotte du bord de ce nom là, la réponse fusa :
- «Bah, il est Black and White non !»
Réponse évidente pour lui, eux n’y avaient pas pensé.
WHISKY.
Mascotte du Dragueur Côtier M671 Camélia.
Un sacré bagarreur que ce chien qui faisait la loi sur le port de Toulon.
C’est à bord de ce dragueur qu’il participa activement aux recherches sur zone après l’inexpliquée disparition de sous-marin S647 Minerve.
Vaines recherches car on ne le retrouva jamais. Tout comme Totoche, Prosper et Zoé, Whisky sera également affecté à bord du sous-marin Saphir.
WHISKY aime Chicago.
Mascotte à bord du Remorqueur de Haute Mer A719 Bélier.
Pour l’équipage, il était difficile de dire sans se tromper quelle était la race de ce chien, au demeurant magnifique.
D’aucuns à bord le disaient tenir du Berger belge, d’autres du Beauceron.
Qu’importait après tout !
Chose suffisamment rare pour être signalée, Whisky était aveugle.
Nonobstant le handicap dont il était atteint, solide et bien campé sur ses hautes pattes, il savait très bien se repérer dans le bord.
Pour être bien nourri, quoique trop peut-être aux dires de certains matelots, la dentition du chien fit vite les frais de sa gloutonnerie.
Fort de ce régime d’abondance, Whisky accusa rapidement plus d’une trentaine de kilos.
Dans l’Arsenal de Toulon, la mascotte avait ses marques.
Sa notoriété allait d’ailleurs bien au-delà des limites de la seule Direction du Port et du quai où le remorqueur était généralement amarré.
Très instinctif, intéressé par tout ce qui l’entourait malgré son handicap, Whisky ne boudait pas son plaisir chaque fois qu’il pouvait emprunter la navette des permissionnaires pour se rendre à la porte principale de l’arsenal.
Parfois, l’officier marinier chef de gamelle le prenait avec lui.
Tous deux se rendaient chez un boucher qui avait son étal à Toulon, non loin de Chicago.
Chicago, la mal famée !
Quel marin en bordée n’a-t-il pas été traîner ses guêtres ?
Que de souvenirs d’une jeunesse à jamais enfuie quand, dans les bars et les pizzerias du quartier, matelots et légionnaires en goguettes s’entendaient comme larrons en foire !
Mais revenons à notre boucherie.
Whisky savait parfaitement quel parti il pouvait tirer de cet étal là, et il n’était pas rare que le boucher reçoive la très impromptue visite du chien.
La mascotte repartait toujours, exhibant à l’envi et avec une fierté non dissimulée, l’os que, dans sa grande bonté, le boucher avait consenti à lui donner.
Puis vînt le jour où, affecté à Brest, le remorqueur de haute mer fut prié d’aller voir ailleurs.
Cette nouvelle affectation déplaisait fortement au chien.
Non qu’il n’appréciait pas l’air marin iodé et vivifiant de la mer d’Iroise, mais que Toulon lui manquait cruellement pour y avoir ses habitudes, ses repères et amis.
A Brest, le chien s’ennuyait royalement.
Comme atteint d’une soudaine apathie qui flirtait avec la neurasthénie, le chien n’avait plus là ni bornes, ni marques.
Lui d’habitude si prompt à se commettre en mille facéties lorsqu’il allait à terre, ne quittait pratiquement plus le bord.
Un triste jour, Whisky fit une chute qui se termina au fond d’une forme de radoub.
Bien triste fin pour la mascotte du Bélier, brave Whisky qui, quoique aveugle, n’avait jamais connu la laisse.
WHISKY, sauvé de justesse !
En 1967, la fille du pacha eût la bonne idée d’offrir à l’équipage de l’Aviso escorteur F733 Commandant Rivière un Caniche royal qui fut immédiatement baptisé Whisky.
Mascotte embarquée, ce chien fut par la suite surnommé Sauvé de justesse, et pour cause.
Un jour que le bâtiment naviguait de conserve avec la Jeanne d’Arc entre Lisbonne et Dakar, la mascotte tomba à l’eau.
On imagine la scène !
Le pacha de l’aviso fit immédiatement stopper.
Par radio, il contacta le tiers de quart sur la passerelle de la Jeanne et l’informa du drame qui se nouait :
Notre mascotte est tombée à l’eau.
J’ai fait stopper.
Pouvez-vous mettre en œuvre pour récupérer l’animal ?
Réponse de la Jeanne : On s'en occupe !
En un temps record, un hélicoptère fut sorti sur le pont d’envol et une équipe de plongeurs arma un canote.
L’opération de sauvetage de whisky commençait.
Minute par minute, les opérations étaient suivies à la passerelle.
Amené vers la Jeanne, Whisky fut récupéré et pris en charge par les aéros du bord.
La mascotte venait d’être sauvée par les pingouins.
Mis au sec et emmitouflé dans une chaude couverture dans la cuisine, il se réchauffa rapidement.
Nourrie et choyée par l’équipage, la petite mascotte s’en tira avec une belle frayeur.
Jusqu’au jour où elle se laissa, sans discernement, abuser par la dive bouteille.
Une fois de plus, il fallut à l’équipage veiller l’animal et s’occuper de lui plus que de coutume.
Pour se sortir toujours miraculeusement de situations délicates, à défaut d’être Whisky, Sauvé de justesse portait décidément bien son nom.
WHISKY.
Mascotte de l’Escorteur Côtier P645 L’Alerte, dans les années soixante.
Un jour à Toulon, l’Alerte se mît à couple avec le Fringuant, son sister ship.
Il y avait à son bord un dénommé Bouboule, mascotte qui détestait cordialement Whisky qui d’ailleurs le lui rendait bien.
Reste que pour pouvoir aller à terre, Whisky devait nécessairement emprunter la coupée et traverser le pont du Fringuant.
La démarche n’était pas pour plaire à Bouboule qui bouscula son alter ego et l’envoya à la baille.
Comble de malchance, l’animal se retrouva coincé entre les coques des deux navires entre lesquelles il commença à se débattre.
Sans l’intervention des matelots qui assistèrent à la scène et ramenèrent la mascotte au sec, elle se serait certainement noyée.
A bord, on avait habitué Whisky à laper toutes sortes de liquides dans le creux de la main des matelots.
Comme beaucoup de ses congénères, lui non plus ne crachait pas sur toutes sortes de mixtures alcoolisées, savants mélanges parfois que des matelots irresponsables lui présentaient.
Irresponsables en effet car cette coupable activité fut fatale à la mascotte du bord.
Un sale matin, elle fut retrouvée noyée.
Sami et Fifine succédèrent à Whisky à bord de ce bâtiment.
Tous ces chiens ne firent cependant à bord de L’Alerte qu’un bref, trop bref passage au goût de certains.
WHISKY.
Mascotte embarquée sur l’Escorteur Côtier P644 L’Adroit.
Lorsqu’il était à quai, le bâtiment était souvent à couple avec son sister ship, Le Frondeur.
Sa mascotte répondait, elle, au non de Wolf.
Pour n’avoir pas le choix de ce voisinage imposé, les deux chiens se supportaient tant bien que mal.
D’autant que lorsqu’il voulait se rendre à terre, Whisky était obligé de passer sur le pont du Frondeur.
Whisky se savait observé et n’en menait pas large quand les grognements de Wolf semblaient lui rappeler qu’il lui fallait ne pas trop s’attarder.
Contradictoirement, on ne sache pas qu’ils se soient un jour querellés.
De fait, il n’y eût jamais aucun problème entre eux.
Skagerrac