Au cours de matelot d’équipage
En 1950, quelque soit la spécialité à laquelle il se destine, chaque marin en plus de son métier doit apprendre le maniement et le service des armes, légères en général et le matelotage, il lui faut savoir faire quelques nœuds et savoir nommer quelques poulies ou ses éléments et divers cordage.
Quand nous rentrions dans la marine, jadis on nous remettait en main un petit bouquin que l’on appelait le « Manuel des recrues » .
Dedans il y avait de quoi piocher si l’on voulait parfaire les connaissances générales de notre futur milieu.
On y trouvait de tout.
Là où je passais le 1ER mars 1950 après les deux semaines d’incorporation au lieu dit « Tahiti », dans la partie du camp de Pont-Réan ainsi appelée, le manuel des recrues fut pour moi un ouvrage de base car j’avais décidé de me sortir de ce « guêpier » qui allait nous mener, mes camarades et moi tout droit en Indochine.
Nous restions une bonne centaine sur les cent vingt qui étaient arrivés avec ces camions puants le 14 février ; une dizaine avaient disparu : plusieurs inaptes, deux qui s’étaient fichu une peignée, ainsi que deux ou trois qui s’étaient ouvertement affichés antimilitaristes, un dernier qui pissait au lit mais que je soupçonne d’avoir pissé chaque matin juste avant le branle-bas.
Pendant un mois et demi, nous logeâmes dans la baraque Monge.
Et c’est là que nous devions pendant quelques semaines, jusqu’à Pâques peut-être, apprendre le métier de marin.
Bien entendu, c’est là que nous reçûmes aussi, avec la même terreur que les contingents nous ayant précédés, nos vaccins réglementaires, des piqûres qui nous faisaient un mal de chien pendant presque trois jours, et dont même ceux qui ont tout oublié se rappelleront toute leur vie, assorties de l’interdiction de manger pendant vingt-quatre heures ; ce qui était très dur aussi.
C’est pendant ce laps de temps que nous entendîmes dire pour la première fois que nous étions un cours de matelots d’équipage, que nous n’allions pas rester longtemps ici, mais que nous irions nous installer vers l’entrée du camp tout près de la porte, et à droite en entrant dans cette base.
Ce qui fut fait si mes souvenirs son bons après les vacances de Pâques.
Alors que pendant les semaines précédentes, l’instruction était décontractée avec parfois quelques punitions un peu vicieuses à la clé, au cours de matelot d’équipage ce fut intense et apparemment accéléré ; on était considéré comme des grands, nous avions en main entre autres, les armes dont nous étions appelés à nous servir sous peu, dont la grosse mitrailleuse Hotchkiss ainsi que le canon de 20M/M qui étaient montés sur des engins de rivière dans les deltas indochinois et qu’ici on s’entraînait à démonter, ainsi que des armes légères : le fusil mitrailleur, le fusil et la mitraillette.
Nous avions à notre disposition, la reproduction, construite par les charpentiers locaux, de la plage avant d’un petit bateau, genre chasseur, en modèle réduit, sur lequel était installées des lignes le mouillage, ainsi qu’un petit guindeau.
Et l’on mouillait et l’on appareillait sous les ordres d’un second maître de manœuvre, qui jouait le rôle de commandant et qui rentrait de là-bas, sans doute, au vu de tout ce qu’il nous en disait.
Dans la campagne bretonne, dans des terrains incultes et un peu accidentés, non loin du CFM, on « jouait » à la petite guerre, c’est du moins ce que nous disait les garçons des autres contingents goguenards, alors que nous partions musette au dos, mitraillettes ou fusil en main, cartouchière à poste.
Mais le second maître instructeur fusilier nous éclairait en nous disant de bien prendre la chose au sérieux si l’on voulait en revenir, qu’il ne fallait pas jouer au matamore ; que ce n’était pas un jeu, qu’il ne fallait pas se faire tuer si nous voulions remplir notre mission, et nous devions la remplir.
Un mort ne peut pas remplir sa mission !
On n’a donc pas le droit de se faire tuer ! Et il faut bien y prendre garde.
Un soir, à l’étude, on nous avait montré un film éducatif, que j’ai oublié bien sûr, mais le titre était : Tuer ou être tué.
Ce second maître fusilier par ces quelques mots, résumaient le contenu de ce film.
Comme aux matelots d’équipage nous faisions de tout, le soir, à l’étude toujours, nous avions du scott et des signes à bras, deux ou trois fois par semaine.
Alors là, pour moi c’était parfait car je savais que ces deux activités entraient dans le travail des timoniers, une spécialité à laquelle comme nous le savons, j’étais très intéressé, et pour laquelle je m’étais engagé en tant qu’AIDE-SPECIALISTE.
Donc, pour le morse lumineux et les signes à bras, je fus très assidu, peut-être le plus assidu et puis, vers la fin mai nous apprenons que parmi les futurs timoniers qui faisaient leurs « classes » à Pont-Réan également, il y avait une défection ; que pour le remplacer, il serait pris un matelot d’équipage volontaire et après avoir satisfait à un examen de scott et de signes à bras.
Des volontaires il y en eut cinq au six et comme à ce petit concours local, j’obtins le « premier prix », je fus dirigé vers cette douzaine de matelots se destinant à la timonerie.
Je quittai donc les matelots d’équipage, je ne serais pas un aide spécialiste, j’allais être un apprenti timonier au fort du Cap Brun à partir du 1er juin 1950 ; nous le savons déjà.
Et en Indochine, et bien, j’irai plus tard.
André PILON
En 1950, quelque soit la spécialité à laquelle il se destine, chaque marin en plus de son métier doit apprendre le maniement et le service des armes, légères en général et le matelotage, il lui faut savoir faire quelques nœuds et savoir nommer quelques poulies ou ses éléments et divers cordage.
Quand nous rentrions dans la marine, jadis on nous remettait en main un petit bouquin que l’on appelait le « Manuel des recrues » .
Dedans il y avait de quoi piocher si l’on voulait parfaire les connaissances générales de notre futur milieu.
On y trouvait de tout.
Là où je passais le 1ER mars 1950 après les deux semaines d’incorporation au lieu dit « Tahiti », dans la partie du camp de Pont-Réan ainsi appelée, le manuel des recrues fut pour moi un ouvrage de base car j’avais décidé de me sortir de ce « guêpier » qui allait nous mener, mes camarades et moi tout droit en Indochine.
Nous restions une bonne centaine sur les cent vingt qui étaient arrivés avec ces camions puants le 14 février ; une dizaine avaient disparu : plusieurs inaptes, deux qui s’étaient fichu une peignée, ainsi que deux ou trois qui s’étaient ouvertement affichés antimilitaristes, un dernier qui pissait au lit mais que je soupçonne d’avoir pissé chaque matin juste avant le branle-bas.
Pendant un mois et demi, nous logeâmes dans la baraque Monge.
Et c’est là que nous devions pendant quelques semaines, jusqu’à Pâques peut-être, apprendre le métier de marin.
Bien entendu, c’est là que nous reçûmes aussi, avec la même terreur que les contingents nous ayant précédés, nos vaccins réglementaires, des piqûres qui nous faisaient un mal de chien pendant presque trois jours, et dont même ceux qui ont tout oublié se rappelleront toute leur vie, assorties de l’interdiction de manger pendant vingt-quatre heures ; ce qui était très dur aussi.
C’est pendant ce laps de temps que nous entendîmes dire pour la première fois que nous étions un cours de matelots d’équipage, que nous n’allions pas rester longtemps ici, mais que nous irions nous installer vers l’entrée du camp tout près de la porte, et à droite en entrant dans cette base.
Ce qui fut fait si mes souvenirs son bons après les vacances de Pâques.
Alors que pendant les semaines précédentes, l’instruction était décontractée avec parfois quelques punitions un peu vicieuses à la clé, au cours de matelot d’équipage ce fut intense et apparemment accéléré ; on était considéré comme des grands, nous avions en main entre autres, les armes dont nous étions appelés à nous servir sous peu, dont la grosse mitrailleuse Hotchkiss ainsi que le canon de 20M/M qui étaient montés sur des engins de rivière dans les deltas indochinois et qu’ici on s’entraînait à démonter, ainsi que des armes légères : le fusil mitrailleur, le fusil et la mitraillette.
Nous avions à notre disposition, la reproduction, construite par les charpentiers locaux, de la plage avant d’un petit bateau, genre chasseur, en modèle réduit, sur lequel était installées des lignes le mouillage, ainsi qu’un petit guindeau.
Et l’on mouillait et l’on appareillait sous les ordres d’un second maître de manœuvre, qui jouait le rôle de commandant et qui rentrait de là-bas, sans doute, au vu de tout ce qu’il nous en disait.
Dans la campagne bretonne, dans des terrains incultes et un peu accidentés, non loin du CFM, on « jouait » à la petite guerre, c’est du moins ce que nous disait les garçons des autres contingents goguenards, alors que nous partions musette au dos, mitraillettes ou fusil en main, cartouchière à poste.
Mais le second maître instructeur fusilier nous éclairait en nous disant de bien prendre la chose au sérieux si l’on voulait en revenir, qu’il ne fallait pas jouer au matamore ; que ce n’était pas un jeu, qu’il ne fallait pas se faire tuer si nous voulions remplir notre mission, et nous devions la remplir.
Un mort ne peut pas remplir sa mission !
On n’a donc pas le droit de se faire tuer ! Et il faut bien y prendre garde.
Un soir, à l’étude, on nous avait montré un film éducatif, que j’ai oublié bien sûr, mais le titre était : Tuer ou être tué.
Ce second maître fusilier par ces quelques mots, résumaient le contenu de ce film.
Comme aux matelots d’équipage nous faisions de tout, le soir, à l’étude toujours, nous avions du scott et des signes à bras, deux ou trois fois par semaine.
Alors là, pour moi c’était parfait car je savais que ces deux activités entraient dans le travail des timoniers, une spécialité à laquelle comme nous le savons, j’étais très intéressé, et pour laquelle je m’étais engagé en tant qu’AIDE-SPECIALISTE.
Donc, pour le morse lumineux et les signes à bras, je fus très assidu, peut-être le plus assidu et puis, vers la fin mai nous apprenons que parmi les futurs timoniers qui faisaient leurs « classes » à Pont-Réan également, il y avait une défection ; que pour le remplacer, il serait pris un matelot d’équipage volontaire et après avoir satisfait à un examen de scott et de signes à bras.
Des volontaires il y en eut cinq au six et comme à ce petit concours local, j’obtins le « premier prix », je fus dirigé vers cette douzaine de matelots se destinant à la timonerie.
Je quittai donc les matelots d’équipage, je ne serais pas un aide spécialiste, j’allais être un apprenti timonier au fort du Cap Brun à partir du 1er juin 1950 ; nous le savons déjà.
Et en Indochine, et bien, j’irai plus tard.
André PILON