par COUSYN Sam 3 Jan - 21:50
Aprés les agapes de fin d'année, un peu mal au foie, je vais essayer de reprendre mes récits de notre aventure en Egypte.
Nous en étions donc au retour de la première mission de bombardement sur un escorteur égyptien au large d'Alexandrie le 1er novembre 1956.
Aprés une nuit difficile, car on rumine beaucoup dans ces moments là, il faut reprendre le chemin de la salle d'alerte du LAF. Le pont d'envol est déjà en pleine activité, il fait trés beau ce 2 novembre, la mer est calme, le vent absent.
Le PA presqu'arrêté, les travaux sur le pont sont moins difficiles, le chargement des munitions sur nos Corsair se poursuit et nous laisse présager de nouvelles sorties de bombardement.
Notre pacha, le LV Degermann arrive un peu aprés nous. Il vient de recevoir ces ordres définitifs et entreprend le briefing. Cette fois nous allons partir à douze avions, 800 obus de vingt, deux bombes de 500 livres pour les quatre premiers, deux bombes de 1000 livres pour les autres et un bidon supplémentaire de carburant par avion. Objectif: le terrain d'Alexandrie Dikheila, situé à l'ouest d'Alexandrie. A l'est de la ville, la pointe d'Aboukir. Aboukir, étant une école de cannonage, abrite une forte concentration de DCA. Il faudra donc les surprendre. Nous serons séparés en trois patrouilles de quatre. Une patrouille commandée par le pacha contournera le sud d'Alexandrie et bombardera les hangars du terrain d'aviation en vol rasant et dégagera vers le sud-ouest pour laisser la place aux huit avions suivants arrivant par le sud-est selon un timing trés précis et chargés de détruire les pistes d'envol et quelques batiments.
Les consignes radio, les points de rassemblements aprés catapultage et aprés l'attaque sont précisés, les cartes aéronautiques et les plans de Dikheila étudiés et marqués de tous les points de DCA connus, les consignes en cas de crash, etc...
Tout est prêt et nous attendons fiévreusement le trés attendu " Ici la passerelle, pilotes aux avions ". Ca y est, c'est parti ! Heureux mais concentrés, nous courons dans les coursives menant au BTA pour signer la "formule 11" de son avion et déboulons sur le pont d'envol (trés calme, vent presque nul).
Salut à nos patrons d'appareils et aux chiens jaunes, brelage, mise en route, essais radio, réchauffage du moteur en surveillant tous les éléments essentiels...
On s'impatiente en attendant le top de la passerelle pour rejoindre les catapultes.
Je crois que, comme la veille, je suis l'avant dernier des 12 avions. C'est le grand vacarme habituel... Bon, l'ordre arrive, les premiers avions s'ébranlent, le PA qui était vent arrière entame son virage pour venir debout à ce tout petit vent, va prendre sa vitesse max, 31/32 Kts. Le premier avion se place déjà sur la catapulte et je n'ai pas encore bouger. Allez, allez, je trépigne... Grand bruit, le PA s'ébroue à chaque catapultage toutes les 20 à 30 secondes. C'est mon tour, mon cheval est bridé, plein pot, tout va bien du côté moteur, je salue et PAN... je vole. Train rentré, volets rentrés. C'est merveilleux! J'ai dix avions devant moi, je ne risque pas de me perdre. La première patrouille vire à droite pour se rassembler et partir au sud, tandis que les deux autres patrouilles se retrouvent par un large virage à gauche et entament la montée vers Alexandrie, Alexandra (non, la chanson n'existait pas encore...) Quarante longues minutes de trajet.
La côte est en vue, on voit bien Aboukir, puis le port d'Alexandrie, on s'approche et brusquement la DCA se déchaine par un tir de barrage énorme. Les déflagrations se rapprochent de nous et bientôt nous entourent complètement. On voit entre les flocons gros comme des maisons, le terrain de Dikheila qui se profile. La première patrouille vient de franchir les abords de l'aérodrome et, quelques secondes aprés on voit les hangars voler en éclats et de gros panaches de fumée se développer. La deuxième patrouille aux ordres du LV de Saint Quentin part en piqué à intervalles réguliers de 7000'( là on connait et le bombardement sera précis). C'est notre tour, on pique entre les derniers flocons impressionnants mais complètement inéficaces (Dieu merci). Les pistes sont trouées d'énormes cratères, et il faut se cavaler en vitesse en évitant Alexandrie et Aboukir.
C'est fini, il faut se retrouver, encore quelques minutes et nous nous retrouverons tous "à la maison" sur notre bon vieux LAF.
Les reconnaissances aériennes ultérieures attesteront que nous avions fait du bon boulot.
L'absence d'adversaires aériens nous rendait, il faut l'avouer, un peu plus sereins.
Rendez-vous au 3 novembre 1956 pour l'épisode suivant.