Un accident à bord du Golo

Le Golo trace sa route à 9 nœuds sa vitesse de croisière venant de Haiphong pour rejoindre Saigon ; un chemin qu’il connait presque par cœur, depuis un an et demi qu’il est en Indochine il l’a parcouru plusieurs fois. Nous sommes dans le courant de 1953, mais le matelot timonier Joseph le Hegarat qui nous envoie ce texte ne se souvient pas de la date.
Le Golo transporte des chars amphibies LVT (Landing Véhicules Tracked), appelés plus couramment alligators ainsi que les légionnaires du Premier Régiment Etranger de cavalerie qui les servent. Le LST est souvent en opérations avec eux, comme les autres LST du reste. Les alligators, qui sont des engins de 16 tonnes d’origine américaine, vétérans de la Seconde Guerre mondiale, sont solidement amarrés dans le hangar.
Le vent est quasi nul, mais la mer commence à grossir avec une houle de travers bâbord qui vient du grand large du Pacifique et le Golo se met à rouler fortement. Probablement générée par un typhon au grand large, cette mauvaise mer ne peut faire que s’amplifier.
Il faut donc vérifier l'amarrage de tout le matériel et particulièrement les chars alligators. Ceux-ci sont fixés dans le pont du hangar par de forts ridoirs, qui sont des chaines à tendeurs et qui sont accrochés à l'engin et dans un emplacement prévu au sol par une grosse boule que l'on glisse dans une cavité en forme de croix, la boule passe au milieu et se trouve coincée dans un bras de la croix qui est conçue de façon à pouvoir fixer un ridoir dans chaque bras. Chaque alligator est ainsi solidement agrippé aux quatre coins.
Tous les hommes disponibles sont là et s’affairent à resserrer les ridoirs au maximum afin de reprendre le moindre jeu. Quand le bateau tangue ou roule il faut resserrer les ridoirs qui pourrait avoir pris un peu de mou.
Alors que tous les engins et le matériel sont maintenant solidement amarrés, le commandant ordonne de laisser deux hommes en surveillance assidue reliés à la passerelle par phonie.
Certains légionnaires et des soldats vietnamiens dorment dans leurs chars, quelques-uns ont tendu un hamac de fortune entre deux alligators ou entre les alligators et la paroi du hangar.
La mer continue de grossir, le Golo roule de plus en plus. Monsieur Cussac, le commandant fait réduire la vitesse qui n'est pourtant pas rapide mais par mer forte c'est plus prudent et il vaut mieux.
Tout à coup un veilleur du hangar signale à la passerelle de navigation qu'un alligator s'est détaché, ridoirs rompus, et cogne dans les autres. Aussitôt le commandant fait modifier la route pour prendre la vague par l'arrière (ce qui s’appelle "mettre en fuite") c'est beaucoup plus calme et l'équipe disponible descend avec le maître de manœuvre pour reprendre l'amarrage.
On allume toutes les lampes du hangar, on voit qu'il y a deux blessés et sans doute un mort. L'infirmier et un aide sont appelés pour s'en occuper. Tous les autres, nous resserrons les ridoirs qui sont détendus, le plus dur est de replacer l'engin qui a ripé ; il faut arriver à le faire sans accident.
Après de gros efforts de chacun tout est à nouveau fixé.
Un soldat vietnamien qui s'était installé entre deux alligators a été écrasé et est mort sur le coup. Les deux blessés sont tombés du haut de l'engin et l'un d'eux a reçu en plus une plaque de fer sur les jambes.
Il est fait interdiction aux soldats de descendre dans le hangar, deux factionnaires vont rester sur place. Tous les légionnaires qui étaient en bas doivent remonter sur le pont.
Les trois hommes ont été remontés, les deux blessés ont reçu les premiers soins mais il faut les conduire vers un hôpital très rapidement.
Le commandant fait modifier la route pour rejoindre Tourane le plus vite possible.
Maintenant nous n'avons plus la mer par le travers, mais sur l’arrière, on peut donc remettre à l'allure normale.
En arrivant près de Tourane une vedette nous attend avec du personnel médical à bord. Les trois hommes sont débarqués et nous continuons notre route vers le sud, vers Saigon. La mer s'est un peu calmée et nous n'avons plus eu de problème.

Un LST construit en 71 heures !

Bien sûr ce fut un exploit. C’est le LST 475 qui a été construit dans ce temps record d’un peu moins de trois jours comme vous le voyez sur la photo que je poste, celle où, à 11 heures, le 16 novembre 1942, on s’apprête à faire sauter les cales et à le laisser glisser dans son futur élément. D’une façon générale, il fallait, au début de la construction des LST, deux à trois mois pour construire ce type de navire, et ce temps était variable selon les chantiers, et puis cela s’accéléra en 1944 où l’on a atteint le mois entre la mise sur cale et le lancement.

Voici une photo qui a été déposée dans navsource aujourd’hui 24 septembre. Elle nous montre le LST 134 beaché en Normandie pendant la bataille. Nous sommes, dit la légende, le 12 juin 1944. Devant la rampe d’accès au hangar se trouve une jeep arborant la Croix Rouge, et dans cette jeep il y a plusieurs blessés, dans le véhicule et sur le capot. Un autre blessé est en cours d’embarquement, porté sur une civière. Ce n’est pas dit, mais il semble bien que presque tous ces gens sont des FFI, (Forces Françaises de l’Intérieur) au vu de leur tenue disparate. La légende ajoute qu’il vont être conduits en Angleterre.