UN PEU D’HISTOIRE
L’ATTAQUE DE DIEGO-SUAREZ PAR LES ANGLAIS (5 MAI 1942)
Voici un autre article très intéressant sur la fin tragique du croiseur-auxiliaire Bougainville dont seules la cheminée et une partie des superstructures restaient encore apparentes en 1972, gentiment communiqué par Bernard Malter, secrétaire de l'Amicale de la Marine de Dijon, qu'il en soit ici remercié :
Il est 4 H 55. Tout le bord est endormi. Seuls veillent le factionnaire et l’officier-marinier de service. Soudain, des coups de canon, très lointains, sont entendus, puis des bruits de moteur lointains mais en rapprochement, puis quelques explosions. En quelques minutes, tout l’équipage rallie son poste, commandant et officiers sur la passerelle ou à leurs postes de D.C.A. L’ingénieur-mécanicien est descendu à la machine et a lancé la dynamo. Tout le monde a compris : une attaque anglaise !
Quelques minutes plus tard, une torpille est signalée passant sur l’arrière du Bougainville et sur l’avant du D’Entrecasteaux. Elle explose sur la côte. Le commandant rappelle aux postes d’appareillage. Soudain, de la passerelle, on aperçoit un avion qui se dirige vers le bord. Il vole bas et toute la D.C.A. ouvre le feu sur lui. Il vire aussitôt et fait route sur le cap Diégo. Nous apprendrons plus tard qu’il est tombé en flammes sur la presqu’île du cap Diégo et qu’il a mis le feu à la brousse.
A peine l’appareil anglais a-t-il viré de bord que le bâtiment est secoué violemment. En même temps, une colonne d’eau et de fumée s’élève sur l’arrière à tribord. Une torpille vient d’exploser par le travers de la cale 3. Le pont est brisé, le poste arrière d’équipage est dévasté. L’arrière du bâtiment s’enfonce rapidement. Beaucoup d’hommes sont gravement blessés et affluent à l’infirmerie. L’explosion a fait une brèche dans le tunnel arrière, les deux lignes d’arbre sont brisées.
Puis, alors que la D.C.A. tire toujours, on aperçoit un sillage de torpille qui se dirige sur notre avant. Quelques secondes après, une deuxième explosion secoue le bâtiment avec un bruit terrible. Une minute après, tout s’embrase et le commandant ne peut que se résigner à donner l’ordre d’évacuer le bateau.
Vingt minutes après la première alerte, l’arrière est tellement enfoncé que le pont est au niveau de l’eau. Les quatre radeaux arrière descendent sur leurs glissières et les hommes n’ont qu’à enjamber la rambarde pour quitter le bord. Les deux radeaux de bâbord avant sont mis à l’eau, par contre les radeaux tribord avant ont été détruits par l’explosion. Un remorqueur de la Direction du Port élonge le Bougainville et prend à son bord le personnel qui n’a pu trouver place sur les radeaux.. Il ne reste plus à bord que le commandant, quelques officiers et le personnel de D.C.A. sur la passerelle supérieure, qui tire toujours dans la fumée. Finalement, le personnel de D.C.A. évacue, puis le commandant me demande si tout le bord est évacué. Sur ma réponse affirmative, il me donne l’ordre d’embarquer sur le canot. Il reste seul à bord, sur la passerelle et ne paraît pas vouloir descendre. Je remonte à bord, l’appelle avec insistance. Il descend enfin et monte dans le canot.
Quand nous sommes à cinquante mètres, les parcs à munitions sautent. Le Bougainville flambe maintenant de l’avant à l’arrière. Il est échoué sur le fond de la rade, incliné sur bâbord…
(Texte extrait du livre "Les Fusiliers marins de Leclerc" de l’amiral Maggiar).