Extrait du livre de Jacques Mordal.
Patrouilles des fleuves et des lacs. (1)
Les débuts de 1947 ont vu de nombreuses modifications dans l' organisation du commandement en Indochine.
L' amiral Thierry d' Argenlieu quitte les fonctions de Haut Commissaire et sera remplacé le 27 mars par M .Bollaert
Le général Leclerc est parti, l' amiral Auboyneau termine son commandement et sera remplacé à la têtes des Forces Maritimes d' Extrême Orient le 18 février 1947, par le vice-amiral Battet qui aura sous ses ordres le contre-amiral Graziani comme commandant de la division navale d' Extrême Orient et le contre amiral Kraft commandant la Marine en Indochine.
Saïgon demeure la base principale de ces forces.
L' arsenal en pleine renaissance, a pu assurer les carénages de l' Annamite et de la Gazelle, mais bientôt les besoins des flottilles fluviales absorberont toutes ses possibilités et les avisos devront à tour de rôle rentrer réparer en France, ce qui représente une absence minimum de 10 mois sur trente.
La Division Navale d' Extrême Orient va perdre l' un après l' autre ses trois croiseurs de 10000 tonnes renvoyés en France pour y désarmer.
Le Tourville, resté le dernier, est remplacé au mois de décembre par le Dugay - Trouin, frère jumeau de La Motte - Picquet.
L' arrivée de quatre dragueurs et de l' aviso Commandant Bory ne compensera pas ces prélèvements, mais par contre le renforcement de l' aviation maritime et l' intervention des portes-avions constituent un appoint appréciable.
La crise du 19 décembre 1946 n' avait pas provoqué en Cochinchine des événements spectaculaires comme ceux qui se déroulèrent au Tonkin.
La petite guerre qui sévissait à l' état endémique s' en trouva simplement aggravée et "perfectionnée".
Les rebelles faisaient de rapides progrès dans la technique du sabotage, s' exerçant plus particulièrement sur les routes, ce qui, par voie de conséquence, augmentait pour nous l' importance du trafic fluviale, et partant les charges de la Marine.
Les cours d' eau à leur tour furent bientôt attaqués et obstrués, les convois rançonnés ou pillés, les canaux parsemés de barrages et de pièges .
Si paradoxale que puisse paraître cette comparaison, la guerre que le Viêt-Minh nous même en Cochinchine a plus d' un point commun avec celle qui se déroula au désert, en Afrique, de 1940 à 1942.
De même qu' on occupe pas le désert, qu' on y établit difficilement un front continu, sans cesse tourné, de même on n' occupe jamais intégralement ce pays noyé, imbibé comme une éponge, percé de mille rachs ou arroyos.
On le traverse, on s' installe, de place en place, et derrière vous, reparaît l' adversaire qui demain s' insinuera à votre place pour peu que vous soyez obligé d' aller opérer ailleurs.