Ce qui suit est extrait d'un ouvrage édité en 1959 par les éditions PUBLEDIT - 71, avenue d'Amade - CASABLANCA
écrit par Jacques Mordal
Titre de l'ouvrage "HISTOIRES DE LA FLOTTE FRANCAISE DE COMBAT"
1/2
"Le premier bombardement de Berlin"
Fin du 1/2
écrit par Jacques Mordal
Titre de l'ouvrage "HISTOIRES DE LA FLOTTE FRANCAISE DE COMBAT"
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"Le premier bombardement de Berlin"
- Spoiler:
"Comme si les choses n'allaient pas encore assez mal ce 3 juin 1940, voila que la Luftwaffe s'avisa de venir bombarder Paris !
Ce même jour, à des centaines de kilomètres de là, un grand avion survolait paisiblement les eaux du golfe de Gascogne, surveillant un paquebot cheminant vers le sud de toute la vitesse de ses hélices. Mission d'importance, car ce paquebot, le Ville d'Oran, armée en croiseur auxiliaire, venait d'appareiller du Verdon pour évacuer sur Casablanca une importante réserve d'or. L'avion JULES VERNE avait pris l'air pour déceler sur son avant tout sous-marin qui pourrait se trouver sur sa route et le dérouter en temps opportun pour empêcher un torpillage. Il ne se passa rien. "Mission de plaisance" , notera sur son journal l'un des membres de l'équipage en rentrant se poser sur le terrain de Lanvéoc-Poulic, près de Brest, à huit heures du soir.
Il faut dire que depuis trois semaines, le capitaine de corvette Henri Daillière, commandant l'avion JULES VERNE, avait emmené son équipe dans de reôles de coins. Ils avaient été, le 13 mai, bombarder Aix-la-Chapelle ; ils y étaient revenus la nuit suivante. Le 18, ils attaquaient les allemands à l'ile de Walcheren dans l'Escaut, puis le 19, Aix la Chapelle, et ensuite Flessingue, Anvers... Bref, des endroit où l'ennemi était bien sur ses gardes. Lisez plutôt ces notes du maitre mécanicien volan Corneillet pour la sortie de la nuit du 19 au 20 :
Nous sommes partis de Lanvéoc-POULMIC vers 21 heures, il faisait un clair de lune splendide. Nous avons survolé Aix vers 23 heures à quatre cents mètres d'ltitude, et cette fois on nous attendait : dix, vingt, cinquante, cent projecteurs se sont braqués sur nous.
Les mitrailleuses et les mortiers s'étaient mis à cracher, nous étions littéralement sous une pluie de feu. Le commandant donna l'ordre à Queugniet de voler encore plus bas. Les secondes étaient pour nour des heures dans cette fournaise, quand tout à coup on se setit allégé. Le bombardement venait d'être fait et le but était atteint. C'est alors que Deschamps et moi, qui étions à l'attière, avons senti que nous perdions l'équilibre. Queugniet tortillait tellement le Jules pour lui donner de positions échappatoires, qu'il nous était difficile de rester debout. Nous rasions les toits des maisons et, quand nous quittâmes la ville, nous euûmes l'impression qu'il n'y avait pas un coin de champ sans mitrailleuse. Cette pluie de feu enfin devenue moins dense, le commandant donna l'ordre de reprendre de l'altitude. Nous étions sauvés... Nous pensions que le Jules était criblé de balles, et nous avions hat d'arriver au Poulmic pour nous rendre compte des dégats. Quand nous avons stoppés devant les hangars, nous avons pu constater que nous n'avions que deux trous dans l'aile droite et un dans le stabilisateur droit. Un vrai miracle...
Mais qu'était ce donc que cet avion ? Un puissant bombardier ? Vous n'y êtes pas. Le JULES VERNE avait été construit pour le métier le plus pacifique qui soit. C'était l'un des quatre longs courriers - Farman 2334 - que la compagnie Air-Franc avait en essais pour les lignes d'Atlantique Sud, au moment où la guerre éclata. Ces essais étaient en grande partie dus à l'initiative du élèbre Codos qui avait toujours soutenu le point de vue que, pour traverser l'Atlantique, mieux valait des terrestres que des hydravions comme on en utilisait encore normalement. Un jour qu'il décrivait au ministre de l'Air les plans de l'appareil qu'il estimait le mieux adapté à cette tâche, ce dernier lui avait répondu :
- Mais, Codos, c'est du Jules Verne !
- Peu importe ! avait-il répliqué.
Et sa première machine s'appela JULES VERNE.
Il y en avait trois autres. C'étaient de grands quadrimoteurs capables de voler cinq à six mille kilomètres, mais relativement lents et nullement construits pour porter des armes à bord. Le ministre de l'Air qui les avait réquisitionnés, au mois de septembre 1939, ne savait qu'en faire. On ne parlait pas encore d'aller bombarder l'Allemagne, ni surtout Berlin où seuls quelques avions anglais avaient été lancer des tracts. Et, de tout façon, des appareils comme le JULES VERNE étaient les derniers qu'on aurait songé à y envoyer. Ils se feraient descendre comme de vulgaires perdreaux !
C'est ainsi que les quatre Farman dormaient paisiblement sous leur hangar lorsqu'on apprit au mois d'octobre la présence d'un corsaite allemand dans l'atlantique sud. C'était l'Admiral Graf Spee.
La marine songea alors que ces grands avions seraient excellents pour les longues explorations en mer, et l'un d'eux, le CAMILLE FLAMMARION, fit quelques vols au-dessus de l'atlantique sud. Ce n'était d'ailleurs pas lui qui trouva le cuirassé allemand, mais qu'importe ! La marine était satisfaite des possiblités qu'offraient ces appareils, et elle demanda au minstère de l'Air de les lui céder tous les quatre. C'est ainsi que le JULES VERNE se trouvait, au mois de mai, équipé de lance-bombes et de mitrailleuses sous le commandement de Daillière avec un équipage de cinq aviateurs de la marine : enseigne de vaisseau Comet, second; maitre principal Queugniet, pilote; maitre mécanicien volant Corneillet; maitre radio volant Scour; second maitre mitrailleur bombardier Deschamps. Les autres appareils étaient en cours d'armement et devaient constituer sous les ordres de Daillière une nouvelle escadrille d'exploration à très grand rayon d'action.
Evidemment, l'armement défensif laissait à désirer. Deux mitrailleuses installées vaille que vaille, c'était peu pour se défendre contre le premier Messerschmidt venu. Mais le JULES VERNE pouvait, s'il était nécessaire, emprter deux ou trois tonnes de bombes, beaucoup plus qu'aucun autre bombardier à l'époque.
Au retour de cette paisible mission dans le golfe de Gascogne, Daillière apprit qu'il était convoqué d'extrême urgence à Maintenon, au poste de commandement de l'Amirauté Française. Il s'y présenta dès le lendemain et fut reçu par le capitaine de vaisseau Auphan, sous-chef d'état major chargé des oprations.
- Daillière, vous savez, n'est ce pas, que les Allemands ont bombardé Paris hier. Cela leur a couté assez cher, puisque j'apprends à l'instant qu'ils y ont laissé ving-six appareils. Mais il faudrait relever le défi. L'Air ne peut rien faire. Les malheureux sont sur les dents, et ce qu'il leur reste de bombardiers n'aurait même pas le rayon d'action. Que diriez vous ...
- D'aller avec le JULES VERNE sur Berlin ?
- Je n'aurais pas songé à vous en donner l'ordre. Je voudrais seulement connaître votre avis.
En fait, c'était une pure folie. Daillière et son équipage avaient toutes les chances d'y rester. Et ce n'étaient pas ces deux malheureuses tonnes de bombes, en admettant qu'il pût les livrer à Belin, qui changeraient quelque chose au sort de la bataille. Mais il n'eut pas une seconde d'hésitation.
- C'est entendu, Commandant, j'irai sur Berlin avec le JULES VERNE.
- Réfléchissez bien. D'abord, êtes vous sûr d'y arriver ?
- naturellement ! Pas question de passer en ligne droite par-dessus les lignes, pour ramasser toute la Flak sur des centaines de kilomètres et se faire suivre à la trace, de poste d'écoute en poste d'écoute. Je prendrai par la mer, comme je l'ai fait pour aller à Aix la chapelle, et je couperai la côte allemande quelque part en Baltique au plus près de Berlin. De ce côté là, ils ne nous attendrons surement pas.
- Bien, fit le commandant Auphan. Nous allons voir ce qu'en disent les Aviateurs.
Le général Vuillemin ne pouvait donner que sa bénédiction à ce candidat au suicide. Daillière, sans plus attendre s'en revint à Lanvéoc et fit convoquer tout son monde.
- On repart, les enfants ! Et vous savez où ?
-? ? ?
- A Berlin !
- A Berlin ! Fit Deschamps, le mitrailleur. ous n'allez tout de même bombarder Berlin à quatre cent mètres comme Aix la Chapelle ou Walcheren !
- Non, bien sur, mais à deux mille mètres.
- A deux mille, commandant, il y a encore des saucisses.
- Diable ! fit Daillière sur un ton ironique, je n'y avais pas pensé ! Vous m'effrayez !
Effrayé, il ne l'était pas plus que Deschamps. Pour l'instant le seul point délicat, c'est qu'il allait falloir décoller leJules avec six mille litres d'essence, plus de deux mille kilos de bombes... le grand plein, quoi, dix huit tonnes en tout. Et pour ce poids, rien à faire à Lanvéoc. La piste n'était pas assez longue.
- Où y en a-t-il une convenable ?
La meilleure, tout compte fait, se présentait au terrain de Mérignac, à dix kilomètres de Bordeaux.
Bordeaux, ce n'était pas exactement sur la route de Berlin, mais qu'importe ! Daillière y emmena le JULES VERNE d'un coup d'aile le 6 juin , et c'est là qu'on fit les grands pleins.
A 15H30 , le 7 juin, le JULES VERNE était placé à l'extrémité de la piste de Mérignac, bordée d'une double rangée de spectateurs. Toute la base était accourue pour assister à ce départ émouvant.
Au manche, le premier maitre Yonnet a remplace Queugniet, épuisé par les missions précédentes. Comet fera la navigation avec son habituelle précision. Aucun changement dans le reste de l'équipage.
Point mort, Réchauffage. Vérifications. Enlevez les cales !
Fin du 1/2
Dernière édition par Fanch 56 le Ven 27 Mar 2009 - 13:30, édité 1 fois (Raison : Mis sous spoiler)