par droesch Dim 13 Nov 2016 - 10:02
Bonjour à tous,
la Poyaud était la mascotte du Marcel Le Bihan jusqu'en 1974. Elle avait un copain, jojo. Il y avait donc deux mascottes à bord. La Poyaud était partout où se passait quelque chose mais rongée par l'arthrose, elle avait toujours l'air triste d'un chien âgé souffrant de voir partir les gens auxquels elle s'était attachée.
Un soir, à Punta Delgada aux Açores, un autre chien apparut à bord. Un chien qui, avec sa fougue et sa jeunesse, a attiré toutes les attentions. Il jouait, il courrait et apportait à tous les membres de l'équipage une joie que la Poyaud n'avait plus la force de donner.
Il se fit appeler Tatayo et partagea avec nous une sortie en mer d'une dizaine de jours pendant lesquelles il égaya la dure vie de marin. Il mangeait autant qu'une grande vénerie dans un Club Med.
De retour à Punta Delgada, le Commandant fit savoir qu'il y avait trop de chiens à bord et ordonna de débarquer Tatayo. On ne pouvait pas lui donner tort. Quelle déception pour l'équipage face à cette sage décision. On assista même à une crise de nerfs d'un matelot qu'il a fallu calmer.
La veille de la fin de l'escale, la situation se compliqua après que des membres de l'équipage avait attaché un sac de 25 kg de grenaille au cou de la pauvre chienne. Certains avaient simplement conclu que s'il y avait un chien de trop il fallait en sacrifier un. La Poyaud avait fait l'objet du choix. Le jury de la mort était composé d'une dizaine de personnes débattant stupidement sur les décisions à prendre. Nous avons expliqué que de toutes façons Tatayo serait débarqué le lendemain; que ce qu'ils s'apprêtaient à faire était aussi scandaleux qu'inutile; que la Poyaud était la mascotte du bateau et qu'ils n'avaient aucun droit de décider de sa vie.
La situation semblait s'être apaisée mais le lendemain, nous apprenions que l'un d'entre eux avait donné le coup de pied fatal dans le sac de grenaille entraînant la Poyaud dans les eaux noires du port de Punta Delgada.
Le lendemain nous avons appareillé. Avant que la coupée soit levée nous avons débarqué Tatayo. Le pauvre chien sentant l'abandon parcourait le quai cherchant un moyen de remonter à bord, là où il avait probablement connu les meilleurs journées de sa pauvre vie.
Personne ne chercha à connaître celui qui avait exécuté la cruelle et incompréhensible sentence car on savait qu'il aurait probablement et discrètement subi le même sort. Personne du commandement ne posa de questions.