Plus tard il deviendra cet impitoyable général qui incarnera l’âme même des guerres de Vendée et de Vendéens.
Après une nuit constructrice passée au foyer du marin de Lorient.
Dans la douceur de ce matin du vingt quatre mai 1967, je gagne l’arsenal de Lorient.
Le gendarme maritime à la porte principale m’indique la cale ou le BSL Loire est en construction, ma première affectation au sortir du B.E. de transfiliste.
Une HORREUR !!!
Un mélange de tôles rouillées et de tôles peintes.
- Spoiler:
A la coupée je suis accueilli par le matelot de quart qui me fait son plus beau salut militaire.
Ce matelot n’était tout autre que le cuisinier Jean-Claude Legrand, nous allions devenir de grands copains.
D’ordinaire les cuistots ne font pas de garde, mais l’équipage pont était si peu fourni que tout le monde participait, sauf les Trans qui faisaient leur quart au PC.
Je me suis présenté au B.S.I. pour informer de mon arrivée à bord, j’y ai fait connaissance du maître commando Béchu notre bidel.
Après un échange de banalités.
Nous sommes allés au secrétariat, la porte d’en face. Accueilli sympathiquement par le maître fourrier Jean Floch, je fis connaissance du matelot secrétaire Yves Lescour et du second maître secrétaire Garnier.
Après toutes les formalités administratives, le « bidel » me conduit jusqu’à mon poste de couchage.
Et peu après au PC transmission, un matelot breveté provisoire transfiliste dont le nom m’échappe à présent occupait les lieux.
J’allais passer les trois quart de mon temps dans ce lieu.
Là ça y était, je faisais parti de la grande famille de la marine, j’attendais ce moment depuis le deux octobre 1966 date de mon engagement signé à Nantes.
Je me souviens de la fête place Saint Pierre et toutes les bières que d’autres engagés et moi avons bu.
Avant de prendre le train du soir pour Hourtin.
Aujourd’hui je passe souvent près de cette place, mais au mois d’octobre la fête est de nouveau là et je dois dire que j’ai quelques frissons et quelques regrets de la jeunesse enfuie.
Enfin ça c’est une autre histoire.
Ma spécialité, m’a permis d’assisté à l’installation de tous les moyens de communication, émission et réception, par les ouvriers de la DCAN Lorient.
Je connaissais tous les branchements.
J’ai transmis cette connaissance au patron du PC Trans le Maître Radio Pencreach et au SM Transmetteur Régis Sabatier, lors de leur embarquement.
Régis respectueux des us et coutumes de la marine, m’a sorti toute une soirée dans Lorient, pendant cette sortie il m’a tout payé, resto, ciné et autres…
C’est un type formidable.
Je serai extrêmement heureux de le revoir.
L’équipe du PC Trans. grossie sérieusement au fur et à mesure des embarquements.
Le QM1 radio Legal qui dans le civil était officier radio de la marine marchande comme le QM1 radio Batat, le matelot transfiliste Dubois et le QM1 Transfiliste Patrice Echasseriau.
Armée pour essais depuis le 4 mars 1967 le staff ce composait du commandant le CC Hervé.
L’officier en second le Lieutenant de Vaisseau Bodin avait une histoire peu commune avec le matelot secrétaire Yves Le Scour, mais laissons Yves raconter :
- « Il m’a mis sur le cahier tous les jours où j’étais à bord, mais dix minutes après j’étais amnistié d’une faute imaginaire après briefing avec le bidel Béchu ».
- « Le Scour, allez vous inscrire sur le cahier ! »
- « A vos ordres, capitaine ! » A peine la porte refermée, je courais dans la coursive en gueulant :
- « barrez vous, Bodin sort de sa cabine ! » Ca détalait de partout, vers les machines, vers la passerelle.
Yves se marre encore du cirque que ça créait.
Une histoire de fou, et c’était le cas.
L’officier transmission l’Enseigne de Vaisseau Parent.
L’OE ingénieur Goasguen officier machines et sécurité.
Fin du printemps 1967, allait commencer la longue période des essais.
Et mon amarinage fut…dur, dur ! Surtout que la première sortie consistait de faire des ronds dans l’eau dans le golfe de Gascogne… Enfin après deux longs jours, la mer et moi nous étions bons copains.
Ce retournement de situation s’est produit lorsque j’ai reçu un télégramme de ma mère m’annonçant la mort du « petit chef » le très jeune fils de notre voisin forgeron et qui m’appelait «chef» à chaque retour en permission.
La leucémie venait de refermer le livre de sa courte vie.
Ce choc m’a amariné pour toujours.
Pendant l’été 1967, essais d’endurance moteurs direction Madère, Ciudado Funchal.
Des dégustations dans les caves bien fraîches puis à la sortie 40°…Aïe aïe !!!
Le retour en calèche fut fêté et chanté (faux comme de bien entendu).
Dans les jours qui suivirent un sous-marin Britannique fit escale…
Conséquence quelques sous-mariniers à l’hôpital !
Plus un sermon de notre Pacha, suite à la plainte du Cdt du « Yellow submarine ».
Début 1968, le 30 janvier notre première mission :
La récupération de cercueils de soldats d’Indochine à Hambourg, pour les ramener à Marseille leur ville patrie.
Arrivée à Hambourg le 4 février chargement et le 5 appareillage vers Marseille. HPA 08h00 le 15/02/68. De Hambourg à Marseille une tempête monstrueuse tout du long, les vagues passaient par-dessus la passerelle.
Ça calme !
Après Gibraltar, même météo jusqu’à Marseille.
La Méditerranée en colère ce n’est pas mal non plus.
Nous avons effectué de chaudes escales à Toulon du 16 au 18 février 68.
Puis c’est le retour Toulon/Brest départ le 19 février 68 arrivée le 23 février 68. Une traversée sans problèmes notoires. Faut dire que le rodage était fait, enfin du moins.
Le temps était magnifique pour le retour vers notre cité bretonne.
Et le bronzage était de rigueur.
(Hors des services, des postes d’entretiens, des postes de lavages et autres..).
« Exercice Pécari » du 05 au 16 mars 68 que nous avons effectué en baie de Quiberon.
Appontage hélico, assistance BDC 3ième RIMa de Vannes, exercice de formation de ravitaillement avec la Saône.
Quel ennui !
Pendant ce temps ma copine m’attendait à Brest.
A cette époque notre petit groupe de copains sortait tous les soirs où nous n’étions pas de service.
Le lieu de ralliement le B.H.V. (Bar de l’Hôtel de ville) place de Strasbourg.
Le 26 avril 1968 nous appareillons vers les îles de la Frise pour l’opération « Vliestroom ».
Embarquement du deuxième groupe de plongeurs démineurs.
Le jeu consistait, tout simplement à draguer les mines de la mer du Nord, mines laissées par nos parents pendant la deuxième guerre mondiale.
Nous assistions la deuxième escadrille de dragueurs océaniques (Mytho, Vinh-Long, Cantho, Ouistreham).
Les dragueurs de la Royale Navy (là ça va faire mal, à quai), de la Marine Allemande (Kriegsmarine), de la marine Belge (Belgian MSO’s), des Pays Bas (Koninklije Marine) et des Portugais.
Nous sommes stoppés dans notre élan par une panne de moteur et nous sommes obligés de faire escale à Cherbourg du 28 avril au 1er mai 68 pour réparation.
Pendant cette escale forcée, le QM1 fusco Mathurin Corlou apprend la mort tragique de son frère, il doit regagner Lorient immédiatement pour son inhumation.
Il nous rejoindra plus tard à Den Helder.
Nous arrivons sur poste le 2 mai 68, jour de mes 19 ans. Nous y restons jusqu’au 10 mai 68 date à laquelle nous faisons escale à Den Helder.
Ayant refusé de prendre le pilote, le pacha nous à fait heurter un quai produisant une énorme bosse du côté de la cafétéria. Heureusement il n’y avait personne à déjeuner mais nous avons tous perdu l’équilibre.
La Loire s’est toujours fait remarquée partout où elle passait.
Durant cette opération en dehors de mon quart, comme j’étais opérateur projectionniste je faisais le cinéma aux équipages des dragueurs qui venaient à couple pour un repos bien mérité.
Mon grand collègue bosco Claude Mouta dit Coco, pilotait le LCVP pour porter le courrier et la valise Secret Défense sur chaque dragueur de notre Task force.
D’ailleurs lors d’un transbordement du canot vers Le BSL, le matelot secrétaire Delaporte est tombé à l’eau.
Rien de grave, bonne maîtrise de l’équipage du canot.
Nous avions quelques occupations quand même en dehors des quarts et du sacro -saint poste de lavage !
On essayait d’écouter la radio pour nous tenir au courant des événements de 68.
Le reste du temps avant le quart de minuit à 4h ou de 4h à 8h nous faisions des mémorables parties de Tarots dans l’avant poste transformé pour un moment en un Casino.
Nous étions ancrés de longs jours loin de la côte avec parfois cinq dragueurs à couple.
Nous sommes restés sur poste du 11 mai 68 au 19 mai 68, là nous sommes allés à Den Helder en repos.
Cette fois le Pacha à pris un pilote… !
Le 20 mai 68 nous sommes allés Coco, Mato, Francky,Lusten et moi en ville, tant pis pour les gars de la Royal Navy qui traînaient sur le port.
Il faut dire qu’en ville nous avions rencontré des gars du 2 ième G.P.D..
Retour sur zone jusqu’au 29 mai 68 fin de mission. Nous avons regagné Brest (enfin !).
A notre arrivée nous apprenons que toute la flotte est consignée à poste.
A cause des événements de mai…
Mais il y a eu une dérogation pour la IIième Esdra qui revenait d’opération.
Merci marine Brest.
En permission vers Saint Michel en l’Herm (Vendée), cette fois sans Coco car il terminait son lien et partait pour la Réunion.
Le capitaine de corvette Pierre Roulhac de Rochebrune prend le commandement du BSL le 12 juillet 1968
La Loire se déploie dans toute l'Europe, accompagnant la 2e ESDRA en Méditerranée, Espagne, Allemagne, Norvège, à La Pallice.
Le soutien peut être apporté simultanément à 10 dragueurs et deux groupes de plongeurs démineurs. Elle participe notamment aux exercices Tiburon II en octobre 1968 et Mistral en novembre 1968.
L’exercice Tiburon II eu lieu dans le Pertuis d'Antioche, près de fort Boyard.
Il est logique de faire escale à La Pallice pendant un week-end.
Mon copain Bernard dit « Nénesse » est venu me chercher avec sa dauphine Gordini.
J’étais à quatre vingt kilomètre de chez mes grands parents.
Je leur ai fait la surprise de ma visite.
Le lendemain j’ai été saluer le centre de Transmission, j’ignorai alors que ce serait ma prochaine affectation.
Durant le printemps 1969, la Loire part en croisière dans le grand Nord, du 22 avril au 12 mai 1969, avant de soutenir les exercices Toundra en mai-juin 1969, Marindra en septembre 1969,
La première escale de notre croisière a été Dublin.
Nous avons attendu le remorqueur un bon moment parce que Frankie avait mal positionné son code Hôtel, il avait hissé « je vais vous attaquer ».
Je ne sais pas quelle en a été la conséquence vis-à-vis du Pacha…
Quoiqu’il en soit nous avons fait escale, et tout prêt d’un chalutier français, plutôt Bretons indépendantistes, nous avons passé une bonne partie de la soirée avec eux et quelques bières…
J’ai beaucoup apprécié la gentillesse des gens de Dublin.
Ils nous avaient organisé un bal avec des jeunes filles sous la surveillance d’une « duègne » .
Le port est fantastique avec ses montages de fûts de Guinness.
J’ai connu une fille dans une boîte de nuit, pas une Irlandaise mais une Écossaise, nous avons correspondu longtemps (6 mois environ).
Nous avons quitté Dublin à regret, tout l’équipage était mélancolique ou c’était les effets de la Guinness de la veille…Vas savoir !
Nous avons fait route sur l’Islande, où nous sommes arrivée le 2 mai 69, c’était le jour de mes vingt ans, dans tous les bars les islandais on me payait des whiskies. Moralité je suis rentré vers une heure et demi, à la coupée l’officier de garde était le lieutenant de vaisseau Deville (l’officier en second).
Il m’a dit :
- « alors mon pays, on a qu’une fois vingt ans, rentres te coucher ! ».
Je n’ai pas demandé mon reste, car en plus j’avais perdu mon col.
Cette nuit là j’ai bien dormi, écrous contre écrous, point de soudure.
A Reykjavik c’était la fête de l’été en ce mois de mai, mais nous sortions avec le caban et on n’avait pas chaud.
Nous avons appareillé vers le cercle polaire.
Nous sommes allés jusqu’à l’île aux ours.
On nous a décerné un diplôme du passage de la ligne, quelle fierté !
Nous avons vu de magnifiques aurores boréales, avant de rejoindre Bergen.
Là le Bidel m’a désigné pour passer une soirée chez l’habitant.
Je fus reçu dans une famille dont le père était commandant dans l’armée de terre, je ne vous raconte pas la jeune fille sensiblement du même âge que moi…
L'été 1969 est mis à profit pour effectuer un petit carénage (7 juillet au 2 août 1969).
Et c’est à St Michel en L’Herm ou je passais de merveilleuses vacances que j’ai reçu l’ordre de rejoindre la Loire pour une nouvelle affectation.
Le lendemain je partais pour Brest, à mon arrivée le Bidel maître Béchu m’annonça mon départ immédiat pour l’État-major La Pallice-Rochefort.
Bien sûr c’était tout prêt de chez moi, mais c’est avec un pincement au cœur que je quittais « mon navire ».
A l’heure actuelle, 36 ans plus tard.
J’ai toujours la même affection pour ce bateau.
Et que si l’occasion se présentait j’irais tout ému pour la saluer.