Nous sommes de jour, par beau temps, hors exercice, en marche au schnorchel.
L'officier de quart est au périscope de veille, je suis occupé à la table à carte à je ne sais plus quel travail.
Le tout nouvel adjoint de CO est à la table traçante, il retranscrit sur calque la situation surface en fonction des éléments transmis par les différents senseurs et en déduit les distances, routes et vitesses.
Situation banale, rien de particulier à signaler.
La charge batterie terminée, l'alerte est donnée, une immersion de 100 mètres ordonnée.
Je me retourne pour surveiller si l' adjoint fait son boulot, c'est à dire vérifier - entre autres mais en priorité - la position des aériens.
Je le vois vérifier l'affalage du périscope d'attaque puis, de dos, manipuler ce qui doit être une des deux commandes groupées de l'APV (radar) ou de l'ARUR (détecteur d'émission radar)
... on commence à descendre...
... et je me dis que c'est quand même moi le patron de CO et qu'il serait normal que je cesse momentanément le travail sur carte qui n'est pas d'une importance capitale pour vérifier individuellement, moi même, personnellement, et particulièrement avec mes propres yeux à moi tout seul si tout est clair au niveau de la sécurité... d'autant que l'adjoint débute.
...N... de D... Les manettes de l'APV et de l'ARUR sont basculés du même côté.
Croyant rentrer le radar, il l'a sorti !
Je me rue sur la poignée, je la pousse et garde bêtement la main crispée dessus comme si elle avait le pouvoir d'atténuer le choc au moment où le mât va taper sur sa butée.
C'est que l'on est déjà à 30 mètres et la pression précipite sa descente...
Boum !.. Le bord tressaute sous l'impact.
Le rideau du carré s'écarte aussitôt et le pacha me regarde toujours accroché à ma commande comme un brénique à son rocher.
Il fait une moue qui en dit long sur ce qu'il pense... mais ne dit rien.
Le patron de central achève de me mortifier en diffusant :
" bien joué le CO ! "Salopiot !
- Spoiler:
Cet incident m'est revenu en mémoire par la lecture du rapport de la commission d'enquête sur la disparition du sous-marin Minerve.
- Annexe A , page 65 (LV
Dimpre Ingénieur mécanicien).
"A l'alerte, le gradé de quart au lieu de pousser le manipulateur, l'a tiré vers lui, croyant affaler l'antenne, il la hissait. [...]
L'APV est rentré à 50 mètres, les filières ont cassé, le mât est rentré verticalement sans suivre le rail, la parabole a retenu l'APV.[...]"
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En ce qui concerne mon affaire, la méprise de l'adjoint débutant mérite explication :
- La commande de l' APV était inverse des autres leviers de mats pour éviter que l'on puisse le hisser en même temps que l'ARUR.
Une bride mécanique forçait la rentrée de l'un à la sortie de l'autre et inversement.
Quand les 2 étaient affalés, leurs commandes respectives étaient donc en position opposée,
ce qui peut paraitre illogique à un œil non exercé.
... et c'est cette exacte position des manettes qui m'a fait dresser les cheveux sur la tête !On peut voir que les 2 manipulateurs ont des tiroirs de commande différents, les mouvements de l'APV se faisant avec de l'huile et celles de L' ARUR avec de l'air.
Ils sont également crantés de façon différentes afin des les reconnaître au toucher en cas d'utilisation en aveugle.
APV à gauche, ARUR à droite.