Ralliement aux Norway.
- Spoiler:
L'ARROMANCHES s'évita lentement sur les eaux immobiles du mouillage de la Noix.
Le ciel était bas et triste, un vrai ciel d'hiver tonkinois, crachin en moins.
Pas de vent ou presque.
A peine la surface de la mer parut-elle un peu plus ridée lorsque le porte-avions, débouchant de la passe Henriette, fit route pour se dégager de la terre et ramasser les appareils de la 4 F.
C'était à la fin de décembre 1948, la première campagne de l'Arromanches en Indochine, mais la troisième de sa flottille, composée d'une douzaine de bombardiers en piqué Douglat-Daiintless, S. B. D, qui avaient déjà à deux reprises apporté leur concours aux opérations d'Indochine à bord du Dixmude.
Les S. B. D de la 4 F n'étaient pas, loin de là, des avions du dernier cri.
Depuis 1943, l'aviation maritime américaine les avait progressivement remplacés par des appareils de performances supérieures, mais, tels qu'ils étaient, nous avions été bien heureux de les recevoir en 1944.
Ils avaient participé à la bataille des poches de l'Atlantique à partir de la base de Cognac, et depuis cette époque, au prix des soins les plus attentifs des mécaniciens de l'Aéronautique navale, ils consentaient à voler encore et s' acquittaient au mieux de la tâche qu'on leur demandait.
C'était au demeurant un matériel très robuste, qui présentait le très grand intérêt d'avoir été spécialement conçu pour les porte-avions.
Leur carrière, toutefois, approchait de son terme.
La première intervention du Dixmude et de la 4 F a été signalée plus haut à propos des combats de la Porte d'Annam du mois de mars 1947.
L'apparition de l'aviation embarquée en Indochine avait été une révélation.
Sur cette côte éloignée des grandes bases aériennes, mais où le théâtre des combats demeure voisin de la mer, la plate-forme mobile du porte-avions devait rendre d'énormes services.
Sans doute le Dixmude, dans son genre, était-il encore plus périmé que les appareils qu'il portait.
Carrière bien remplie, que celle de cet ancien cargo, racheté par la Marine américaine pour être transformé en porte-avions d'escorte, puis cédé à la Marine britannique sous le nom de Biter.
Il avait tenu une place honorable dans la bataille de l'Atlantique au sein de ce que les Anglo-Saxons appellent un « Hunter Killer Group», c'est-à-dire un groupe de recherche et d'attaque constitué autour d'un porte-avions et de ses destroyers d'escorte.
Sa première victoire avait été la destruction du sous-marin U 89 coulé le 12 mai 1943 par ses avions et par ses escorteurs.
D'autres avaient suivi en 1944.
Il nous avait même fait la guerre, un temps fut, au moment des débarquements alliés en Afrique du Nord, où il participait à la couverture aérienne des forces qui attaquèrent l'Algérie.
En 1945, la Marine britannique nous l'avait cédé.
Ce n'était pas, ce n'est toujours pas, car il s'acquitte encore avec beaucoup de zèle des fonctions de transport d'aviation, un bateau particulièrement élégant.
C'est en tout cas l'un de ceux qui, depuis la fin de la guerre en Europe, ont rendu le plus de services, et couvert le plus de milles sur les mers.
Sa première campagne d'Indochine l'amena de Toulon (27 janvier 1947) à Saïgon (3 mars), avec la 4 F plus un renfort de 29 avions pour l'armée de l'Air.
Dix jours plus tard, le 13 mars, il appareillait pour le Centre-Annam où nous l'avons vu en action lors du débarquement de Faïfo, puis à celui de l'embouchure du Song-giang (27 mars).
Ces opérations méritent qu'on en retienne la date car c'était la première fois que la Marine française utilisait un porte-avions dans une opération de guerre.
En 1939, notre unique porte-avions, le Béarn, avait été jugé trop vieux et trop démodé pour affronter les risques d'une bataille en haute mer, et réduit au rôle plus modeste de transport, à partir du printemps de 1940.
Immobilisé par l'armistice, aux Antilles où l'avait conduit l'une de ces missions de transport, il n'avait plus jamais par la suite été utilisé comme porte-avions.
Ses flottilles par contre, détachées sur les terrains de Boulogne.
Calais et Berck, avaient pris une part héroïque aux combats de la campagne de France.
Le rôle confié au Dixmude sur les côtes de l'Annam n'était encore que le plus modeste de ceux qu'on peut confier à un porte-avions : celui de l'appui aérien.
Mais les essais se révélèrent excellents.
Quelques jours plus tard, la 4 F (1) exécutait sa première mission de bombardement en attaquant, le 2 avril, Tuyen-quang, dans le réduit du Viêt-Minh.
Le Dixmude rentra en France le 16 mai 1947 et, sitôt terminés quelques menus travaux d'entretien, repartit pour l'Indochine avec sa flottille et de nouveaux renforts pour l'armée de l'Air : 12 Junker 52 et 12 chasseurs Spitfire.
Arrivé le 21 octobre à Saïgon, il n'y resta que le temps nécessaire pour débarquer son matériel, puis repartit pour le Ton-kin rejoindre la 4 F qui depuis le 24 octobre, participait, à partir des terrains de Hanoï et de Haïphong aux opérations «Léa» et «Catherine».
Au cours de ces batailles des rivières du Tonkin la 4 F exécuta en trois semaines plus de 200 sorties et lança 65 tonnes de bombes.
Puis le Dixmude fut rappelé en Cochinchine pour effectuer des opérations de bombardement sur les positions rebelles de la Plaine des Joncs et de la presqu'île de Camau.
Cette deuxième mission s'était prolongée jusqu'au mois d'avril 1948.
(1) Alors commandée par le L. V. Mellet.