par Marc Taland Jeu 15 Aoû 2013 - 19:15
Bonsoir,
Jean Léon, un petit complément sur la terrible histoire des naufragés de Tromelin.
Naufrage de Tromelin : 350 ans après, les objets parlent.
Le 31 juillet 1761, “l’Utile” fait naufrage sur la côte ouest de Tromelin.
Quinze ans plus tard, sept femmes et un bébé de huit mois sont recueillis.
Les TAAF ont confié au laboratoire de conservation, restauration et recherches du Centre archéologique du Var, 380 objets découverts lors de fouilles archéologiques sur le site.
Françoise Mielcarek, conservateur au laboratoire, travaille depuis un mois à Saint-Pierre à les faire parler.[page]
Sur le front de mer de Saint-Pierre dans un local des Comptoirs du Sud mis à la disposition des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Françoise Mielcarek promène délicatement ce qui ressemble à une fraise de dentiste sur un morceau de métal tordu.
Conservateur, restaurateur, métal et matériaux composites au Laboratoire de conservation, restauration et recherches du Centre archéologique du Var, Françoise Mielcarek a pris la suite du directeur du laboratoire, Jacques Rebiere qui a lui-même conduit une mission d’un mois.
Les TAAF ont confié à cette équipe la restauration de 380 objets retrouvés à Tromelin dans le cadre de fouilles archéologiques en mer et sur terre autour du naufrage de “l’Utile”.[page]
Dans de petits sachets, des objets, en plomb, en cuivre, en fer dont certains sont encore couverts du sable de Tromelin, attendent l’intervention de Françoise Mielcarek.
Dans des vitres, des pots, des cuillères, des ustensiles de cuisine témoignent d’une manière émouvante ce que fût le quotidien des naufragés de Tromelin pendant quinze ans.
Diplômée depuis 1998 dans cette spécialité très particulière qui s’acquiert ou dans le cadre d’une filière universitaire ou en passant par l’Institut national du patrimoine Françoise Mielcarek (et Jacques Rebiere) a pour mission de faire “parler” les objets ayant été façonnés et utilisés par les naufragés de l’Utile.
Ni réparer, ni rénover
“Nous intervenons sur une centaine des 380 objets qui ont été dégagés lors des fouilles, confie Françoise Mielcarek.
Il ne s’agit ni de réparer, ni de rénover, ni à fortiori de redonner sa fonction à l’objet.
Le temps de travail sur un objet peut aller d’une demi-heure à plusieurs jours voire plusieurs semaines.”
Les techniques d’intervention ne sont pas standardisées.
“Nous n’avons pas de recettes, confirme Françoise Mielcarek.[page]
Lorsque nous recevons un objet brut de fouille nous commençons par l’étudier minutieusement.
Nous le photographions sous toutes les coutures et souvent nous le radiographions.
Ce n’est qu’après cette étape de réflexion que nous établissons un diagnostic sur l’état de conservation et à partir de là un protocole d’intervention.”
Plomb, fer, cuivre sont les trois métaux que l’on retrouve dans les objets dégagés à Tromelin.
“Sortir un objet d’un site de fouille lui fait de plus mal que de bien, explique Françoise Mielcarek.
Tant qu’il est enfoui dans la terre ou dans le sable il est dans un certain équilibre.
Ramené à l’air libre et mis au contact de l’oxygène de l’air débute un processus d’oxydation.”
Traitement mécanique par sablage avec des microbilles pour le plomb, bossettes en poils de chèvre ou en acier pour enlever les traces de corrosion sur le cuivre, stabilisation chimique pour le fer.
A chaque métal sa technique.
“L’objectif est de révéler la surface d’origine, ce que nous appelons la surface d’abandon en référence au moment où l’objet a été abandonné, poursuit Françoise Mielcarek.
On y relève des traces et des informations archéologiques qui fournissent des indices sur la manière dont l’objet a été fabriqué, et sur l’usage qui en était fait.
Ces informations sont transmises aux archéologues.
Elles leur permettent de compléter les connaissances sur la manière dont les naufragés avaient organisé leur survie sur Tromelin. [page]
A ce titre nous sommes les maillons d’une chaîne.”
Dans l’épave de “l’Utile”, les naufragés ont récupéré des objets qu’ils ont utilisé en l’état.
Avec le plomb, le fer et le cuivre de récupération, ils en ont fabriqué d’autres.
Ceux-ci portent des traces de martelage.
Sur certaines pièces, des décors laissent à penser qu’une fois passée la phase de désespoir bien compréhensible les femmes ont peut-être commencé à tenter de se parer.
“Nous sommes encore au stade des hypothèses, souligne Françoise Mielcarek.
Les fouilles à Tromelin et les objets eux-mêmes ont encore beaucoup à nous apprendre.”
Alain Dupuis
Amicalement.