Comme tout repos dominical, ce dimanche d’été semblait devoir se dérouler sous de paisibles auspices.
Après un rassemblement, la désignation d’une section de patrouille et quelques inévitables corvées, comme beaucoup je m’étais occupé de l’entretien de mon linge de la semaine.
A cette heure de la matinée, le lavoir du quartier Viénot, avec ses bacs en béton ressemblait à ces endroits emplis de bruits et de papotages de lavandières, savonnant, brossant et rinçant à tour de bras.
La bâtisse située derrière l’imposant bâtiment des services administratifs, offrait un toit plat aménagé en séchoir où chacun pouvait surveiller sa lessive et se faire rôtir au soleil déjà chaud de cette matinée.
Après le repas amélioré du dimanche, désignés de patrouille, nous nous tenions, armement au faisceau, assis à l’ombre sur les marches du bâtiment dortoir de la C.C.R.
Nous étions là à plaisanter, quand soudain la sirène retentit, stridente, répétée.
Ce mugissement presque inhabituel à Bel-Abbès coupa court à nos plaisanteries et fit rompre les faisceaux.
Déjà la Jeep de la P.M. avait franchi la sortie et s’était engagée à droite dans le boulevard du général Rollet, prolongeant le quartier Viénot et le quartier Prudon.
De notre côté, nous ne fûmes pas longs a embarquer dans notre 4x4 et à gagner en trombe un point qui nous fut désigné par radio afin de nous tenir en position de bouclage.
Nous apprîmes alors qu’il s’agissait d’un attentat visant un manège de jeunes enfants sur une des places de Bel-Abbès.
Les auteurs à bord de véhicules dont une traction Citroën, surgissant d’une des artères de la ville, venait de mitrailler à l’arme automatique ce manège, rempli à cette heure, d’enfants en bas âge.
Un odieux massacre !
La soudaineté et la sauvagerie de cet acte plongea la population dans la consternation et la douleur.
Acculés dans un des quartiers bouclés après un échange de tirs, les auteurs ne tardèrent pas à être réduits et leurs cadavres, impitoyablement exposés et offerts à la colère des Bel-Abbésiens.
Plus de 40 ans après ce tragique après-midi, au cours de retrouvailles, j’en parlais à mon camarade Adrien Buitendjik (à l’époque des faits, nous travaillions au service de la solde sous les ordres du lieutenant Thuillier et de l’adjudant chef Perrin).
A la question que je lui posais, à savoir s’il avait souvenance de ce jour (?) sa réponse fut assez évasive…
Puis passèrent quelques temps avant que je ne reçoive un mot de sa part accompagné de la photocopie d’un article paru dans «Le Point» (N° 1539 du 15/03/2002) et dans lequel, au cours d’une interview, Mr Alain Afflelou, enfant de Bel-Abbès, rappelait un de ces épisodes de la guerre d’Algérie.
A l’époque, notre bien connu P.D.G. et opticien devait avoir 10 ou 11 ans.
Le témoignage de cette personne, et l’attention d’Adrien, confirmait bien le souvenir que j’avais (et que je garderai) de ce jour là.
Christian LEPILLER ex caporal, 1er RE, 13ème DBLE, Mle 121.188
Autre enfant de Bel-Abbès : Marcel Cerdan, ex-champion du monde des poids moyens.