Certains “appelés” vivent assez mal leur passage au CFM, mais j'y trouve pour ma part une mine de découvertes. Aujourd'hui, apprentissage de la godille.
Notre Second-Maître instructeur a pris un groupe en charge, je fais partie de la seconde équipe, confiée à Pépy, notre chef de chambrée. Solide marin-pêcheur dans le civil, c'est sans effort apparent qu'il met en branle la lourde chaloupe, d'un souple et puissant mouvement de poignet et balançant bord sur bord pour faciliter le départ. Il nous passe à tour de rôle l'aviron, et quand vient mon tour j'adopte de suite le bon geste, si bien que Pépy me confie le youyou que nous trainons en remorque, avec pour mission de communiquer à un camarade ma science toute neuve. Nous nous exerçons longuement, avec un grand bout de lac pour nous seuls, et mon élève finit par faire quelques progrès.
Mais il est temps de rentrer, et je me donne à fond, au point que le youyou déjauge. C'est en entrant dans la darse que je prends d'un coup conscience d'une arrivée bien trop rapide, d'autant qu'un fragile dériveur est amarré droit devant. Peut-être aurais-je eu la place et le temps de tenter un demi-tour, mais dans l'urgence je pense seulement à ralentir et ... manque de peu d'être emporté avec l'aviron, qui finit à l'eau. Des filins d'acier destinés à l'amarrage sont tendus à hauteur d'homme, j'en saisis un à pleines mains, cramponnant désespérément le youyou avec les talons, et je réussis in extrémis à stopper notre course, restant suspendu au-dessus de l'eau dans une position aussi ridicule qu'inconfortable. Reste à réintégrer l'embarcation, aller repêcher la godille, gagner sagement un poste d'amarrage.
J'aurai mal aux mains et aux talons pendant quelques jour, mais l'honneur est sauf. Et désormais, quel que soit le véhicule, je commencerai toujours par vérifier le freinage...