En espérant ne pas être "pompeux", voici une certaine vision, la mienne , du Toulon que j'ai connu, chacun aura évidemment la sienne...
Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans…
Lorsque je suis arrivé, pour la première fois à Toulon, les marins sortaient encore en uniforme.
Les premières sorties dans ce nouveau monde ont été pour moi, qui venais de ma campagne, une découverte impressionnante. Revêtu de la tenue de sortie bleue, je n’osai encore me hasarder dans ce secteur interlope d’une réputation sulfureuse qu’était Chicago. Je contournai, frileusement ce quartier et me bornai, en descendant de la gare à rejoindre la mélusine quai cronstadt .
Pour patienter, je m’attardai parfois au bar du soleil en buvant un chocolat chaud, ou mangeait un de ces délicieux sandwichs chauds, comme seules savent les faire les cabanes à sandwich à Toulon.
Un peu plus tard, ayant perdu cette timidité, j’accompagnai des camarades et partais à la découverte de « la basse ville ».
De nombreux petits restaurants proposaient une carte et des plats à des prix très modiques, à l’heure où le fastfood n’était pas encore de mise, on pouvait manger des plats éxotiques à des prix très abordables, même pour nos maigres bourses.
Mes premiers bulletins de soldes affichaient environ 200 francs. C’est dire qu’ils ne me permettaient pas de me fourvoyer dans des endroits couteux.
Les tentations étaient nombreuses, les bars affichaient des néons de toutes les couleurs. Mais tout se passait à l’intérieur.
Il m’a fallu attendre des années avant d’entrer dans ces établissements. Les patrouilles arpentaient régulièrement les rues, et comme nous étions en tenue, nous rectifions rapidement celle-ci et ajustions nos bachis, la pucelle dans l’axe du nez ,de peur de retenir l’attention du chef de patrouille, et la saluions de la manière apprise au CFM.
Les prostituées tentaient bien de nous aguicher, mais, en dépit de nos fantasmes, nous tracions la route, les poches vides. On regarde mais on touche pas ! Le temps était encore à des maladies dont on pouvait guérir, lorsqu’elles étaient prises à temps, et une volée de plomb bien soignée était pour certain un titre de gloire.
Lors d’escales de batiments étrangers, les marins en goguette, eux, dépensaient sans compter, et comme à Amsterdam, il y en avait des marins qui buvaient et rebuvaient encore. La rue chevalier Paul avait bien besoin d’un nettoyage au petit matin. L’avenue de la République, le boulevard de Strasbourg étaient les frontières de ce monde.
Quelques années plus tard, au retour de campagne, les poches un peu plus pleine, mais en civil cette fois, la tenue n’était plus de mise. Une partie du charme de ces quartiers a disparue , mais l’on pouvait encore s’encanailler au Lucky Bar. Là , dans quelque bar dit mal famé, des entraineuses, jeunes et moins jeunes femmes, dont le maquillage masquait leur vérité, vous tentaient sous des airs de confidence, « tu paie une coupe, chéri ? » mettant en avant leurs atours. Des pistards, menaient des petits groupes, surveillant du coin de l’œil , les plus jeunes pour les ramener dans leurs banettes, raides dématés .
j’entrai alors dans ce club fermé, qui fréquentait, au sortir de l’arsenal, les 5 PD, où l’on pouvait entendre des conversations de campagnards qui parlaient d’escales lointaines, on aurait cru que le ZIZOU, le QUEENS, et Paula étaient au coin de la rue, qu’après le franchissement des passes, de l’autre coté de la presqu’ile de Saint Mandrier, se trouvaient la baie de Diego, celle de Fort de France, FARE UTE ou la Pointe des Galets.Ces discussions continuaient à entretenir nos besoins d’espace, tout comme ce film, 7 jours en mer, que nous avons tous vu .
Toulon est un port et ce mot commence comme une porte, une porte ouverte sur le monde, sur la mer et sur nos rêves. Les souvenirs s’entassent, le temps passe, restent les rêves à réaliser et la porte reste ouverte.