Je me permet d’ajouter au très beau reportage d’Eric, ces quelques souvenirs du port du Havre contemporains de la mise en service de l’écluse François premier.
Evolution que j’ai suivi après mon départ de la Royale en 1962, époque ou l’activité était surtout concentrée entre la gare maritime, le bassins Bellot, de l’Eure et la gare maritime.
Le tonnage des cargos de lignes, du début des années 60 se situait aux alentours de huit à onze milles tonnes, pour des voyages qui allaient jusqu’à cinq mois pour les plus longs.
Marchandises embarquées et chargées par des équipes de dockers, à bord aux mats de charges, dans les cales, sur le quai, mais aussi dans les hangars.
Les vivres, l’eau, l’huile le mazout, et le gasoil s’effectuait au milieu de toute cette activité.
Les bateaux n’arrêtaient qu’une dizaine de jours par an pour passer en cale sèche et arrêt technique, les réparations étaient faites pendant ces escales par des équipes de la réparation navales, chantiers pratiquement tous disparus aujourd’hui.
On peut imaginer la vie intense des quais.
Dans les bassins, on pouvait trouver quatre ou cinq bateaux d’une même compagnie, Chargeurs, Transat, Messageries, Havraise… arrivant de tous les coins du monde.
Les équipages, encore en nombre à l’époque, comptaient trente à quarante personnes, et on peut deviner l’ambiance des quartiers ou se retrouvaient les marins, quartier Saint François, quartier de l’Eure.
Ce dernier était celui qui avait ma préférence.
Quartier Breton, chacun pouvait y trouver son « port d’attache » avec ses bistrots tenus par des pays, au petit Cancalais, le Petit Mousse, au Morbihan…
Le matin on y trouvait les relèves, arrivées par les taxis Bretons, ce service que l’on ne trouvait nulle part ailleurs, break 403 ou autres pouvant transporter jusqu'à 9 personnes avec bagages, chargements folklorique sur les galeries pour les débarquant. (les fameuses valises Bretonnes)
Chaque taxi avait son bistrot relais, ou il faisait un brin de toilette, avant d’aller faire la tournée des bateaux afin d’assurer les chargements retours.
Au quartier de l’Eure, se trouvait la maison du marin (ou foyer), plus rustique que le nouveau situé en pleine ville, mais tellement plus pratique pour les marins au milieu de ce qui était à l’époque le cœur du port.
Petits restaurants-bistrots modestes de quelques tables, certaines compagnies ne « nourrissant » pas au port d’attache.
Quartier animé le soir, témoin de mémorables bordées, la distances entre les bistrots n’était pas grande. (celle pour rejoindre les bords non plus heureusement.)
Quartier de retrouvailles avec les pays, embarqués sur d’autres bateaux, croisement de ceux qui arrivaient et de ceux qui partaient, ambiance difficile à rapporter
Quartier ou l’on pouvait faire les achats les plus indispensables avant le départ en voyage. (embarquements qui pouvaient aller jusqu’à 8 ou 9 mois).
Progressivement, les mats de charges ont laissés la place à bord aux grues, un timide essai de palettisation annonçait déjà l’arrivée du conteneur.
La taille des bateaux à augmenté, les équipages ont diminué, les voyages ont commencé à devenir moins longs, la durée des escales aussi.
Le quartier de l’Eure a commencé à mourir, le foyer du marin est devenu foyer Sonacotra.
Les bassins sont devenus peu à peu déserts ou presque les foyers d’activités se sont déplacés la mise en service du quai de l’Europe a éloigné un peu plus les marins de tous ces centres si vivants.
Les premiers porte conteneurs avaient encore « visages encore humain » 1000, 2000 conteneurs, terminal vite dépassé, tout a été si vite.
Je suis retourné pour la dernière fois au Havre en 1994 invité par un ami administrateur des affaires maritimes, à l’occasion des voiles de la liberté.
Je suis resté sur la vision de ces quais déserts, ainsi va la vie.
Heureusement embarqué pour l’occasion sur l’Origan patrouilleur des affaires maritimes, ’appellation avait elle aussi changé, (notre bonne vieille ancienne inscription maritime) la navigation autour des grands voiliers descendants de Rouen m’avait fait (un peu) oublier la tristesse de ces lieux autrefois si animés.
Les choses ont encore évoluées depuis.
Le Korrigan, géant de mon époque, 283 mètres, turbinar de 88000 cv à 26 nœuds en exploitation sur la ligne tour du monde, 2500 conteneurs est vite devenu un canote à coté des monstres transportant 10 à 12000 conteneurs avec des moteurs de 100 à 120000 cv.
Je préférais les escales quai de Garonne, quai de Gironde, les attentes devant les ponts fermés en rentrant de terre, la promiscuité à bord, et le contact aujourd’hui disparu avec la population Havraise, navigation d’une autre époque.
J’ai mis mon sac à terre pour la dernière fois quai de l’Europe, débarquant du Fort Royal, après quatre rotations de quatre semaines sur les Antilles le 17 décembre 1987,je ne m’y retrouvais plus dans cette navigation ou tout évoluait trop vite…
Amitiés Daniel