par † PILON Dim 16 Mar 2008 - 23:43
13 juillet 1971 au soir
Une retraite aux flambeaux à Tureia, en plein milieu de l’Océan Pacifique.
Probablement la première et la dernière qui a pu avoir lieu sur cet atoll
Quelqu’un s’en souvient-il ?
Sur un atoll nous étions toujours à la recherche de quelque chose d’original pour se divertir et pour passer le temps, ainsi à une certaine époque : Faccin, un sergent de la légion, Michel Bajard et moi-même, à Tureia, pendant deux mois, nous avons mangé à neuf heures, au casse-croûte, chacun notre langouste, assis dans le local de ce sergent magasinier et bien arrosée d’une bouteille de champagne à diviser en trois, naturellement. Je vous garantie que c’est un menu plaisant dont on ne se fatigue pas et cette pratique a cessé, je crois, parce que le sergent avait terminé son séjour.
Il y avait à Tureia au moins deux musiciens et ils avaient chacun leur instrument avec eux : Michel Bajard, (décédé il y a bientôt dix ans) clarinettiste et moi-même qui jouait de la trompette. En mangeant nos langoustes un matin, alors que le 14 juillet 1971 approchait l’un de nous émit la possibilité de faire une retraite aux flambeaux la veille de la fête nationle, au soir, et comme on fait dans nos villages de France. Une retraite aux flambeaux pour deux instrumentistes c’est un peu dur mais le principe fut adopté, il ne restait plus qu’à s’organiser. On pouvait compter sur une section rythmique qui ferait marcher les défilants au pas pendant que les musiciens se reposeraient les lèvres. Il suffisait donc de fabriquer des tambours et des cymbales. Et les flambeaux alors ? Dans nos petits villages de France, les pompiers les détiennent et aux enfants qui suivent on fait porter des lampions ; flambeaux et lampions éclairent les partitions des musiciens qui ne connaissent pas leurs morceaux par cœur.
Ici, il y avait les pibals, vous savez ces petites loupiotes amorçables à l’eau et que nous mettions au cul des ballons pour les suivre, la nuit.
La retraite eut lieu après souper, toute la population du village était là soit en gros 70 personnes et nous, le personnel du poste une trentaine.
Il y avait beaucoup d’instrumentistes en plus de la trompette et de la clarinette. En effet, des tambours avaient été fabriqués avec des cartons ou des caisses en bois. Les cymbales c’était tout simplement les couvercles, grands ou petits, qu’on avait empruntés à la cuisine et dans le local du sergent Faccin. Quand aux lampions j’avais bien prévu le coup et j’avais planqué le stock de la météo qui se trouvait dans le hangar de gonflement auprès de l’océan, car toute la population du village voulait avoir sa pibal au bout d’un bâton et d’une ficelle. Je n’en donnerais qu’une partie.
Bien entendu, le chef de poste, un adjudant de la légion, souvenez-vous, un anglais, fut mis au courant, et, une fois les lampions allumés, les pibals, comme elles ne durent qu’un temps, le défilé se mit en marche. Au accents de la Marche des enfants de troupe qui est un morceau facile, on a parcouru le poste en long et en large, nous sommes ensuite allés au village et tout le monde marchait au pas et rigolait. De temps à autre, comme les préposés aux tambours tapaient comme des sourds, l’un d’eux, percé, était abandonné le long du chemin au grand dépit de son possesseur. Quand aux cymbales, les couvercles de la cuisine et les rechanges du magasin qui avaient un son clair au départ étaient maintenant toutes gondolées, et avaient on peut le dire, un bruit de « casserole ». La fête a duré environ une heure et déjà les lampions étaient presque tous éteints. Les deux instrumentistes tenaient encore à peu près le coup mais les tambours et les cymbales étaient morts.
A la suite de ce défilé, on eu droit à un rafraîchissement. On avait bien sué car bien que ce fut la nuit il faisait très chaud
Mais le sergent, responsable des couvercles et de toutes les batteries de cuisine de Tureia aurait dû rendre des comptes. Je pense qu’il s’en tira à peu près bien, il devait avoir des notions de carrosserie car sur certains de ces couvercles, après un martelage de professionnel, le traitement subi ne paraissait plus.
Et moi, à la météo, dans mon compte-rendu de fin de mois, j’ai signalé que trois caissettes de Pibal étaient avariées ; officiellement elles devaient avoir « pris l’eau » lors du transport, elles étaient inamorçables.
André Pilon
Dernière édition par PILON le Sam 5 Avr 2008 - 19:32, édité 6 fois