En 1822 et en 1824, pour parer à l’insuffisance de l’Inscription Maritime, on crée dans nos ports deux puis quatre équipages de ligne où l’on comprend un certain nombre de mousses.
Mais le contact sinon la promiscuité entre des marins plus âgés et de jeunes novices n’apparaît pas très favorable à la formation des mousses et le gouvernement comprend qu’il faut une séparation.
L’ordonnance du 28 mai 1829 crée 5 compagnies de mousses distinctes des équipages : une compagnie à Brest, à laquelle sera adjointe une seconde en 1835, une compagnie à Toulon (qui sera supprimée par un décret du 23 mai 1850), une à Cherbourg, enfin une à Lorient (qui disparaît en 1835).
Les deux compagnies Brestoises qui vont représenter rapidement ce qu’il convient dès lors d’appeler l’"École des Mousses" sont installées d’abord à terre dans deux casernes différentes ; l’une à la Cayenne, caserne des équipages située à Recouvrance, l’autre aux Capucins.
Mais le besoin d’une instruction à la mer se fait sentir : en 1835 le brick "
La Lyonnaise" sert d’école d’application à la 1ère compagnie ; on parle d’affecter "
La Cérès" à la seconde, lorsque, le 14 mai 1836 a lieu la translation complète des mousses de terre en rade.
Désormais, pour plus d’un siècle, et de la même manière qu’à cette époque les élèves de l’école navale sont logés et instruits sur le vaisseau "
L’Orion", un bâtiment mouillé en rade de Brest est affecté comme école des mousses, la première de ces unités étant l’ex-corvette de charge "
La Moselle", rebaptisée "
L’Abondance".
Chaque compagnie comprend 120 mousses.
Ceux-ci sont choisis parmi les enfants des officiers mariniers, quartiers-maîtres et marins, et autres salariés de la Marine Nationale, en accordant toujours la préférence aux enfants de marins morts ou inaptes de l’État.
En cas d’insuffisance, les mousses peuvent être pris dans la population du littoral ou même de l’intérieur du territoire.
Pour être admis comme mousse il faut avoir au moins 12 ans et au plus 14, être de bonne constitution, avoir au moins 1,33 m de taille et avoir été vacciné.
Chaque compagnie de mousse doit fournir aux bâtiments destinés à prendre la mer le nombre de mousses nécessaires à leur armement.
Lorsque les mousses ont 16 ans et qu’ils consentent à contracter un engagement volontaire, ils sont immédiatement portés sur les contrôles des compagnies permanentes en qualité d’apprentis marins.
Mais auparavant ils ont été instruits dans le cadre d’une école qui se développe d’année en année.
Pendant leur séjour sur leur navire-école, ils ont assisté régulièrement aux leçons de lecture, d’écriture et de calcul données par des professeurs d’enseignement élémentaire ou aux cours d’éducation religieuse dispensés par un aumônier, il leur a été enseigné le matelotage, la place et l’usage des manœuvres courantes et dormantes, ils se sont exercés à la manœuvre des embarcations ils ont pratiqué la natation à la belle saison…
Bref, ils ont mené une vie dure (le branle-bas avait lieu le matin à 04h45) mais saine qui leur permet de devenir très vite d’excellents hommes de mer.
Les résultats de cette première organisation sont donc satisfaisants et l’école acquière une solide réputation dans la Marine à laquelle elle apporte des éléments de valeur.
Ses effectifs croissent rapidement et l’État-major Général intéressé par cette formation va affecter des bâtiments-écoles de plus en plus importants à l’école des mousses.
"
l’Abondance" est remplacé en 1850 par "
La Thétis", frégate de 44 canons.
Puis, tour à tour, se succèdent : un vaisseau de 90 canons "
L’Inflexible" (1861-1876), "
L’Austerlitz" (1876-1894), "
La Bretagne III" (1894-1910), ex "
Fontenoy".
A partir de 1910 jusqu’en 1940 "
L’Armorique" que les vieux brestois évoquent toujours avec une certaine nostalgie et qui ayant coulé en rade de Brest (Landévennec) en 1944 par bombardement aérien, a donné son nom au groupe actuel, est affecté comme bâtiment École des Mousses, avec plusieurs annexes; "
Le Magellan" transport mixte (1908-1923), "
Le Montcalm" (1925-1940), rebaptisé "
Trémintin" le 26 septembre 1934, et où s’installe l’École de Maistrance fondée en 1923, "
Le Gueydon" enfin, croiseur déclassé où en 1930 l’École des Gabiers se créée.
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Armorique", "
Trémintin", "
Gueydon" étaient ancrés en rade abri près des Quatre-Pompes dans le sens sud-nord, puis est-ouest.
La canonnière "
La Surveillante", l’aviso "
Remiremont" et le petit chalutier "
Le Peuplier" servant pendant cette période à l’instruction maritime des mousses.
Les mousses ont été entraînés dans le tourbillon des 2 guerres mondiales.
En 1914, à la mobilisation, les apprentis de 16 ans sont versés dans la brigade des fusiliers-marins et se distinguent à Dixmude, sur l’Yser, écrivant ainsi une des plus belles pages d’histoire de la Marine qui décore l’école de la croix de guerre avec fourragère en 1922.
Si en 1939 à la guerre suivante l’école continue à fonctionner, dès le 18 juin 1940 État-major et équipage gagnent l’Angleterre sur les cuirassés "
Courbet" et "
Paris".
Ils regagnent ensuite Casablanca, puis Safi en juillet et en novembre Toulon où l’école s’installe à bord de "
L’Océan", ancien cuirassé "
Jean Bart", installé devant St Mandrier.
L’école de Maistrance dont la vie est mêlée depuis sa fondation à celle de l’école des mousses, fonctionne sur l’aviso "
Nancy" et un petit chalutier sert pour les sorties en mer.
L’école est dissoute en 1942 après le sabordage de la Flotte, mais le 1er novembre 1943 une annexe s’ouvre à Cahors, à la caserne Bessières.
Transplantée à Bordeaux en septembre 1944, elle disparait à nouveau, les élèves partant vers les écoles de spécialité ouvertes en Afrique du Nord.
Mais les mousses sont devenus nécessaires à la Marine, et en juillet 1945 moins d’un an après la dissolution de l’établissement de Bordeaux, l’école rouvre au château de Dourdy en Loctudy, en plein pays bigouden.
Tout n’était que champs et pâtures, un magnifique champ de blé bordait le chemin devant le perron mais l’école refit là ses forces en pleine nature, jusqu’au moment où l’élégant château ne pût plus suffire.
En septembre 1960, ce cadre champêtre fit place à celui plus rude et plus grandiose de la rade de Brest ; l’école s’installa dans les magnifiques bâtiments restaurés de l’ancienne école navale, retrouvant ainsi définitivement la place qui lui convenait le mieux, à la pointe de cette Armorique qui lui donne une grande partie de ses élèves, au bord de l’océan, près d’un grand port militaire ; n’est-ce pas là le meilleur coin de France pour prendre contact avec la mer, ses marées, ses courants, ses calmes, ses tempêtes, pour acquérir la qualité maîtresse de tous ceux qui vivent sur mer, le sens marin pour connaître, admirer et aimer les grands bâtiments de notre Flotte de combat.
L’École des Mousses a reçu solennellement son drapeau le 11 novembre 1958 à Brest, des mains du délégué de la Marine.
Ce drapeau est titulaire des décorations suivantes, attribuées depuis la première guerre mondiale :
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Légion d’honneur : décret du 16 juillet 1954 (remise par M. Montreuil, alors secrétaire d’État à la Marine).
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Croix de Guerre 1914-1918 avec la citation suivante à l’ordre de l’armée (décret du 12 novembre 1922) : "L’École des Apprentis de Brest a formé de nombreux contingents de marins dont l’esprit de devoir et de sacrifice s’est hautement manifesté soit à terre soit à bord au cours de la guerre 1914-1918.
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Croix de Guerre 1939-1945 avec la citation suivante à l’ordre de l’armée de mer (décret du 26 octobre 1951) : "École de haute valeur maritime et militaire a formé des générations de marins dont le courage la discipline et le dévouement ont fait honneur aux traditions de la Marine pendant la guerre 1939-1945."
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Croix de Guerre T.O.E. avec la citation suivante (D.M. du 22 décembre 1955) : "L’École des Mousses a fourni à la Marine une élite de marins de carrière dont l’esprit de devoir et de sacrifice n’a cessé de se manifester au combat sur les théâtres d’opérations extérieurs".
Vieille maintenant de 130 années, l’École des Mousses continue à prouver que sa création n’était pas inutile et qu’elle répondait à une nécessité.
Car si les temps ont changé, si la Marine s’est adaptée au monde moderne, face à des besoins nouveaux si des spécialités nouvelles se sont créées, la Marine a toujours et de plus en plus besoin d’équipages instruits, homogènes, doués de grandes qualités physiques, intellectuelles et morales.
Toutes ces qualités sont incluses dans la devise de l’école, magnifique de simplicité :
"MOUSSE, SOIT TOUJOURS VAILLANT, LOYAL"