par Rossell Sam 7 Fév 2009 - 17:59
07/02/2009
Clémenceau: arrivée en Grande-Bretagne prévue dimanche
Manteau neigeux et température glaciale accueilleront le Clémenceau demain –dimanche- dans son lieu de destination finale: le site d'Able UK à Seaton Carrew. La météo a ralenti le remorquage du porte-avions mais il doit pénétrer le bassin de son démantèlement dans l'après-midi. Certes, le manteau neigeux n'est guère visible sur cette photo mais je jure qu'il a neigé cette nuit.
C'est ici, au milieu de la réserve naturelle britannique du Teesmouth que le porte-avions Clémenceau va être desossé, dépecé pour finir en tas de ferraille amiantée. Autant le dire tout de suite: le site est sublime. Hier, en plein soleil d'hiver, une brochette d'ornithologistes observait tranquillement les oiseaux migrateurs de l'estuaire de la rivière Tees. Une scène qui conférait au site une étrange impression de nature emprisonnée dans un cirque industriel. Autour de cette réserve, 360 degrés de sites plus polluants les uns que les autres, usines, raffinerie, terminal pétrolier, sidérurgie, ...
Coincé entre la centrale nucléaire d'Hartlepool (décidément, où que j'aille...) et l'usine de fabrication de dioxyde de titane de Philips, le site de démantèlement n'est rien d'autre qu'un gros bassin d'environ 6 hectares où s'entasse déjà une flotte fantôme, composée de 4 bâtiments militaires américains, rouillant ici depuis 2005. L'arrivée du Clémenceau doit précipiter leur désossement. Le site appartient à Able UK, entreprise britannique qui a remporté l'appel d'offres pour le démantèlement du porte-avions français. Pour 10 millions d'euros, l'entreprise a promis de découper le Clémenceau en 12 mois. Quand on connaît l'épopée du navire, cela paraît improbable. Ce qui est également improbable, c'est d'assurer pouvoir démanteler proprement un tel bâtiment en un an. Et pour un tel coût. Les entreprises qui concouraient à l'appel d'offres ont proposé des factures oscillant entre 30 et 50 millions d'euros...
Avec plus de 24000 tonnes, le porte-avions abrite plusieurs tonnes d'amiante, dont l'évaluation est difficile à préciser. En 2006, le bureau Veritas a recensé 17,4 kilomètres de tuyaux recouverts de calorifuge en amiante, 2,8 kilomètres de gaines amiantées, 2 380 m2 d'amiante projeté, 3 920 m2 de matelas d'amiante, 7 120 m2 de dalle amiantées (de type Dalflex) et 44 000 m2 de peinture amiantée. L'amiante est aussi présent dans les câbles électriques, les joints, les mastics, etc. S'agit-il de 700 tonnes d'amiante ou de "matériaux amiantés" comme l'avance le patron d'Able UK? Dans les deux cas, il s'agit d'une sacrée patate chaude pour le gouvernement français.
Ici, seule la petite association Les amis d'Hartlepool s'élève contre l'arrivée du navire. Elle grogne surtout contre Able UK qu'elle estime "incompétente et dangereuse" selon Iris Ryder, membre du parti vert d'Hartlepool. Mais à part ces quelques opposants, l'ensemble de la population de la ville -environ 90000 habitants- s'en contrefiche.
Même si quelques voix s’élèvent contre l’arrivée du navire, les habitants interrogés ici ou là se divisent en deux groupes: les uns ne sont pas au courant, les autres n'ont pas d'avis. Le maire, un trentenaire plus passionné de football –il fit campagne déguisé en singe, la mascotte de l’équipe locale, en 2002- que de la chose publique estime que l’arrivée du Clémenceau est une "opportunité" pour sa ville. Avec le bâtiment militaire, il voit surtout arriver 200 emplois promis à ses administrés, sans avoir toutefois la garantie que l'entreprise n'aura pas recours à une main d'oeuvre étrangère plus qualifiée et moins coûteuse.