La mer sous plus haute surveillance
Chassiron, comme la plupart des autres sémaphores, va être doté d'un nouveau radar. La marine renforce son dispositif de détection le long des côtes.
Il ne faut pas confondre phare et sémaphore. Le phare a été inventé pour être vu. Le sémaphore, pour voir.
À Chassiron,
- Spoiler:
- à l'extrémité nord de l'île d'Oléron, où le vent plie les arbres, les deux tours, qui sont voisines, sont les dernières constructions avant le grand large. Le premier phare a été édifié à la fin du XVIIe siècle pour signaler la côte aux bateaux, qui venaient s'y échouer trop souvent.
Sud-ouest : 8 radars
La marine nationale possède 59 sémaphores en France métropolitaine : 19 sur le littoral méditerranéen, 40 sur la façade Manche-Atlantique. Entre l'île de Ré et la frontière espagnole, elle en possède 6 : Chassiron (île d'Oléron), les Baleines (île de Ré), pointe de Grave (33), Cap-Ferret (33), Messanges (40), Socoa (64). Plus deux radars déportés, à Hourtin (33) et Mimizan (40).
La Direction générale de l'armement (DGA) vient d'engager la rénovation de la plupart de ces radars. Sur ces 59 vigies terrestres de la mer, 54 vont être concernées par l'opération, qui va se poursuivre jusqu'à la fin de l'année prochaine.
Entre ciel et mer
Le sémaphore a été bâti deux siècles plus tard et il est aujourd'hui l'un des 26 sites de contrôle que la marine nationale possède sur la façade atlantique entre la baie du Mont-Saint-Michel et la frontière espagnole.
La salle de veille se trouve à 16 mètres au-dessus du sol. C'est une pièce ronde presque entièrement vitrée, une bulle qui flotte entre le ciel et l'océan. À gauche, une partie de la côte oléronnaise, et la mer à perte de vue. En face, l'île de Ré et le port de la Pallice. À droite, l'île d'Aix, avec la zone d'attente pour les navires qui doivent faire escale à La Rochelle.
Jour et nuit, des bordées de trois marins guetteurs de la flotte s'y succèdent toutes les quatre heures pour veiller sur la mer et sur le trafic maritime : les entrées et les sorties des ports de commerce de la Pallice et de Rochefort, mais aussi les allées et venues des bateaux de pêche et de plaisance, et même les véliplanchistes et tous les autres usagers de l'océan.
Les jumelles sur trépied qui grossissent 25 fois permettent de voir jusqu'à une trentaine de kilomètres. La portée du radar est supérieure, entre 40 et 45 kilomètres. « Nous devons être à l'affût de tout », souligne le maître principal Loïc Le Flanchec, chef de poste du sémaphore de Chassiron.
Le trait noir qui glisse sur la gauche est un bateau de plaisance. L'homme de quart relève son nom. « Toutes ces informations sont conservées. Il arrive de temps à autre que tous les sémaphores soient interrogés pour savoir s'ils ont vu passer tel ou tel navire, par exemple porté disparu. Si nous l'avons repéré, nous pouvons dire quel jour c'était, à quelle heure et quel cap il suivait. »
Tout le littoral sur écran
Le navire de commerce qui passe au large s'est identifié tout seul. Les systèmes d'identification automatique (SIA) ont beaucoup fait évoluer le travail des guetteurs. Lorsqu'un bateau équipé d'un SIA se présente dans la zone du sémaphore, sa localisation et son nom apparaissent immédiatement sur les écrans de surveillance qui équipent la salle de veille. Un simple clic sur le nom permet de connaître son indicatif, sa nationalité, sa date de construction ou son tirant d'eau. Si les documents ont été convenablement remplis, on peut même savoir d'où il vient, où il va et ce qu'il transporte.
Dans le cas contraire, les hommes de quart recueillent par radio les informations manquantes et complètent la fiche du navire. Elles sont ensuite transmises à la cellule de Brest, qui les renvoie à tous les sémaphores. Plusieurs centaines de navires peuvent ainsi se bousculer sur les écrans de contrôle de la façade atlantique. « Il y a quelques années encore, chaque fois qu'un navire passait au large d'un sémaphore, il devait s'identifier par radio. Maintenant, tout cela a disparu… Mais cela ne nous empêche tout de même pas de vérifier que les informations qu'ils fournissent sont exactes », rappelle le maître principal Loïc Le Flanchec.
Le programme de rénovation des radars qui vient d'être lancé devrait permettre d'améliorer les performances de plusieurs sémaphores, notamment dans les zones les plus sensibles du littoral. « Soit on va chercher à voir plus loin, soit on va essayer de repérer des embarcations plus petites », note un représentant de la DGA. L'objectif est de mieux surveiller le trafic maritime, mais aussi de se donner plus de moyens pour détecter, par exemple, l'arrivée de migrants clandestins sur les côtes ou pour faire face à une menace terroriste contre un site implanté sur le littoral. Mais, au-delà de ces améliorations techniques, ce programme de rénovation doit constituer la phase préliminaire à la mise en place de la version 2 du programme Spationav. Ce programme assure, entre autres, la connexion des informations entre les sites et avec les commandements chargés de les centraliser. À terme, ce dispositif qui permet d'avoir en permanence un œil sur nos 4 000 kilomètres de côte et 11 millions de kilomètres carrés d'espace maritime devrait se retrouver intégré dans un réseau de surveillance européen